Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
Par un jugement n° 1803488 du 8 juin 2018, le tribunal administratif a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juillet 2018, M.A..., représenté par Me Pigasse, avocat, demande à la cour :
1° de réformer le jugement attaqué en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2° d'annuler le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français du 16 mars 2018 ;
3° d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il établit participer à l'entretien et à l'éduction de son enfant de nationalité française ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, président assesseur,
- et les observations de Me Pigasse, représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité togolaise, est entré en France le 27 décembre 2002 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2004, confirmée le 27 octobre 2006 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 20 mars 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français et, par arrêté du 16 mars 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2018 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé l'interdiction de retour sur le territoire français, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
3. Il résulte de l'instruction que M.A..., qui déclare résider sur le territoire français depuis 2002, sans toutefois apporter la preuve de la continuité de sa présence en France depuis cette date, est le père d'une enfant née en France le 26 février 2013 d'une mère ivoirienne titulaire d'une carte de résident. Il est également père d'une enfant de nationalité française, née le 24 septembre 2016 pour lequel, par jugement du 28 septembre 2017, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris lui a accordé le bénéfice de l'exercice conjoint de l'autorité parentale avec la mère, a prévu qu'il recevrait l'enfant un dimanche sur deux de 16 h à 19 h, et l'a dispensé de contribuer à son entretien du fait de son impécuniosité. Il est constant, comme l'ont relevé les premiers juges, que M. A...entretient des relations avec ses deux filles. Enfin, M. A...a été recruté le 28 juillet 2017 par la commune de Saint-Denis en qualité d'adjoint technique contractuel pour le centre communal d'action sociale, d'abord jusqu'au 31 octobre 2017, avant que son contrat soit renouvelé jusqu'au 17 janvier 2018 puis jusqu'au 21 avril 2018. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour attaqué porte au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaît par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 mars 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A...un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre de délivrer ce titre dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenus dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 mars 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A...un titre de séjour vie " privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
N° 18VE02325 2