Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E..., Mmes C..., B...et A...E...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser, d'une part, la somme de 10 000 euros en leur qualité d'ayants droit de M. D... E...leur père, en réparation des préjudices subis par ce dernier du fait de son hospitalisation à l'hôpital Louis Mourier, d'autre part, la somme de 13 000 euros à chacun, soit 52 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont personnellement subis du fait des conditions de l'hospitalisation et du décès de leur père.
Par un jugement n° 1308715 du 17 décembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 10 000 euros en leur qualité d'ayants droit de leur père et la somme de 5 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices propres.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2016, les consortsE..., représentés par la SCPA Garnier et autres, avocat, demandent à la Cour :
1° de réformer le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 décembre 2015 en leur allouant la somme de 11 000 euros à chacun, soit 44 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont personnellement subis du fait des conditions de l'hospitalisation et du décès de leur père ;
2° de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur père étant décédé à la suite d'une injection fautive reconnue par l'hôpital de 11 grammes de potassium au lieu de 11 millilitres, administrée dans le cadre de la prise en charge d'une infection nosocomiale, la quotité de chance de survie perdue est nécessairement de 85 % correspondant à la chance de survie de sa pathologie initiale et non de 30 % comme appréciée par le tribunal qui avait pourtant retenu que leur père avait été atteint d'une infection nosocomiale dans le mois précédant son décès ; en tenant compte de cette quotité de chance de survie perdue, chacun devra se voir allouer la somme de 11 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que, le 31 juillet 2012, M. D... E..., alors âgé de 55 ans, a été opéré par une intervention chirurgicale programmée à l'hôpital Louis Mourier consistant en une résection oeso-gastrique par voie abdominale laparoscopique et par thoracotomie droite, visant à traiter l'extension en profondeur d'une tumeur maligne de très petite taille dont l'exérèse avait été réalisée en mai 2012. Il a été transféré le 2 août 2012 dans le service de réanimation du même hôpital pour une défaillance respiratoire fébrile à bacilles gram négatif. Une infection pulmonaire à pseudomonas aeruginosa qualifiée de nosocomiale par le compte-rendu d'hospitalisation a provoqué des chocs septiques et une insuffisance rénale nécessitant le recours à une hémofiltration continue à partir du 6 septembre 2012. Un arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire a conduit au décès le 11 septembre à 00h13 malgré les manoeuvres de réanimation. Il est constant que la cause du décès est imputable à l'erreur majeure du service sur la quantité de potassium rajouté dans les poches d'hémodiafiltration le 10 septembre 2012 après 18h30, heure à laquelle le taux de potassium dans le sang du patient était normal.
2. Le tribunal a, en conséquence, condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), d'une part sur le fondement de l'infection nosocomiale, au versement d'une indemnité de 10 000 euros aux consorts E...en leur qualité d'ayants droit de leur père et une indemnité de 3 000 euros à chacun en leur nom propre au titre du préjudice d'accompagnement. D'autre part, sur le fondement de la faute commise par l'injection létale du chlorure de potassium, le tribunal après avoir évalué à 30 % la chance de survie perdue par M. E... du fait de la faute médicale commise a condamné l'AP-HP au versement d'une indemnité de 2 000 euros à chacun au titre du préjudice d'affection subi du fait du décès de leur père. Les consorts E...relèvent régulièrement appel de ce jugement en tant seulement qu'il a été statué sur leurs conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice d'affection sur le fondement de la responsabilité pour faute.
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ".
4. Ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit rapportée. Seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.
5. Il résulte de l'instruction et, en particulier du compte rendu d'hospitalisation de M. E...que ce dernier a présenté 48 heures après l'intervention chirurgicale une pneumopathie hypoxémiante à pyocyanique multisensible et candida. Si l'AP-HP a soutenu devant les premiers juges que l'état infectieux de M. E...n'avait pas le caractère d'une infection nosocomiale, il n'a pas apporté de preuve d'une cause étrangère alors qu'aucune infection n'était présente ou en incubation au début de la prise en charge. L'AP-HP n'a d'ailleurs pas contesté en appel l'engagement de sa responsabilité pour l'infection nosocomiale retenue par les premiers juges au titre notamment du préjudice subi par le patient.
6. Indépendamment de l'infection nosocomiale et de son traitement fautif, M. E... avait 80 % de chance de survie après l'intervention chirurgicale du microcarcinome infiltrant de l'oesophage dont il était atteint. Dans les circonstances de l'espèce, il sera donc fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par les consorts E...du fait du décès de leur père en leur octroyant 8 000 euros à chacun.
7. Il résulte de tout ce qui précède, en tenant compte de la somme de 3 000 euros allouée au titre du préjudice d'accompagnement par les premiers juges qui n'a pas été contestée en appel, qu'il y a lieu de porter à la somme de 11 000 euros chacun, l'indemnisation des consorts E...mise à la charge de l'AP-HP par l'article 2 du jugement du 17 décembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de la condamnation de l'AP-HP par l'article 2 du jugement n° 1308715 du 17 décembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est porté de la somme de 5 000 euros chacun à celle de 11 000 euros chacun.
Article 2 : L'AP-HP versera aux consorts E...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE00311