Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MSD FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution partielle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des taxes additionnelles et des frais de gestion acquittés au titre de l'année 2013 à hauteur de la somme de 1 006 221 euros, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement no 1506647 du 3 novembre 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 19 juin 2017 et 12 septembre 2018, la société MSD FRANCE, représentée par Me Martenot, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la restitution sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement d'intérêts moratoires ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société MSD FRANCE soutient que :
- l'article 1586 sexies, I, 4 du code général des impôts fixe les règles applicables à la détermination de la valeur ajoutée, pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; la société a comptabilisé, au titre de l'année 2013, 62 478 555 euros de remises conventionnelles dues à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en application de sa convention pluriannuelle signée le 8 juin 2010, ces remises étant majoritairement des remises par produits ; ces remises par produits constituent des ristournes qui sont déductibles de la valeur ajoutée ; les remises par produits et les remises quantitatives constituent des ristournes au sens du plan comptable général ;
- les remises conventionnelles ne peuvent être assimilées à des prélèvements obligatoires ; les remises sont la contrepartie d'un service et doivent être admises en déduction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, par un raisonnement similaire à celui adopté par le Conseil d'État en matière de formation professionnelle continue ou de taxe " éco-emballage " et de dépenses libératoires ;
- l'analyse faite par la Cour de Justice des Communautés Européennes en matière de taxe sur la valeur ajoutée est identique dans les affaires Elida Gibbs Ltd C-317/94 et Commission c/ Allemagne C-27/98 ; dans une décision du 20 décembre 2017, rendue dans l'affaire Finanzamt Bingen-Alzey c/ Boehringer Ingelheim Pharma GmbH and Co C-462/16, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que la réalité économique impose de prendre en considération les réductions faites à des assurances privées sur le prix de vente des médicaments, en vertu d'une obligation légale, pour le calcul de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ; le Tribunal administratif de Montreuil, dans une décision du 8 mars 2018, SAS Janssen Cilag, a appliqué le raisonnement suivi par la Cour ; ces décisions, prises en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sont transposables en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;
- la différence faite entre les entreprises qui pratiquent les remises conventionnelles et celles qui pratiquent la minoration du prix facial constitue une inégalité de traitement contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration universelle de droits de l'homme et du citoyen ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Méry ;
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société MSD FRANCE a pour activité le commerce de gros de spécialités pharmaceutiques. Elle a présenté une réclamation en date du 18 décembre 2014 à l'administration fiscale tendant à obtenir une restitution partielle de la somme qu'elle a versée pour l'année 2013 au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion, à hauteur de 1 066 221 euros, au motif qu'elle était en droit de déduire du montant de la valeur ajoutée servant de base au calcul de la CVAE le montant des remises faites à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre de la même année. Sa réclamation a été rejetée le 30 juin 2015 par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des grandes entreprises. La société relève appel du jugement en date du 6 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution partielle sollicitée dans le cadre de sa réclamation du 18 décembre 2014.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1586 ter du code général des impôts : " (...) II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 1586 sexies du même code : " I.-Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : /-des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; /-des redevances pour concessions, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires ; /-des plus-values de cession d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ; /-des refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges. [...]4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : /a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : /-des autres produits de gestion courante à l'exception, d'une part, de ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires et, d'autre part, des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; / -de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; [...] /-des subventions d'exploitation ; /-de la variation positive des stocks ; /-des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / -des rentrées sur créances amorties lorsqu'elles se rapportent au résultat d'exploitation ; /b) Et, d'autre part : /-les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; /-diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / -la variation négative des stocks ; / -les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ; /-les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; /-les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; /-les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance ; /-les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante. ". L'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale dispose que : " En application des orientations qu'il reçoit annuellement des ministres compétents, le Comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises ou groupes d'entreprises des conventions d'une durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-16-6 et à l'article
L. 162-17. Les entreprises signataires doivent s'engager à respecter la charte mentionnée à l'article L. 162-17-8 et, selon une procédure établie par la Haute autorité de santé, à faire évaluer et certifier par des organismes accrédités la qualité et la conformité à cette charte de la visite médicale qu'elles organisent ou qu'elles commanditent. Ces conventions, dont le cadre peut être précisé par un accord conclu avec un ou plusieurs syndicats représentatifs des entreprises concernées, déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise, et notamment : /1° Le prix ou le prix de vente déclaré mentionné à l'article L. 162-16-5 de ces médicaments, à l'exception de ceux inscrits sur la liste prévue à l'article L. 5126-4 du code de la santé publique qui ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché et, le cas échéant, l'évolution de ces prix, notamment en fonction des volumes de vente ; /2° Le cas échéant, les remises prévues en application des articles L. 162-18 et L. 162-16-5-1 ; /3° Dans le respect de la charte mentionnée à l'article L. 162-17-8, les engagements de l'entreprise visant à la maîtrise de sa politique de promotion permettant d'assurer le bon usage du médicament ainsi que le respect des volumes de vente précités ; /4° Les modalités de participation de l'entreprise à la mise en oeuvre des orientations ministérielles précitées ; [...] 5° Les dispositions conventionnelles applicables en cas de non-respect des engagements mentionnés aux 3° et 4°. (...) ". L'article
L. 138-10 du code de la sécurité sociale prévoit d'assujettir à une contribution les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de la sécurité sociale de l'année, et de l'année précédente et prévoit, en cas de non respect de cet objectif, le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18 du même code.
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent conclure avec le comité économique des produits de santé une convention qui, d'une part, peut comporter des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de remises sur tout ou partie de ce chiffre d'affaires réalisé en France sur ces spécialités, et qui, d'autre part, détermine des engagements visant, dans le respect de la charte mentionnée à l'article L. 162-17-8 du code de la sécurité sociale, à la maîtrise de leur politique de promotion en vue d'assurer le bon usage du médicament et le respect des volumes de vente. La convention signée en application des dispositions de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale prévoit ainsi des engagements dont le non-respect est sanctionné par des remises, pour des produits déterminés, ou une baisse des prix. Les remises conventionnelles, qu'elles soient assises sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées ou établies par produit, sont directement versées à l'assurance maladie et ne constituent pas des avantages tarifaires consentis par les entreprises pour fidéliser leur clientèle, mais un mécanisme visant, dans les deux cas, à réduire les dépenses d'assurance maladie. La circonstance selon laquelle seules les remises sur le chiffre d'affaires, prévues par l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale, exonèrent les entreprises concernées de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du même code est, à cet égard, sans incidence sur la participation de l'ensemble de ces remises à la régulation des dépenses de l'assurance maladie. Par suite, elles ne sauraient venir en diminution des produits comptabilisés pour la détermination de la valeur ajoutée définie par l'article 1586 sexies du code général des impôts, interprétés au regard du compte 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général.
4. En deuxième lieu, la société MSD FRANCE soutient que les remises conventionnelles ne peuvent être regardées comme des prélèvements obligatoires, mais sont la contrepartie d'une prestation, ont un caractère libératoire et entrent, à ce titre, dans les charges déductibles prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée. Toutefois, les remises conventionnelles ne constituent pas la contrepartie ou le substitut exact d'une taxe, d'un impôt ou d'un versement assimilé.
5. En troisième lieu, faute de mémoire distinct, la société requérante n'est pas recevable à contester la conformité à la Constitution des dispositions législatives fondant l'imposition litigieuse. Elle ne saurait pas plus utilement faire obstacle à une imposition conforme aux dispositions législatives en vigueur en invoquant l'esprit des textes législatifs.
6. En quatrième et dernier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne rendue en matière de la taxe sur la valeur ajoutée.
7. Il résulte de ce qui précède que la société MSD FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins de versement d'intérêts moratoires et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de société MSD FRANCE est rejetée.
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N° 16VE03886