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20/11/2018 | FRANCE | N°16VE00784

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 novembre 2018, 16VE00784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raymond Interactive a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 avril 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) d'Ile de France a, après avoir retiré une décision du 11 décembre 2014 l'autorisant à licencier M.B..., refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1504929 du 2 mars 2016,

le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raymond Interactive a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 avril 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) d'Ile de France a, après avoir retiré une décision du 11 décembre 2014 l'autorisant à licencier M.B..., refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1504929 du 2 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2016, la société Raymond Interactive représentée par Me Nahmias, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 3 avril 2015 de l'inspecteur du travail ;

2° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire, les mémoires présentés les 6 juillet 2015 et 20 janvier 2016 pour le salarié ne lui ayant pas été transmis ;

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée ;

- la décision du 3 avril 2015 a méconnu le principe du contradictoire, les observations présentées le 1er avril 2015 par le salarié sur demande de l'administration ne lui ayant pas été transmises alors qu'elles ont joué un rôle déterminant ;

- l'administration n'a pas respecté ses obligations résultant de l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en ne l'informant pas préalablement des motifs sur lesquels le retrait de l'autorisation de licenciement était envisagé, notamment le motif de l'insuffisance de motivation ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant du motif relatif à l'insuffisante motivation de la décision initiale ;

- l'ensemble des obligations de reclassement a été respecté au regard de l'absence de poste vacant disponible ; le seul poste disponible a été proposé au salarié venant d'être licencié qui a refusé cette offre ; la recherche de reclassement n'était pas tardive ; elle a été effective et sérieuse.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 24 octobre 2014, la société Raymond Interactive a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. A...B..., délégué du personnel. Par une décision du 11 décembre 2014, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Par une décision du 3 avril 2015, l'inspecteur du travail a retiré la décision du 11 décembre 2014 et refusé d'accorder l'autorisation de licenciement demandée. La société Raymond Interactive a sollicité l'annulation de cette décision auprès du Tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement du 2 mars 2016, a rejeté sa demande. La société Raymond Interactive relève régulièrement appel de ce jugement.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors applicables, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'autorité administrative compétente envisage de retirer pour illégalités cette décision. Ainsi, l'inspecteur du travail, avant de retirer une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre l'employeur au profit duquel la décision contestée a créé des droits à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels l'inspecteur entend fonder sa décision.

3. Avant de retirer sa décision du 11 décembre 2014 autorisant le licenciement pour motif économique de M.B..., salarié protégé, l'inspecteur du travail a envoyé à la société Raymond Interactive, le 12 mars 2015, un courrier l'invitant à présenter ses observations écrites avant le 30 mars 2015 en se bornant à l'informer ne pas exclure " la possibilité de retirer la décision administrative rendue en date du 11 décembre 2014 en raison des illégalités faisant griefs au salarié et tenant plus particulièrement au motif du non-respect de votre obligation de recherche de reclassement. ". L'administration a demandé le 30 mars 2015 des pièces complémentaires à la société et l'a reçue sur sa demande le 1er avril 2015. Que si l'ensemble des éléments communiqués par la société au cours de la procédure de retrait ont été communiqués à M. B... qui a adressé en réponse le 1er avril 2015 un courrier d'une quinzaine de pages précisant un ensemble de griefs à l'encontre du motif économique du licenciement et des efforts de reclassement, il ressort des pièces du dossier que l'un des motifs de retrait de la décision du 11 décembre 2014 tiré de son insuffisante motivation ainsi que l'ensemble des éléments déterminants sur lesquels l'inspecteur a fondé sa décision de retrait, repris du courrier du 1er avril 2015 de M.B..., n'ont pas été soumis au contradictoire. Le droit de la société Raymond Interactive de présenter ses observations préalable à un tel retrait d'une décision créatrice de droits revêtant le caractère d'une garantie, faute qu'elle ait été mise à même de discuter utilement l'insuffisance de motivation de la décision initiale ainsi que les efforts de reclassement, la décision par laquelle l'inspecteur du travail a retiré l'autorisation de licenciement de M. B... et a refusé d'autoriser ce licenciement est entachée d'illégalité.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Raymond Interactive est fondée à demander l'annulation de la décision du 3 avril 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, a retiré sa décision du 11 décembre 2014.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à la société Raymond Interactive, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504929 du 2 mars 2016 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 3 avril 2015 de l'inspecteur du travail de la 8ème section d'Ile de France sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Raymond Interactive une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16VE00784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00784
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SELARL MEZERAC-CHEVRET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-20;16ve00784 ?
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