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18/12/2018 | FRANCE | N°15VE01472

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 décembre 2018, 15VE01472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Générale de Téléphone a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé le licenciement de Mme B... C..., ainsi que d'annuler la décision du 24 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé de licencier Mme C....

Par un jugement n° 1401306 du 16 mars 2015, le Trib

unal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Générale de Téléphone a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé le licenciement de Mme B... C..., ainsi que d'annuler la décision du 24 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé de licencier Mme C....

Par un jugement n° 1401306 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, et un mémoire enregistré le 13 février 2017, la SA Générale de Téléphone, représentée par Me Sutra, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ainsi que les décisions litigieuses ;

2° d'enjoindre à la ministre du travail d'autoriser le licenciement de Mme C...ou, à défaut, de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement de Mme C...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a écarté la lettre de précision du 14 juin 2013 et a commis une erreur sur sa compétence en requalifiant la demande d'autorisation ;

- la décision du ministre du travail était insuffisamment motivée ;

- que le ministre était incompétent pour examiner la demande d'autorisation de licenciement sur un autre motif que celui de la demande et qualifier lui-même cette demande ;

- la salariée ne pouvait refuser une affectation sur un secteur géographique identique qui ne constituait pas une modification du contrat de travail sans commettre une faute ;

- le ministre a commis une erreur de droit en qualifiant le licenciement d'économique.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant Me Sutra pour la société Générale de Téléphone.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Générale de Téléphone, filiale du groupe Orange, a demandé le 19 avril 2013, l'autorisation de licencier Mme B...C..., vendeuse experte exerçant les fonctions de déléguée du personnel et élue au comité d'entreprise. Par une décision en date du 24 juin 2013, l'inspecteur du travail de la deuxième section de l'unité territoriale de la

Seine-Saint-Denis a refusé de licencier Mme C...au motif que la demande relevait de la catégorie du licenciement économique. Cette décision a été annulée par une décision du ministre du travail du 22 novembre 2013 au motif que l'inspecteur du travail a, à tort, requalifié la demande de licenciement de Mme C...sur le terrain disciplinaire au regard de la lettre de précision du 14 juin 2013, et que la demande devait être regardée comme uniquement placée sur un terrain économique. Par un jugement en date du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la société Générale de Téléphone tendant à l'annulation des décisions des 24 juin 2013 et 22 novembre 2013. La société relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 24 juin 2013 :

2. La décision du 22 novembre 2013, par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 juin 2013, s'est substituée à cette dernière et est seule susceptible de faire grief à la société requérante. Ainsi, les conclusions de la demande de la société SA Generale de Téléphone tendant à l'annulation de la décision du 24 juin 2013 sont sans objet, et par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. La requérante soutient que le jugement litigieux serait entaché d'irrégularité dès lors qu'il a écarté la lettre de précision du 14 juin 2013. Toutefois, cette lettre n'a été écartée qu'au terme d'une analyse détaillée des raisons pour lesquelles cette lettre, qui opérait un changement de fondement de demande d'autorisation de licenciement, ne pouvait être regardée comme un simple complément apporté à la demande de licenciement formée le 19 avril 2013. Par suite, le jugement litigieux n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, et, partant, d'irrégularité.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ". En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration refuse de licencier un salarié protégé doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est adressée à l'inspecteur du travail dans les conditions définies à l'article L. 2421-3.(....) La demande énonce les motifs du licenciement envisagé ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'employeur de déterminer, dans sa demande d'autorisation de licenciement, la nature du licenciement envisagé en indiquant si ce licenciement est justifié par un motif économique, par un motif disciplinaire. L'autorité administrative, saisie de la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, est ainsi tenue par la qualification du licenciement ainsi donnée par l'employeur dans sa demande et ne peut légalement se fonder, pour refuser ou autoriser ce licenciement, sur un motif différent de celui énoncé dans cette demande.

7. La décision du 22 novembre 2013 ayant annulé la décision du 24 juin 2013 de l'inspecteur du travail mentionne que la seule demande d'autorisation de licenciement qui devait être prise en compte est celle faite par la société Générale de Téléphone le 19 avril 2013, sur le terrain économique. Elle rappelle que la demande a ensuite été, dans une lettre de précision du 14 juin 2013, présentée comme formée sur un plan disciplinaire, ambigüité n'ayant pas permis à la salariée de se prononcer en connaissance de cause sur les postes proposés. Puis elle annule la décision de l'inspecteur du travail au motif que ladite décision a, à tort, requalifié la demande sur le terrain disciplinaire en prenant en compte la lettre de précision du 14 juin 2013, et que la demande devait être regardée comme uniquement placée sur un terrain économique. Par suite, la décision attaquée ne peut être regardée comme insuffisamment motivée.

8. Ainsi qu'il a été dit, la société Générale de Téléphone a d'abord formé une demande initiale d'autorisation de licenciement visant Mme C...le 19 avril 2013. Il ressort des termes mêmes de cette demande, qui rappelle la chronologie des événements amenant à la fermeture, le 1er juin 2009, du magasin dans lequel travaillait MmeC..., rappelle les différentes propositions de reclassement faites à cette dernière, avant de détailler les offres de reclassement faites à la salariée puis refusées par elle, qu'elle ne comporte l'énoncé d'aucun motif précis de licenciement. La lettre de précision du 14 juin 2013 transmise par la société qui mentionne que le motif du licenciement tient au refus de Mme C...d'accepter une nouvelle affectation qui ne constitue pas une modification du contrat de travail ne comporte pas davantage l'énoncé d'un motif précis de licenciement. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre du travail, par sa décision du 22 novembre 2013, a rejeté, pour ce motif, la demande d'autorisation de licenciement dont il était saisi par la société Générale de Téléphone.

9. Il ressort des termes mêmes de la décision du 22 novembre 2013 que le ministre du travail n'a pas examiné la demande d'autorisation de licenciement formée par la société Générale de Téléphone sur un autre fondement que celui choisi par cette dernière. La société ne saurait donc utilement soutenir que le ministre était incompétent pour examiner la demande d'autorisation de licenciement sur un autre motif que celui de sa demande.

10. Il en résulte qu'il ne saurait également être utilement soutenu que le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'autoriser un licenciement dont le motif aurait été tiré de la faute qu'aurait commise Mme C...en refusant une affectation dans son secteur géographique qui ne constituait pas une modification du contrat de travail.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Générale de Téléphone n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement en date du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions des 24 juin 2013 et 22 novembre 2013.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Générale de Téléphone au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la société Générale de Téléphone à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Générale de Téléphone est rejetée.

Article 2 : La société Générale de Téléphone versera à Mme C...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 15VE01472 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01472
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SUTRA CORRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-18;15ve01472 ?
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