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23/01/2019 | FRANCE | N°17VE02864

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 23 janvier 2019, 17VE02864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1600910, 1600911 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir joint ces demandes, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de d

charge à hauteur de la somme de 10 312 euros et rejeté le surplus des conclusions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1600910, 1600911 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir joint ces demandes, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme de 10 312 euros et rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2017, Mme A..., représentée par Me Hong-Rocca, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de vérification de la comptabilité de la société dont elle était alors la gérante révèlent une méconnaissance du droit de cette société à un débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification n'a pas été régulièrement notifiée à cette société ;

- cette proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que la vérificatrice a estimé que la comptabilité présentée par cette société était irrégulière et l'a rejetée pour ce motif ;

- la méthode de reconstitution mise en oeuvre est radicalement viciée dès lors qu'elle repose sur le postulat de l'absence de variation entre les stocks de début et de fin d'exercice, qu'elle ne pouvait, en particulier, exclure par principe toute variation des stocks alors-même qu'un second établissement a été créé au cours de l'un des exercices vérifiés, que la vérificatrice a commis une confusion entre des produits différents portant le même nom mais issus de différentes collections, que le taux de produits volés a été sous-évalué et qu'en se basant uniquement sur les données issues des tickets Z, les remises liées aux soldes et aux programmes de fidélité n'ont pas été pris en compte ;

- aucun manquement délibéré ne peut lui être imputé au regard des vices affectant la méthode de reconstitution et du caractère invraisemblable du montant du chiffre d'affaires ainsi évalué.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL DOLCE LOLITA, qui exerce une activité de vente au détail de

prêt-à-porter, a fait l'objet au cours de l'année 2013 d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle le service lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013. L'administration a, en outre, estimé que certains rehaussements révélaient l'existence de revenus distribués par cette société à sa gérante et associée principale, MmeA..., à laquelle elle a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 à 2012. Celle-ci a sollicité du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par deux demandes distinctes, la décharge de ces impositions. L'intéressée relève régulièrement appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel ce tribunal, après avoir joint ses demandes et prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, en a rejeté le surplus.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 8 mars 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, le directeur départemental des finances publiques du Val d'Oise a prononcé un dégrèvement partiel des impositions litigieuses à hauteur de la somme de 17 575 euros, correspondant à la majoration de 25%, en droits et pénalités, de l'assiette des contributions sociales sur les rémunérations et avantages occultes initialement infligée à l'appelante. Dès lors, ses conclusions à fin de décharge de ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Les irrégularités susceptibles d'affecter la procédure d'imposition d'une société à l'impôt sur les sociétés est, par elle-même, sans influence sur l'imposition du dirigeant ou de l'associé de cette société à l'impôt sur le revenu, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Mme A...ne peut, dès lors, utilement se prévaloir d'une quelconque irrégularité de la procédure d'établissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés notifiées à la SARL Dolce Lolita pour obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, qui sont les seules impositions en litige dans la présente instance. Par suite, les moyens tirés de la violation du droit de cette société à un débat oral et contradictoire et du défaut de notification et de motivation de la proposition de rectification la visant sont inopérants.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Mme A...conteste les distributions, taxées entre ses mains, issues de la reconstitution des recettes de la société Dolce Lolita.

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". L'administration supporte la charge de la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués et de leur appréhension par le contribuable, dès lors que ce dernier, comme c'est le cas en l'espèce, n'a pas accepté les rectifications, notifiées selon la procédure contradictoire. Toutefois, le contribuable, maître d'une affaire, est réputé avoir appréhendé les distributions réalisées par la société qu'il contrôle.

6. Pour écarter la comptabilité de la SARL Dolce Lolita comme non sincère et non probante, le service a constaté que la société ne procédait à l'enregistrement de ses recettes, sur la période d'imposition en litige, qu'une fois par mois et non pas après chaque transaction, sur la seule base de ses encaissements bancaires, et sans opérer aucune ventilation entre les encaissements de ses deux établissements. Il a relevé en outre que sa gérante n'a pas été en mesure de fournir au vérificateur le livre d'inventaire, le livre de caisse ainsi que le registre d'immobilisation et que les justificatifs présentés se limitent pour l'essentiel à des tickets récapitulatifs journaliers ne retraçant pas l'intégralité des opérations et dont les données ne concordent pas avec le montant des recettes comptabilisées. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve de l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de la société Dolce Lolita.

7. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL Dolce Lolita, le service a fait successivement application de trois méthodes avant de retenir celle aboutissant au résultat le plus favorable à l'appelante. Cette méthode a consisté à reconstituer le chiffre d'affaires à partir des données figurant sur les tickets de caisse de l'entreprise, en tenant compte d'un taux de vol et de produits offerts. Cette reconstitution s'est faite à stock constant, dans la mesure où les irrégularités constatées dans les inventaires des stocks ne permettaient pas de les exploiter. Les recettes ont été calculées en appliquant le coefficient de marge déclaré par la société.

8. Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutient MmeA..., la méthode de reconstitution des recettes de la société Dolce Lolita n'a pas, par principe, exclut toute variation des stocks. La requérante ne produit par ailleurs aucun justificatif probant permettant de tenir compte d'une telle variation. Si Mme A...affirme par ailleurs que le service n'a pas tenu compte de données comptables figurant sur un CD-Rom, elle n'appuie son allégation d'aucun élément circonstancié. Elle ne justifie pas davantage d'un volume de vols à un taux, oscillant selon elle entre 4 % et 10 %, supérieur à celui retenu par l'administration. Enfin, si elle fait également grief au service de n'avoir tenu aucun compte des remises liées aux soldes et aux cartes de fidélité, elle ne justifie pas de l'existence d'un système de fidélité au sein de ses établissements, alors-même que la méthode de reconstitution retenue s'appuie, en tout état de cause, non pas sur les prix affichés mais sur les encaissements réalisés. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le

bien-fondé de la méthode de reconstitution suivie par le service. L'administration doit donc être regardée comme apporteur de la preuve de l'exactitude des rehaussements qu'elle a apportés aux résultats déclarés par la société Dolce Lolita.

9. Il résulte de l'instruction que Mme A...est gérante de la société Dolce Lolita dont elle détient 90% des parts sociales. La société ne comporte aucun salarié. Mme A...assure seule les achats et ventes des marchandises dans les deux magasins de la société. Dans ces conditions, l'administration fiscale pouvait à bon droit regarder l'intéressée comme ayant été la seule et unique maître de l'affaire, qualité que l'appelante ne conteste pas avoir au demeurant, et, par voie de conséquence, comme ayant appréhendé les revenus distribués contestés.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Pour justifier l'application de pénalités pour manquement délibéré aux rectifications établies en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mise à la charge de Mme A..., l'administration s'est fondée sur l'importance des montants des revenus distribués non déclarés, sur le caractère répété sur les trois exercices vérifiés de ce manquement et sur la circonstance qu'en qualité de gérante et associée principale, Mme A...ne pouvait pas ignorer l'existence des omissions de déclarations de recettes de la société Dolce Lolita à l'origine des rehaussements en matière de revenus distribués. En se bornant à réitérer ses critiques dirigées contre la méthode de reconstitution utilisée par le service et à faire valoir que le résultat reconstitué revêtirait un caractère invraisemblable, l'appelante ne conteste pas sérieusement les constatations faites par le service. Dès lors, le ministre de l'action et des comptes publics apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence de ces omissions déclaratives ainsi que leur caractère délibéré. C'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a pu infliger à Mme A...la majoration prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles Mme A...a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 à hauteur de la somme de 17 575 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 17VE02864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02864
Date de la décision : 23/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET ALDHEA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-23;17ve02864 ?
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