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12/02/2019 | FRANCE | N°17VE03270

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 février 2019, 17VE03270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC NUMERICABLE, venant aux droits de la SAS Est Vidéocommunication, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques mis à la charge de la société Est Vidéocommunication au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503302 du 15 juin 2015, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés

les 12 aout 2015 et 21 mars 2016, la société NC NUMERICABLE, représentée par Me Bouchard, avocat,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC NUMERICABLE, venant aux droits de la SAS Est Vidéocommunication, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques mis à la charge de la société Est Vidéocommunication au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503302 du 15 juin 2015, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 aout 2015 et 21 mars 2016, la société NC NUMERICABLE, représentée par Me Bouchard, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques d'un montant de 34 697 euros au titre de l'année 2010 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dès lors que, alors qu'elle avait choisi de réaliser elle-même l'intégralité des traitements informatiques, l'administration a réalisé des traitements ultérieurs, à partir des fichiers intermédiaires, et la proposition de rectification liste près de 14 étapes pour la réalisation de fichiers " résultats " ; or, la doctrine BOI 13 L-2-08 prévoit que l'administration ne peut faire que des tris, des classements et des calculs simples ;

- la procédure informatisée n'a pas respecté le contradictoire ;

- l'administration ne lui a pas demandé son choix quant au format de restitution des résultats des traitements informatisés ;

- il n'existe aucun texte fiscal exigeant, en cas d'offre associant plusieurs services, d'imputer la remise consentie proportionnellement à l'ensemble des produits ou services vendus ; les contrats " double / triple play " prévoient une remise sur les seuls services de téléphonie et internet, comme cela ressort des contrats d'abonnement ; il n'y a aucun lien entre le service de télévision et les remises internet et téléphonie et le quantum de la remise ne dépend pas de l'importance du service de télévision intégré dans l'offre pack " double / triple play " ;

- la méthodologie de calcul des rappels est forfaitaire et imprécise ;

- l'administration ne pouvait remettre en cause l'affectation des remises sans avoir au préalable écarté sa comptabilité ;

- l'affectation de ses remises commerciales constituent une décision de gestion opposable à l'administration ; elle s'explique car l'adjonction des nouvelles activités de téléphonie et d'internet n'a pas entrainé de coûts supplémentaires compte tenu des investissements réalisés par le passé pour le service de télévision et a permis de proposer aux abonnés des services à prix compétitifs ;

- les rectifications litigieuses résultent de l'application de l'article 279 b octies du code général des impôts dans sa version en vigueur pour les années 2008 à 2010 qui est incompatible avec les principes dégagés par la CJUE.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouchard, pour la société NC NUMERICABLE.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Est Vidéocommunication, aux droits de laquelle vient la SAS NC NUMERICABLE, exerçait l'activité de fournisseur d'accès internet, de télévision et de téléphonie. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2010. L'administration fiscale, à la suite de ce contrôle, a estimé que la société avait minoré son chiffre d'affaires, taxable au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, correspondant à la fourniture de services de communications électroniques, et mis en conséquence à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a, ensuite, tiré les conséquences de ce redressement en mettant également à sa charge, au titre de l'année 2010, un rappel de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, dont l'assiette est déterminée à partir du chiffre d'affaires relatif à ces mêmes services de communications électroniques. La SAS NC NUMERICABLE relève appel du jugement du 15 juin 2015 du Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande en décharge du rappel de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Sur la régularité de la procédure suivie :

2. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ".

3. En premier lieu, dans le cas où le contribuable a choisi d'effectuer lui-même les traitements informatiques demandés par l'administration, celle-ci peut néanmoins remettre en cause les résultats des traitements informatiques effectués par le contribuable, sous réserve de ne pas procéder elle-même à des traitements sur le matériel utilisé par l'entreprise ou à l'aide des fonctionnalités des applications au moyen desquelles l'entreprise tient sa comptabilité.

4. Il résulte de l'instruction que, si l'administration a procédé à des traitements informatiques sur les données transmises par la SAS Est Vidéocommunication, qui avait choisi d'effectuer elle-même les traitements informatiques demandés par le vérificateur, elle n'a pas recouru au matériel utilisé par l'entreprise ni aux fonctionnalités des applications au moyen desquelles l'entreprise tient sa comptabilité. Pour procéder à ces traitements, le service n'était pas tenu de demander à nouveau à la société de formaliser son choix entre les trois options ouvertes par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Si la

SAS NC NUMERICABLE fait valoir que l'administration, en procédant à de tels retraitements, a méconnu le principe du contradictoire, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la garantie offerte au contribuable par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales aurait été méconnue.

5. En deuxième lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer l'instruction du

6 mars 2008, référencée 13 L-2-08, qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut pas être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

6. En troisième lieu, et en tout état de cause, la société requérante ne peut davantage utilement invoquer les dispositions du d) du III de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dès lors que ces dispositions, introduites par l'article 14 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, sont postérieures au déroulement de la vérification de comptabilité.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 302 bis KH du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année en cause : " I. Il est institué une taxe due par tout opérateur de communications électroniques (...). / II. La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent (...) / Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : (...) 2° Les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle (...) ".

8. Dès lors qu'un opérateur de communications électroniques commercialise des offres globales, comprenant des prestations de fournisseur d'accès internet et de téléphonie, incluses dans l'assiette de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communication électronique, et des prestations de diffusion de communication individuelles, exclues de l'assiette de cette taxe, l'application de l'article 302 bis KH du code général des impôts implique que ce forfait soit décomposé de manière à ce que soit déterminée la part respective pouvant raisonnablement être réputée correspondre aux différentes prestations composant le prix global. A cette fin, l'opérateur doit être en mesure de justifier d'éléments permettant d'effectuer la ventilation requise avec une précision suffisante en recourant à toute méthode telle que la valeur de marché ou le coût effectif des différentes prestations fournies.

9. Il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité, le service a constaté que les remises que la société accordait aux clients ayant souscrit à prix global des abonnements comprenant les prestations de télévision, internet et de téléphonie, étaient exclusivement imputées sur les services internet et téléphonie, compris dans l'assiette de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, et n'affectaient pas le prix du service de télévision, exclu de l'assiette de la taxe. Estimant que ces remises portaient en réalité sur la totalité de l'offre, l'administration a procédé, pour chaque facture client, à la ventilation de ces remises au prorata du montant facturé de chaque prestation avant remise.

10. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment de la " brochure tarifaire au

19 janvier 2010 " produite par la requérante, que le client, lors de l'abonnement, souscrit une offre globale proposée à un prix unique TTC, et que ce n'est qu'au niveau des factures, pour appliquer le taux de taxe sur la valeur ajoutée, qu'apparaissent les prix de chacun des services et les " remises pack " imputées sur les seuls prestations internet et téléphone. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les " packs Triple Play / Double Play " qu'elle propose ne seraient pas des offres globales, les remises étant accordées aux clients sur les seuls services de téléphonie et internet, et qu'il n'y aurait pas de lien entre les différents services.

11. D'autre part, la société requérante, en se bornant à faire valoir, sans d'ailleurs en justifier, que les activités de téléphonie et internet n'ont pas entrainé de coûts supplémentaires compte-tenu des investissements réalisés par le passé pour le service de télévision, et que l'activité historique de télévision est " majeure " par rapport aux deux autres activités, ne justifie d'aucune méthode traduisant la réalité économique des différentes prestations, leur coût respectif dans l'offre globale conduisant à affecter les remises aux seules prestations de téléphonie et internet. Dès lors, en l'absence de méthode plus précise, c'est à bon droit que l'administration, qui n'avait pas à remettre en cause le caractère probant de la comptabilité, ni à mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, a procédé, pour chaque facture client, à la ventilation de ces remises au prorata du montant facturé de chaque prestation avant remise.

12. Enfin, les moyens relatifs aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la société, tirés notamment de la méconnaissance de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et d'un courrier adressé le 18 mars 2010 par la commission européenne au ministre des affaires étrangères, sont en tout état de cause sans influence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques en litige.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

13. Il résulte de l'instruction que les rappels contestés n'ont pas été assortis de la majoration pour manquement délibéré. Les conclusions de la requête dirigées contre cette majoration sont donc sans objet.

14. Il résulte de tout ce qui précède que société SAS NC NUMERICABLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS NC NUMERICABLE est rejetée.

2

N° 17VE03270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03270
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08-015 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : BOUCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-12;17ve03270 ?
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