Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 28 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, née le 28 août 2015, et annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 23 février 2015 refusant son licenciement, a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1510704 du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 aout 2016 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 12 septembre 2016 et 11 octobre 2018, M.B..., représenté par Me Beauchene, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 28 octobre 2015 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS (société par actions simplifiée) Jardel Services pris ensemble la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire de mutation dont il a fait l'objet de la part de son employeur est irrégulière car il n'a pas eu accès aux documents sur lesquels s'est fondé le ministre pour prendre sa décision ;
- la décision attaquée ne vise pas chacun de ses mandats syndicaux ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en effet, il avait refusé sa nouvelle affectation et il appartenait à l'entreprise soit de le maintenir dans son poste soit de saisir l'inspecteur du travail pour obtenir la validation de ce changement de ses conditions de travail ; en effet, le refus de modification de ses conditions de travail ne saurait constituer une faute ; la SAS Jardel Services a pris une sanction contre lui en raison de prétendus retards reprochés par son client, la société STP Presse, mais son employeur n'a pas vérifié la réalité des retards qui lui étaient reprochés, de telle sorte que le ministre du travail ne pouvait légalement autoriser son licenciement pour faute grave faisant suite à la sanction de mutation disciplinaire dont il avait fait l'objet, à son refus de changer de lieu de travail et aux modifications substantielles de ses conditions de travail compte tenu de l'irrégularité de la procédure suivie à son encontre ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, le doute devant profiter au salarié.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., chauffeur livreur poids lourds au sein de la SAS (société par actions simplifiée) Jardel Services, société de transport, logistique et location de véhicules, était salarié protégé, en sa qualité de membre titulaire du comité d'établissement, de délégué du personnel titulaire, de délégué syndical UNSA, de délégué syndical central, et membre du comité d'hygiène, sécurité et des conditions de travail depuis le 15 décembre 2014. Il a été informé le 2 septembre 2014 par son employeur qu'en raison du mécontentement exprimé par la société STP Presse, client principal de la société, pour lequel M. B... assurait les livraisons, et en raison de retards récurrents dans les liaisons pendant le mois d'août 2014, la SAS Jardel Services envisageait de prendre une sanction à son encontre, se traduisant par une mutation d'office sur un autre site, et le convoquait pour un entretien préalable, le 9 septembre 2014. A la suite de cet entretien, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 22 septembre 2014, la SAS Jardel Services a rappelé à M. B...les faits reprochés, consistant notamment en 19 retards constatés en août 2014 ayant pour conséquence que le client ne voulait plus qu'il assure les livraisons, et lui a confirmé qu'il était affecté, à compter du 1er octobre 2014, au poste de conducteur de La Poste à la Courneuve, situé à cinq kilomètres du site initial, lui demandant de renvoyer la lettre signée et d'y indiquer son accord pour sa mutation. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a renvoyé la lettre signée le 30 septembre 2014, pensant seulement en accuser réception, il n'a pas donné son accord exprès à la mutation disciplinaire et ne s'est pas présenté, le 1er octobre 2014, à son nouveau poste. A la demande d'explications de son employeur du 6 octobre 2014, M. B... l'a informé de ce qu'il refusait cette mutation et qu'il continuerait à se présenter à son ancien poste. M. B... a été convoqué, le 18 novembre 2014, à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave prévu pour le 28 novembre 2014. Après demande d'avis du comité d'entreprise, la SAS Jardel Services a demandé à l'inspecteur du travail, le 18 décembre 2014, l'autorisation de le licencier pour faute grave. L'inspecteur lui a opposé un refus le 23 février 2015. La SAS Jardel Services a formé un recours hiérarchique le 22 avril 2015 auprès du ministre chargé du travail. Un rejet implicite du recours hiérarchique est né le 28 août 2015 du fait du silence gardé par le ministre. Il a été suivi d'une décision expresse du 28 octobre 2015 retirant cette décision implicite, annulant la décision de l'inspecteur du travail et accordant l'autorisation de licenciement visant M. B.... Celui-ci a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision d'autorisation de son licenciement. Par un jugement du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. B... relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ; 2° Délégué du personnel ; 3° membre du comité d'entreprise ; (...) ; 7° membre du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-3 du même code : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-5 du même code : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-8 du même code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ". Aux termes de l'article L. 2411-13 du même code : " Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ". Enfin, aux termes de l'article L. 1235-1 du même code " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles./ Si un doute subsiste, il profite au salarié. ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. D'une part, que si M. B... soutient que la procédure de licenciement prise à son encontre est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dans la mesure où il n'a pas eu accès aux pièces sur lesquelles s'est fondé le ministre pour autoriser son licenciement. Toutefois, il ne précise pas quel document ne lui aurait été transmis, alors que le ministre produit en appel une attestation de remise de documents dans le cadre de sa contre-enquête menée suite au recours hiérarchique exercé par la SAS Jardel Services, qui est de nature à établir le caractère suffisant des documents portés à la connaissance de M. B....
5. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.
6. Aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. / Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision ministérielle litigieuse, qui ne vise que trois mandats détenus par M. B..., à l'exclusion de celui d'élu au CHSCT, ce dernier n'a été élu à une telle fonction syndicale que le 15 décembre 2014. Si la demande d'autorisation de licenciement a été formée par l'employeur le 18 décembre 2014, soit trois jours après l'élection au CHSCT, le ministre n'avait à prendre en compte que les mandats détenus au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, lesquels, en l'espèce, étaient au nombre de trois et sont visés par la décision ministérielle. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le ministre, saisi de la décision de l'inspecteur du travail, laquelle faisait mention du mandat d'élu au CHSCT, ainsi que du recours hiérarchique du 22 avril 2015 faisant mention de la candidature de M. B... à ce mandat le 15 décembre 2014.
8. Il ressort des pièces du dossier que le changement de poste imposé à M. B... faisait suite à la sanction disciplinaire dont l'intéressé a fait l'objet du fait de retards récurrents et importants en aout 2014 dans les livraisons à la société STP Presse, client principal de la SAS Jardel Services, qu'il était chargé de livrer au cours de deux tournées journalières, le client ne voulait plus que les livraisons soient assurées par ses soins, en raison précisément de ses retards. M. B... ne présente pas d'explication convaincante, invoquant tantôt les embouteillages, tantôt l'accord du client ou encore celui de son employeur, sans l'établir, et se borne à soutenir qu'il a l'habitude de prendre sa pause déjeuner entre 14 heures et 15 heures. Son employeur établit en revanche qu'afin de dissimuler ses retards, il a renseigné les documents relatifs aux livraisons qu'il devait assurer de manière erronée, en modifiant les horaires sur la feuille de tournée. Au regard des faits, répétés et avérés, au sujet desquels la sanction disciplinaire prise par l'employeur était justifiée. De plus, le poste imposé à M. B... ne constituait pas un changement substantiel des conditions de travail, ni quant au site retenu pour son nouveau poste, qui n'était distant que de 5 km de l'ancien lieu de travail de l'intéressé, ni quant au salaire, qui restait inchangé. Ce changement de poste a été refusé par M. B... qui a continué à se présenter sur l'ancien poste, contrairement à ce que son employeur avait décidé. C'est donc sans commettre d'erreur d'appréciation que le ministre puis les premiers juges ont pu estimer que le comportement du salarié était fautif, que les faits justifiaient une mesure disciplinaire et que le refus opposé par le requérant de la mesure disciplinaire, constituait une faute grave de nature à justifier un licenciement pour faute. Enfin, M. B... soutient que le changement qui lui a été imposé avait pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives, en l'éloignant des agents du site du Bourget, il ne l'établit pas.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2015.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la SAS Jardel Services, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, versent à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 1 000 euros à la SAS Jardel Services en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SAS Jardel Services est rejeté.
N° 16VE02665 5