La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2019 | FRANCE | N°17VE02865

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 23 janvier 2019, 17VE02865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DOLCE LOLITA a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1506892 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté s

a demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DOLCE LOLITA a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1506892 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, la SARL DOLCE LOLITA, représentée par Me Hong-Rocca, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de contrôle en présence de la vérificatrice et de sa représentante légale révèlent une méconnaissance de son droit à un débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- cette proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que la vérificatrice a estimé que sa comptabilité était irrégulière et l'a rejetée pour ce motif ;

- la méthode de reconstitution mise en oeuvre est radicalement viciée dès lors qu'elle repose sur le postulat de l'absence de variation entre les stocks de début et de fin d'exercice, qu'elle ne pouvait, en particulier, exclure par principe toute variation des stocks alors-même qu'un second établissement a été créé au cours de l'un des exercices vérifiés, que la vérificatrice a commis une confusion entre des produits différents portant le même nom mais issus de différentes collections, que le taux de produits volés a été sous-évalué et qu'en se basant uniquement sur les données issues des tickets Z, les remises liées aux soldes et aux programmes de fidélité n'ont pas été pris en compte ;

- aucun manquement délibéré ne peut lui être imputé au regard des vices affectant la méthode de reconstitution et du caractère invraisemblable du montant du chiffre d'affaires ainsi évalué.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL DOLCE LOLITA, qui exerce une activité de vente au détail de

prêt-à-porter, a fait l'objet au cours de l'année 2013 d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle le service lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013. Cette société relève régulièrement appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. Si la société appelante soutient que les opérations de contrôle se seraient essentiellement déroulées le jeudi après-midi, durant les horaires d'ouverture du magasin, à des moments où, affairée avec les clients, sa gérante n'aurait pas été en mesure de se rendre pleinement disponible pour débattre utilement avec le vérificateur, aucune des pièces qu'elle verse aux débats ne permet d'établir les véritables horaires de ces rendez-vous, à l'exception du premier qui s'est déroulé, comme le fait valoir le ministre en défense, durant la pause méridienne et non durant l'après-midi. La copie du courriel adressé par le service à la gérante n'est pas davantage de nature à révéler que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire. Le moyen tiré de la violation du droit à un tel débat doit dès lors être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".

5. D'une part, il résulte de l'instruction que le courrier recommandé contenant la proposition de rectification adressée à la SARL DOLCE LOLITA a été présenté à l'adresse de cette société le 16 août 2013, avant d'être retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé " le 2 septembre suivant. Le délai qui s'est écoulé entre ses deux dates est de nature à établir, contrairement à ce que soutient la société appelante, et en l'absence de tout élément contraire versé aux débats, que ce pli est demeuré en instance au bureau de poste pendant une durée de garde de quinze jours. Cette société, à laquelle il appartenait de prendre toute disposition de nature à lui permettre de recevoir son courrier, ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir de sa fermeture estivale durant la période de présentation et de mise en instance du pli. La proposition de rectification doit, dès lors, être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée le 16 août 2013, date de première présentation du courrier la contenant. Le moyen tiré du défaut de notification de cette proposition doit, par suite, être écarté.

6. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

7. La proposition de rectification du 29 juillet 2013, après avoir indiqué les impositions dont la base était modifiée pour les années 2010, 2011 et 2012 s'agissant de l'impôt sur les sociétés et pour la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2013 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, énonce les motifs pour lesquelles le service a estimé que la comptabilité de la SARL DOLCE LOLITA était entachée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante. Elle détaille ensuite les différentes méthodes de reconstitution appliquées, les éléments utilisés pour chacune de ces méthodes, les données extraites de ces éléments, et précise la méthode finalement retenue ainsi que le montant des recettes finalement reconstituées. Le moyen tiré de son insuffisante motivation manque, dès lors, en fait.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

8. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ". L'article R. 194-1 du même livre dispose : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au service d'établir que la comptabilité de la SARL DOLCE LOLITA était entachée de graves irrégularités de nature à en justifier le rejet, c'est à cette dernière, qui n'a pas présenté d'observations dans le délai légal en réponse à la proposition de rectification du 29 juillet 2013 réputée notifiée le 16 août 2013, qu'il incombe d'apporter la preuve du caractère excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe de la reconstitution de recettes effectuée ou du caractère infondé des rehaussements notifiés.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité présentée :

10. Pour écarter la comptabilité de la SARL DOLCE LOLITA comme non sincère et non probante, le service a constaté que la société ne procédait à l'enregistrement de ses recettes, sur la période d'imposition en litige, qu'une fois par mois et non pas après chaque transaction, sur la seule base de ses encaissements bancaires, et sans opérer aucune ventilation entre les encaissements de ses deux établissements. Il a relevé en outre que sa gérante n'a pas été en mesure de fournir au vérificateur le livre d'inventaire, le livre de caisse ainsi que le registre d'immobilisation et que les justificatifs présentés se limitent pour l'essentiel à des tickets récapitulatifs journaliers ne retraçant pas l'intégralité des opérations et dont les données ne concordent pas avec le montant des recettes comptabilisées. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve de l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de la société DOLCE LOLITA.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

11. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL DOLCE LOLITA, le service a fait successivement application de trois méthodes avant de retenir celle aboutissant au résultat le plus favorable à l'appelante. Cette méthode a consisté à reconstituer le chiffre d'affaires à partir des données figurant sur les tickets de caisse de l'entreprise, en tenant compte d'un taux de vol et de produits offerts. Cette reconstitution s'est faite à stock constant, dans la mesure où les irrégularités constatées dans les inventaires des stocks ne permettaient pas de les exploiter. Les recettes ont été calculées en appliquant le coefficient de marge déclaré par la société.

12. Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutient la SARL DOLCE LOLITA, la méthode de reconstitution n'a pas, par principe, exclut toute variation des stocks. La requérante ne produit par ailleurs aucun justificatif probant permettant de tenir compte d'une telle variation. Si la société affirme par ailleurs que le service n'a pas tenu compte de données comptables figurant sur un CD-Rom, elle n'appuie son allégation d'aucun élément circonstancié. Elle ne justifie pas davantage d'un volume de vols à un taux, oscillant selon elle entre 4 % et 10 %, supérieur à celui retenu par l'administration. Enfin, si elle fait également grief au service de n'avoir tenu aucun compte des remises liées aux soldes et aux cartes de fidélité, elle ne justifie pas de l'existence d'un système de fidélité au sein de ses établissements, alors-même que la méthode de reconstitution retenue s'appuie, en tout état de cause, non pas sur les prix affichés mais sur les encaissements réalisés. Dès lors, la SARL DOLCE LOLITA n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe de la reconstitution de recettes effectuée par le service.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. Pour justifier l'application de pénalités pour manquement délibéré aux rectifications établies en matière d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société DOLCE VITA, l'administration fait état des irrégularités graves et répétées affectant, au titre des trois exercices vérifiés, la comptabilité de la SARL, ainsi que du montant important des recettes non déclarées. Elle établit ainsi l'intention délibérée de la société de minorer l'impôt et par suite, le bien-fondé de ladite majoration.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL DOLCE LOLITA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de SARL DOLCE LOLITA est rejetée.

2

N° 17VE02865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02865
Date de la décision : 23/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET ALDHEA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-23;17ve02865 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award