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20/11/2018 | FRANCE | N°15VE00588

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 novembre 2018, 15VE00588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser la somme de 173 792,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2009.

Par un jugement avant-dire droit n° 1003127 du 25 avril 2013 et un jugement n° 1003127 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Longjumeau à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne les

sommes de 23 491,34 euros et 48 565 euros avec intérêts au taux légal à compter ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser la somme de 173 792,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2009.

Par un jugement avant-dire droit n° 1003127 du 25 avril 2013 et un jugement n° 1003127 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Longjumeau à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne les sommes de 23 491,34 euros et 48 565 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2009.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, représentée par Me Delesse, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du 16 décembre 2014 en ce qu'il a limité à la somme de 5 075 euros le recours subrogatoire relatif à la rente accident du travail versée à M. A... ;

2° de condamner le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser à ce titre la somme de 102 737,35 euros ;

3° de confirmer le jugement susvisé en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser la somme de 43 490,85 euros en remboursement des indemnités journalières versées à M. A... ;

4° d'assortir les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2009 ;

5° de mettre à la charge du centre hospitalier de Longjumeau une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la rente accident de travail servie à M. A... à compter du 21 septembre 2006, s'inscrit dans le cadre des dispositions des articles L. 454-1, L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; dès lors qu'elle excède le préjudice subi au titre des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle de l'incapacité, cette rente de 102 737,35 euros répare nécessairement le déficit fonctionnel permanent subi par l'assuré ; la caisse est donc fondée à exercer un recours subrogatoire sur la part de la somme de 100 000 euros octroyée au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, réparant l'incapacité permanente partielle dont demeure atteint M. A....

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par l'ordonnance de référé n° 074716 du 10 août 2007 du Tribunal administratif de Versailles confirmée le 14 mars 2008 par le juge des référés de la Cour administrative d'appel de Versailles, à la suite desquelles le juge du fond n'a pas été saisi par les parties au référé, M. A... s'est vu allouer une provision de 108 171,63 euros sur le montant de la réparation du préjudice résultant des soins reçus lors de son hospitalisation dans les services du centre hospitalier de Longjumeau en 2004. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a demandé, par une requête enregistrée le 20 avril 2010 au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser la somme de 173 792,91 euros en remboursement des débours exposés pour M. A..., à la suite d'un retard de diagnostic et de prise en charge chirurgicale dont ce dernier a été victime entre le 5 et le 10 juin 2004 pour une hernie discale. La caisse relève appel du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Longjumeau à lui verser la somme de 48 565 euros au titre des dépenses d'indemnités journalières et de la rente d'invalidité accident de travail capitalisée qu'elle a exposées au bénéfice de son assuré, et demande à la cour de faire droit à l'intégralité de ses conclusions de première instance s'agissant de la rente accident de travail d'un montant de 102 737 euros en capital. Le centre hospitalier de Longjumeau conclut au rejet de l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réduire la condamnation prononcée à son encontre par les jugements avant-dire droit du 25 avril 2013 pour un montant de 23 491,34 euros au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et des dépenses postérieures à la consolidation et du 16 décembre 2014 pour un montant de 48 565 euros correspondant aux pertes de gains professionnels. M. A... auquel l'ensemble de la procédure a été communiquée tant en première instance qu'en appel n'a pas présenté de conclusions en première instance et n'a produit aucune écriture en appel.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Longjumeau :

2. M. A...a été victime, le 1er juin 2004, d'un accident du travail en soulevant une charge lourde. Alors qu'il s'est rendu dès le lendemain au service des urgences du centre hospitalier de Longjumeau et à nouveau le 5 juin suivant, en raison de vives douleurs dans les cuisses et de difficultés à marcher, ce n'est que le 10 juin suivant, les douleurs s'étant encore accentuées et des troubles urinaires et sphinctériens étant apparus, qu'il a été hospitalisé au centre hospitalier de Longjumeau pour des troubles neurologiques dus à une compression des racines nerveuses dit syndrome de la queue de cheval. Un scanner, réalisé le lendemain, a alors révélé l'existence d'une volumineuse hernie L4 L5 opérée le même jour dans le service de chirurgie orthopédique. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 29 novembre 2006, qu'un retard de cinq jours et demi dans le traitement de la hernie discale est la conséquence de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par le centre hospitalier entre le 5 et le 11 juin 2004 constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

3. La mise en jeu de la responsabilité du centre hospitalier de Longjumeau pour faute à hauteur de 100 % retenue par le jugement avant-dire droit du 25 avril 2013 n'est pas contestée en appel.

Sur les préjudices :

4. Il résulte de l'instruction que l'expert a fixé au 20 septembre 2006 la date de consolidation de l'état de santé de M.A..., qu'une incapacité temporaire de travail de 24 mois et 27 jours et une incapacité permanente partielle de 35,6 % portant sur des troubles digestifs et urinaires ainsi que sur un déficit sensitivomoteur incomplet majeur du membre inférieur droit et un déficit mineur du membre inférieur gauche sont imputables au retard fautif. Par suite, d'une part, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement du 25 avril 2013 a retenu que le déficit sensitivomoteur n'était pas imputable au retard de diagnostic fautif. D'autre part, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que ce déficit sensitivomoteur ne serait pas imputable au retard fautif.

Quant aux dépenses de santé :

5. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a produit une attestation d'imputabilité de son médecin conseil et une attestation de débours évaluant les prestations fournies pour le compte de M. A... en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Longjumeau à la somme de 13 628 euros au titre des frais d'hospitalisation, lesquels débutant à compter du 16 juin 2004 jusqu'au 21 juillet 2004, correspondent à une hospitalisation en rééducation nécessitée par le déficit des membres inférieurs imputable au retard fautif. Par suite, le centre hospitalier de Longjumeau n'est pas fondé à contester sur ce point le jugement du 25 avril 2013.

6. Le centre hospitalier de Longjumeau conteste le lien direct avec la faute des actes de kinésithérapie préalables à la consolidation pour un montant de 4 383,41 euros. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'absence de retard fautif, de tels frais auraient dû être exposés.

7. Le centre hospitalier de Longjumeau conteste le remboursement de dépenses de santé futures pour un montant total de 5 002,40 euros correspondant pour cinq ans à des frais pharmaceutiques de 228,80 euros et des frais de kinésithérapie hebdomadaire de 4 773,60 euros. Toutefois, il ne résulte ni du rapport d'expertise, ni de l'attestation fournie par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne datée du 28 juin 2012, que la nécessité de ces dépenses futures " après consolidation " sur 5 ans, au regard de la date de consolidation fixée au 20 septembre 2006, soit justifiée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ni que ces dépenses aient été effectivement exposées. Par suite, le centre hospitalier de Longjumeau est fondé à demander la réformation du jugement du 25 avril 2013 sur ce point en ce que les premiers juges ont alloué à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne une somme de 5002,40 euros pour les dépenses futures.

Quant aux pertes de gains professionnels :

8. Les pertes de revenus subies par M. A...entre le 2 septembre 2004, date à laquelle en l'absence de faute il aurait dû reprendre son emploi, et le 20 septembre 2006, date de consolidation de son état de santé, se sont élevées à la somme totale de 48 565 euros dont il convient de déduire la somme de 43 490 euros correspondant à des indemnités journalières, en lien direct avec le retard fautif, dont la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demande le remboursement pour la période du 2 septembre 2004 au 28 juin 2006. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a accordé une indemnité couvrant les pertes non compensées par les indemnités journalières à M.A.... La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne est donc fondée à soutenir que le solde de 43 490 euros doit lui être remboursé par le centre hospitalier de Longjumeau lequel n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement du 16 décembre 2014 aurait procédé à une évaluation erronée du montant total des pertes de gain professionnelles.

Quant aux pertes de gains postérieures à la consolidation et à l'incidence professionnelle :

9. La rente d'accident du travail prévue par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale doit, en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions qui l'institue et de son mode de calcul, appliquant le taux d'incapacité permanente au salaire de référence défini par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

10. Pour la période postérieure à la consolidation, la Cour doit évaluer les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle avant toute compensation par la rente d'accident du travail. Si M. A...était dans l'incapacité d'exercer son métier de maçon, ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, son employeur lui a toutefois aménagé un poste de conducteur de travaux pour un salaire brut mensuel de 2 485,72 euros supérieur à son précédent salaire de 2 212,87 euros. L'existence d'une perte de gains professionnels et d'une incidence professionnelle ne résulte donc pas de l'instruction. Par suite, le préjudice résultant du versement par la caisse à M. A...le 20 septembre 2011 d'un capital correspondant à une rente accident de travail au titre du 4° de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale d'un montant de 102 735,35 euros ne peut s'imputer sur des postes de préjudices dont la réparation incomberait au centre hospitalier de Longjumeau.

11. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant au remboursement de la rente accident de travail de M.A.... D'autre part, le centre hospitalier de Longjumeau est seulement fondé à demander à ce que sa condamnation au versement de la somme de 48 565 euros par le jugement du 16 décembre 2014 soit ramenée à 43 490 euros et à ce que sa condamnation au versement de la somme de 23 491,34 euros par le jugement avant-dire droit du 25 avril 2013, soit ramenée à 18 488,94 euros.

Sur les intérêts :

12. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a droit aux intérêts sur la somme de 61 978,94 euros à compter du 22 décembre 2009, date de réception de sa demande préalable par le centre hospitalier.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Longjumeau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 23 491,34 euros que le centre hospitalier de Longjumeau a été condamné, par le jugement n° 1003127 du 25 avril 2013 du Tribunal administratif de Versailles, à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre des dépenses de santé est ramenée à la somme de 18 488,94 euros.

Article 2 : La somme de 48 565 euros que le centre hospitalier de Longjumeau a été condamné, par le jugement n° 1003127 du 16 décembre 2014 du Tribunal administratif de Versailles, à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre des pertes de revenus est ramenée à la somme de 43 490 euros.

Article 3 : Les jugements du Tribunal administratif de Versailles n° 1003127 du 25 avril 2013 et du 16 décembre 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 15VE00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00588
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-04-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Droits des caisses de sécurité sociale. Imputation des droits à remboursement de la caisse. Article L. 454-1 (ancien art. L. 470) du code de la sécurité sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP MICHELE DELESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-20;15ve00588 ?
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