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29/01/2019 | FRANCE | N°17VE01083

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 janvier 2019, 17VE01083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision du ministre de la défense du 2 octobre 2014 rejetant sa demande d'indemnisation adressée au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Par un jugement n° 1408575 du 3 février 2017, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de présenter à M. A...une proposition d'indemnisation dans le délai de trois mois à compt

er de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision du ministre de la défense du 2 octobre 2014 rejetant sa demande d'indemnisation adressée au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Par un jugement n° 1408575 du 3 février 2017, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de présenter à M. A...une proposition d'indemnisation dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2017 et le 26 septembre 2018, le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande portée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu son office de juge de plein contentieux ;

- il s'est borné à apprécier la légalité de la recommandation du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et n'a pas pris en considération l'ensemble des pièces produites en défense de nature à établir que l'intéressé n'a pas été exposé à des rayonnements ionisants ;

- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 n'institue pas une présomption irréfragable, et l'existence de relevés dosimétriques individuels ou d'ambiance nuls et de résultats d'anthropospectrogammamétrie normaux est de nature à prouver que le demandeur n'a pas été exposé à des rayonnements ionisants ; le dossier de surveillance médicale montre cette absence d'exposition directe.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, président-assesseur,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A...est entré au Commissariat à l'énergie atomique en 1980, et a été affecté à plusieurs reprises, entre 1985 et 1995, sur le site des essais nucléaires français à Mururoa, en Polynésie. Il a été victime d'un cancer de la vessie, diagnostiqué en 2009, et a saisi le 15 mars 2011 le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) d'une demande d'indemnisation. Par décision du 2 octobre 2014, le MINISTRE DE LA DEFENSE a rejeté sa demande, mais le Tribunal administratif de Versailles, dans le jugement dont le ministre relève appel, a annulé cette décision et enjoint au CIVEN de présenter à M. A... une proposition d'indemnisation.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Versailles a estimé qu'il était saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision du 2 octobre 2014, alors que le contentieux relatif à la mise en oeuvre du régime d'indemnisation des victimes des essais nucléaires relève exclusivement du plein contentieux. Le jugement est dès lors irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur la demande d'indemnisation de M.A... :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio induite doit avoir résidé ou séjourné : / 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ; / 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. / (...) ". L'article 4 de cette même loi, dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, disposait que : " I. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (...) / V. - Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 : " I.- Au premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots et la phrase : " à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé. " sont supprimés. / II.- Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur les dispositions du I de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande s'il estime que l'entrée en vigueur de la présente loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision. Il en informe l'intéressé ou ses ayants droit s'il est décédé qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l'actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi (...) ".

5. Les dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 citées ci-dessus ont supprimé les dispositions du premier alinéa du V de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie.

6. La décision du 2 octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. A...au titre de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. A...pouvait être considéré comme négligeable, est illégale.

7. Il résulte des même dispositions de la loi du 28 février 2017 que le législateur a entendu que, lorsque le juge statue sur une décision antérieure à leur entrée en vigueur, il se borne, s'il juge qu'elle est illégale, à l'annuler et à renvoyer au CIVEN le soin de réexaminer la demande.

8. Il y a lieu par suite de prononcer l'annulation de la décision du 2 octobre 2014, de renvoyer M. A...devant le CIVEN pour que celui-ci procède au réexamen de sa demande, et de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 3 février 2017 est annulé.

Article 2 : La décision du MINISTRE DE LA DEFENSE du 2 octobre 2014 est annulée.

Article 3 : M. A...est renvoyé devant le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires pour que celui-ci procède au réexamen de sa demande.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et de M. A...est rejeté.

N° 17VE01083 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01083
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-20 Armées et défense.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : CABINET TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-29;17ve01083 ?
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