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27/11/2018 | FRANCE | N°18VE03119

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 27 novembre 2018, 18VE03119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité d'entreprise ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, DUP a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 12 février 2018 par laquelle la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France.

Par un jugement n° 1803338 du 9 juillet 2018,

le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité d'entreprise ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, DUP a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 12 février 2018 par laquelle la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France.

Par un jugement n° 1803338 du 9 juillet 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2018, le Comité d'entreprise ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, DUP, représenté par Me Vrillac, avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 12 février 2018 par laquelle le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France.

2° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 1233-57-4 du code du travail. En effet elle ne précise pas les conditions de la complétude de l'ensemble des points requis notamment s'agissant du périmètre d'appréciation du motif économique objet de la demande d'injonction et des catégories professionnelles qui ont fait l'objet d'un débat ni le périmètre d'application des critères d'ordre ;

- la DIRECCTE a manqué à son devoir de contrôle tel que prévu par les dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, quant au respect par l'employeur des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail relatives à la définition du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, alors d'ailleurs que le plan prévoit une pondération discriminatoire concernant le critère d'âge ; sur ce point c'est à tort que le tribunal a estimé que le dispositif mis en place était en adéquation aux dispositions de l'article L. 1133-2 du code du travail, le but légitime requis par cet article ne pouvant être l'intérêt financier de l'entreprise ;

- la DIRECCTE a manqué à son devoir de contrôle concernant le respect par l'employeur de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise et plus particulièrement que celui-ci ainsi que l'expert comptable qu'il a mandaté ont été destinataires des documents utiles pour permettre au comité d'entreprise de rendre un avis éclairé ;

- la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a manqué à son devoir de contrôle du respect par l'employeur de la procédure d'information-consultation du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui n'a pu, en l'espèce, formuler un avis en connaissance de cause ainsi qu'il ressort du procès-verbal de réunion du 12 janvier 2018, à la fois à défaut d'avoir obtenu une réponse à sa question visant à " identifier les partenaires en France qui pouvaient être impactés dans leurs conditions de travail par les suppressions de poste " et au motif que ses membres " n'étaient pas formés du fait de la carence de la direction " ; les informations n'ont été communiquées que postérieurement à la réunion destinée à recueillir l'avis des élus, qui n'ont pu apprécier en temps voulu l'impact de la restructuration sur les postes restants dans l'entreprise ;

- la DIRECCTE n'a pas pris en compte l'absence de poste de reclassement interne ;

- malgré la refonte de quelques catégories professionnelles durant l'étude du document unilatéral certaines d'entre elles ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur d'autres considérations que les fonctions et l'expérience professionnelle , s'agissant notamment des catégories professionnelles " gestion comptes clients (service manager) " et " gestion comptes clients stratégiques (service manager strategic account) " dont la distinction repose sur le " banding " et non sur la formation ou l'expérience ; le système des bands en application dans l'entreprise ne correspond pas à la classification de la convention collective nationale UIMM.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention collective nationale de l'UIMM ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me Vrillac pour le Comité d'entreprise ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, de M. B...et Mme D...pour la ministre du travail et de MeC..., substituant MeA..., pour la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France.

Considérant ce qui suit :

1. Le Comité d'entreprise ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, DUP relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande en annulation de la décision en date du 12 février 2018 par laquelle la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Concernant la motivation de la décision du 12 février 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière et de vérifier la conformité du plan aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. Elle doit également, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe.

4. Si le respect de la règle de motivation énoncée au point 2 n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler ainsi qu'il a été dit au point 3, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

5. Le Comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce que si elle cite les points requis elle ne les développe pas suffisamment notamment s'agissant des discussions qui ont eu lieu sur les catégories professionnelles et le périmètre d'appréciation du motif économique, objet de la demande d'injonction à la DIRECCTE, ainsi que sur le périmètre d'application des critères d'ordre. Toutefois la décision en cause rappelle toutes les étapes de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise et du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), y compris la demande d'injonction dont elle a été saisie par le comité d'entreprise, la réponse de l'entreprise et le rejet de cette demande par ses services ainsi que les motifs de ce rejet. Elle précise également que les instances représentatives du personnel ont été mises en mesure d'émettre un avis éclairé sur le projet de restructuration et ses conséquences sociales, ainsi que sur les modalités de mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi. Elle précise ensuite les mesures destinées à faciliter le reclassement interne ainsi que celles visant à faciliter les reclassements externes et que le document unilatéral porte, conformément aux articles L. 1233-24-2 et L.1233-24-4 du code du travail, sur les catégories professionnelles concernées et conclut que le plan de sauvegarde de l'emploi contient des mesures d'accompagnement adaptées à l'importance de ce projet de licenciement collectif, y compris en termes de formation et d'adaptation, et s'avère conforme aux exigences des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail, compte tenu des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel elle appartient. Alors qu'il ne lui appartient pas de prendre explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, la circonstance que la DIRECCTE ne prend pas explicitement parti sur les catégories professionnelles arrêtées, alors qu'elles ont fait l'objet de discussions avec les représentants du personnel, est sans incidence sur la suffisance de la motivation de la décision, aucune circonstance propre à l'espèce ne justifiant qu'elle soit amenée à porter une appréciation spécifique sur ce point. Ensuite, contrairement à ce que prétend le comité d'entreprise requérant, la décision en cause s'est prononcée sur le périmètre d'appréciation du motif économique, objet de la demande d'injonction à la DIRECCTE, ainsi que sur le périmètre d'application des critères d'ordre, en précisant que la demande d'injonction avait été rejetée au motif que la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, seule société du groupe en France, n'intervient que dans le seul secteur d'activité ou segment " Business Solutions ". Le comité d'entreprise requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'administration n'aurait pas contrôlé le respect par l'employeur des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail quant à la définition du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements. Dès lors la décision en litige qui fait apparaître les éléments essentiels de l'examen de l'administration est suffisamment motivée.

Concernant la suffisance des mesures du plan :

6. La circonstance qu'aucun poste de reclassement n'aurait été offert en interne n'est pas à elle seule de nature à caractériser une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, et par là même du contrôle de la DIRECCTE, dès lors que les mesures du plan doivent être prises dans leur ensemble, pour apprécier si elles sont propres à satisfaire les objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés.

Concernant la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise :

7. Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées. ". Aux termes de l'article L. 1233-34 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 1233-35 dudit code : " L'expert désigné par le comité d'entreprise demande à l'employeur, au plus tard dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours. Le cas échéant, l'expert demande, dans les dix jours, des informations complémentaires à l'employeur, qui répond à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert est formulée. ".

8. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient en particulier à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause. Lorsque l'assistance d'un expert comptable a été demandée selon les modalités prévues par l'article L. 1233-34 du code du travail, l'administration doit également s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

9. Le Comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France soutient que s'il est acquis que la société en cause fait partie du secteur d'activité " Business solutions " et que les élus ont bénéficié, notamment dans la note économique jointe au projet de document unilatéral, de données économiques au niveau de ce secteur, ils n'ont toutefois contrairement à ce que préconise l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, bénéficié d'aucun élément suffisant sur le secteur d'activité au niveau France, alors que le motif économique serait la tendance baissière de ce secteur notamment sur les volumes et sur l'impact du " mix produit " sur le chiffre d'affaires.

10. Aux termes de l'article L. 1233-3 modifié par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : " Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une entreprise appartient, comme en l'espèce, à un groupe les difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que les analyses économiques et financières relatives au périmètre retenu, lequel correspond à l'activité menée sur l'ensemble du territoire français, ont été communiquées au comité d'entreprise le 17 octobre 2017 dans le cadre d'un document de 42 pages intitulé dossier d'information correspondant au livre II du document unilatéral. Ce document, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, fait notamment une présentation générale du groupe et de son évolution, décrit la situation financière du groupe au travers notamment de l'évolution du compte de résultats entre 2015 et 2016, de l'évolution de son chiffre d'affaires au cours de la même période, de sa notation par les agences de notation. Il présente les effectifs du groupe en 2016 et décrit plus particulièrement à la fois le segment business solutions, seul secteur d'activité dans lequel intervient la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France, les données financières qui lui sont propres en soulignant la baisse de cinq points de son chiffre d'affaires en 2016. S'agissant de sa filiale française, ce document procède également à une présentation générale de l'entreprise, précise le nombre de ses salariés, son champ d'intervention, fait une présentation du projet de réorganisation et de compression des effectifs, en explique le motif en invoquant une concurrence accrue, une pression sur les prix, les avancées technologiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise confrontée à une baisse de son chiffre d'affaires en développant de nouveaux services prenant appui sur des technologies nouvelles et en lançant une nouvelle plateforme. Enfin ce document opère une présentation générale du marché " business solutions " et décrit l'impact du plan de réorganisation. L'expert et le comité d'entreprise ont en outre obtenu des réponses circonstanciées aux nombreuses questions posées à la société concernant la documentation économique fournie notamment sur le secteur d'activité et le secteur géographique impacté par les difficultés économiques. Alors que la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France soutient, sans être sérieusement contestée, que l'organisation opérationnelle, économique et financière d'ATetT est transversale, que les comptes établis dans chaque pays sont lissés par le système INSF et qu'au regard de cette organisation, seule l'analyse préalable de l'activité " business Most of the World " à laquelle appartient ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France permet d'appréhender de manière pertinente le motif économique du projet au niveau de l'entreprise et/ou du groupe au niveau national, elle n'était pas tenue de fournir des documents supplémentaires qu'elle ne détenait au demeurant pas, notamment une analyse du marché " Business Solutions " avec son évolution sur les 5 dernières années, un " business plan " comparatif à 3 ans au niveau France, à l'expert et au comité d'entreprise qui ne justifie pas de l'utilité de la production de tels documents eu égard aux circonstances précédemment décrites. Il s'ensuit que les conditions dans lesquelles l'expert a accompli sa mission et les informations communiquées par la société au comité d'entreprise ont permis à celui-ci de disposer de tous les éléments utiles, y compris d'ordre économique, pour formuler son avis en toute connaissance de cause.

Concernant la procédure d'information et de consultation du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail :

12. Il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges d'écarter le moyen tiré de ce que le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail n'aurait pas pu rendre un avis en toute connaissance de cause à défaut d'avoir été informé des éléments lui permettant d'" identifier les partenaires en France qui pouvaient être impactés dans leurs conditions de travail par les suppressions de poste " et d'un manque de formation du fait de la carence de la direction.

Concernant les critères d'ordre :

13. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. / Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois. / Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret. ". Aux termes de l'article L. 1133-2 du même code : " Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. " ;

14. Le comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France soutient que la pondération des critères d'ordre serait en l'espèce " discriminatoire directement ou indirectement notamment concernant le critère d'âge " non prévu pour les retraitables, alors que l'indemnité additionnelle prévue au bénéfice de ces derniers est fortement minorée. Toutefois la différence de traitement s'agissant de la catégorie des salariés " retraitables ", définie par le document unilatéral comme étant celle des salariés qui peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein à l'issue de leur préavis, vise des salariés qui ne sont pas, contrairement aux autres, qui n'entrent pas dans cette catégorie, confrontés à la nécessité d'assurer leur emploi. Le critère d'ordre ici retenu, eu égard à la différence de situation des salariés retraitables ou non, vis à vis du marché du travail, répond aux conditions posées à cet égard par l'article L. 1133-2 précité du code du travail.

Concernant les catégories professionnelles :

15. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise (...) ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ". L'article L. 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 cité ci-dessus, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

16. Selon le Comité d'entreprise requérant les catégories professionnelles concernées par le licenciement auraient été déterminées à partir d'un système de classification interne à l'entreprise lié aux rémunérations et non au regard des fonctions, de l'expérience professionnelle et des responsabilités managériales, ainsi que cela ressortirait des catégories " service manager - gestion compte clients", qui compte 4 services manager band A4, et " service manager - gestion compte clients stratégiques ", qui englobe le reste des services manager de band A5 ou B. Toutefois la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France a justifié la différence entre ces deux catégories professionnelles devant la commission ad hoc du 8 janvier 2018, constituée à cet effet, en précisant que s'ils peuvent disposer d'une formation initiale comparable, les salariés appartenant à la catégorie professionnelle " Gestion comptes clients stratégiques " (Service Manager Strategie Account) se différencient dans les domaines suivants : le leadership,·l'investissement dans des chantiers d'amélioration, l'expérience client comprenant l'identification des opportunités et l'accroissement du revenu, la participation au " revenue contribution program " et aux appels d'offre (RFP), la force de proposition, et la différence de positionnement vis-à-vis des clients, sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier qu'une telle expérience pourrait être acquise sans qu'elle n'excède l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, alors même que les salariés rattachés à la catégorie " service manager - gestion compte clients" peuvent remplacer pendant les vacances ceux rattachés à la catégorie " service manager - gestion compte clients stratégiques ", dès lors qu'ils n'assurent, dans ce cas, qu'une gestion courante et non l'ensemble des missions confiés à ces derniers. Il ressort, en outre, du document unilatéral que l'entreprise utilise un système de répartition du personnel fondé sur les compétences (typologie d'emploi) au sein desquelles sont établis des niveaux d'emploi eux-mêmes déterminés en fonction de critères tels que l'expérience, le niveau de responsabilité et l'autonomie. Enfin la société a précisé que les références aux " bands " A 4 et A5 ont uniquement pour objet d'identifier les salariés et non de déterminer les catégories professionnelles concernées. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort ni du document unilatéral, ni des échanges au cours de la procédure d'information et de consultation avec les représentants du personnel de la commission ad hoc, ou du comité d'entreprise, que la société aurait entendu regrouper, par catégories, les salariés sur d'autres bases que les seules compétences professionnelles. Par suite, le moyen tiré de ce que les catégories professionnelles, dont le nombre a d'ailleurs été réduit par rapport à un précédent plan de sauvegarde pour l'emploi, auraient été déterminées sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune doit donc être écarté.

17. Il y a lieu enfin par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges de rejeter le moyen tiré de ce que le système des " bands " en application dans l'entreprise ne correspondrait pas à la classification de la convention collective nationale UIMM.

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France au titre de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge du Comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France est rejetée.

Article 2 : Le comité d'entreprise de la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France versera une somme de 1 500 euros à la société ATetT GLOBAL NETWORK SERVICES France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE03119


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