Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Daive a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 27 mars 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen a fait usage du droit de préemption sur un ensemble immobilier situé 1 rue Louis Dain.
Par un jugement n° 1506622 du 30 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 31 août 2016, deux mémoires complémentaires enregistrés les 3 et 17 octobre 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 24 juillet 2017, la commune de Saint-Ouen, représentée par Me Jorion, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de la SCI Daive ;
3° de mettre à la charge de la SCI Daive le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Saint-Ouen soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il repose sur un moyen qui n'était pas soulevé ;
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;
- la délibération donnant au maire délégation pour mettre en oeuvre les droits de préemption a été produite ;
- la motivation de la décision attaquée, qui fait état du projet de construction d'un immeuble de logement et d'un équipement pour la petite enfance et de l'élargissement de la rue Louis Dain, est suffisante au regard des exigences de la jurisprudence ;
- l'institution du droit de préemption renforcé sur le territoire de la commune a fait l'objet d'une délibération du conseil municipal du 26 mai 1987 ;
- la SCI Daive ne peut se prévaloir de l'exception d'illégalité de cette délibération ;
- le statut de bien détenu en co-propriété n'empêche pas l'immeuble en cause de faire l'objet du droit de préemption de la commune ;
- la réalité du projet poursuivi est démontrée, notamment par l'étude urbaine réalisée le 15 janvier 2015 et par la politique d'acquisition menée par la commune à proximité immédiate de la parcelle préemptée.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colrat,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Jorion pour la commune de Saint-Ouen, et de Me A...pour la SCI Daive.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Il ressort des écritures de la SCI Daive en première instance que le moyen tiré de ce que le bien ayant fait l'objet du droit de préemption exercé au nom de la commune de Saint-Ouen par son maire n'entrait pas dans le périmètre d'un droit de préemption préalablement défini était soulevé à la page 9 du mémoire introductif d'instance. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement soulevé ce moyen manque en fait.
Sur le fond du litige :
2. Aux termes de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, le droit de préemption urbain prévu par l'article L. 210-1 de ce même code : " (...) n'est pas applicable : a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété (...) / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnés au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Ouen a produit en appel le plan annexé à la délibération du conseil municipal de Saint-Ouen du 26 mai 1987 instaurant le droit de préemption renforcé sur le périmètre de l'ancienne zone d'intervention foncière transformée par arrêté préfectoral du 19 novembre 1979 en zone d'aménagement différée et que la rue Louis Dain est comprise dans ce périmètre. Par suite, la commune de Saint-Ouen est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas démontré que le bien litigieux entrait dans ledit périmètre et annulé pour ce motif la décision du maire de la commune de Saint-Ouen en date du 27 mars 2015 faisant usage du droit de préemption sur trois lots d'une copropriété située 1 rue Louis Dain et à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Daive devant le Tribunal administratif de Montreuil.
5. Le conseil municipal a donné, par délibération en date du 18 avril 2014, délégation au maire de Saint-Ouen pour exercer au nom de la commune le droit de préemption. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de préemption litigieuse doit être écarté.
6. La délibération en date du 26 mai 1987 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Ouen a instauré le droit de préemption urbain renforcé indique que le plan d'occupation des sols approuvé le 23 juin 1986 institue une zone d'intervention foncière à l'intérieur de laquelle la commune bénéficie d'un droit de préemption, que l'habitat ancien majoritaire y présente un degré de confort rudimentaire et que la multiplication des mises en copropriété crée de nombreuses situations de blocage et de dégradations. Elle est ainsi, contrairement à ce que soutient la SCI Daive, suffisamment motivée. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme précité doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ".
8. Il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption urbain peut légalement exercer ce droit, d'une part, s'il justifie, à la date à laquelle il l'exerce, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, s'il fait apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, doit répondre à un intérêt général suffisant.
9. Il ressort des pièces du dossier, et des motifs de la décision attaquée, que le bien immobilier litigieux est situé dans une zone de protection du patrimoine architectural et urbain appelée à se transformer en aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. Le conseil municipal de la commune de Saint-Ouen a, par délibération du 29 septembre 2014, instauré un périmètre d'études délimité par la rue des Rosiers, la rue Louis Dain et l'impasse Simon. Une étude urbaine menée conjointement par le Grand Paris, l'établissement public territorial Plaine-Commune et la commune de Saint-Ouen rendue le 15 janvier 2015 a défini un scénario d'aménagement comprenant un équipement dédié à la petite enfance de 600 m² à l'angle des rues Louis Dain et des Rosiers, la réalisation d'un programme de bureaux et d'un site logistique accessible par la rue Louis Dain et l'élargissement de la rue Louis Dain dans le prolongement de la rue Charles Garnier. Ces projets affectent directement la parcelle A 89 sur laquelle sont situés les lots de copropriété ayant fait l'objet de la préemption litigieuse. Ainsi, les éléments produits au dossier permettent d'attester l'existence d'un projet d'aménagement au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme préexistant à l'exercice du droit de préemption par la commune.
10. Les différentes pièces versées au dossier établissent l'ancienneté des projets d'aménagement de la zone en cause située à proximité immédiate du Marché aux Puces de renommée internationale et à la lisière du 18ème arrondissement de Paris. La seule exposition dans des termes vagues par la SCI Daive de la difficulté de mise en oeuvre du projet d'aménagement en cause n'est pas de nature à démontrer qu'il ne répondrait pas à un intérêt général. De même les arguments de la SCI Daive relatifs aux difficultés financières de la commune de Saint-Ouen, dont il n'est pas allégué qu'elle serait la seule à supporter les charges liées à la mise en oeuvre du projet, ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère d'intérêt général du projet poursuivi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la SCI Daive devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Daive le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Ouen et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1506622 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
N° 16VE02831 2