La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2018 | FRANCE | N°16VE02824

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 novembre 2018, 16VE02824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Rue La Boétie a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1409529 du 4 mai 2016, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 30 août 2016, 23 décembre 2016,

26 av

ril 2017 et 30 mai 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la cour :

1° d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Rue La Boétie a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1409529 du 4 mai 2016, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 30 août 2016, 23 décembre 2016,

26 avril 2017 et 30 mai 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rétablir l'imposition litigieuse à concurrence, en droits et pénalités, de la somme de 120 736 euros.

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'avance consentie au

" Crédit Agricole " constituait une activité économique conférant à la SAS Rue La Boétie la qualité d'assujetti à la TVA ;

- la qualité d'assujetti à la TVA a été conférée à la SAS Rue La Boétie, conformément à la jurisprudence communautaire, en raison de l'avance de 3,5 millions d'euros consentie par le holding à sa filiale " Crédit Agricole ", le 31 mars 2008, moyennant le versement d'intérêts qui se sont respectivement élevés à 340,5 et 387,3 milliers d'euros en 2009 et 2010 ;

- il résulte de la jurisprudence (CJCE 29 avril 2004, affaire 77/01, 5ème chambre, Empresa de desenvolvimento mineiro SGPS SA (EDM), RJF 7/04, n° 827) que les opérations consistant en des avances ou des prêts consentis à une filiale constituent nécessairement une activité économique entrant dans le champ d'application de la TVA ;

- en tout état de cause, ainsi qu'il résulte du considérant n° 8 du règlement d'exécution n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011, portant mesures d'exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, dès lors qu'un assujetti communique son numéro d'identification à la TVA, il est réputé avoir opté pour soumettre à la taxe les opérations facturées ; ainsi, dès lors que la facture émise par la société britannique Nomura International pic le 29 septembre 2009, pour un montant de 500 000 euros, comportait le numéro d'identification à la TVA de la SAS Rue La Boétie, cette dernière est réputée avoir opté pour la soumission de cette opération à la taxe ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 avril 2004, Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA (EDM) (affaire C-77/01) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SAS Rue La Boétie.

Considérant ce qui suit :

1. Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, à la demande de la SAS Rue La Boétie, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à cette société pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours du ministre :

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'instruction que dans son mémoire en défense enregistré devant le greffe du tribunal administratif de Montreuil le 24 août 2015, l'administration faisait valoir que la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée avait été conféré à la SAS Rue La Boétie en raison de l'avance de 3,5 millions d'euros consentie par la holding à sa filiale " Crédit agricole " le 31 mars 2008, moyennant le versement d'intérêts. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen de défense, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Rue La Boétie devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

4. La SAS Rue de la Boétie, société holding, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que la société devait être regardée comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.

5. Aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. "

6. En premier lieu, la simple acquisition et détention de parts sociales ne sauraient être regardées comme constituant des activités économiques conférant à leur auteur la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il suit de là que ne peut avoir la qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée une société holding dont l'objet unique est la prise de participations dans d'autres entreprises sans que cette société s'immisce directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques.

7. Il résulte de l'instruction, et il n'est plus contesté par le ministre devant la Cour, que la SAS Rue La Boétie a pour unique objet la prise de participations dans d'autres entreprises et ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises. Dès lors, cette activité ne lui confère pas la qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. En deuxième lieu, dans son arrêt du 29 avril 2004, affaire 77/01, 5ème chambre., Empresa de desenvolvimento mineiro SGPS SA (EDM), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit : " 65. (...) les intérêts perçus par un holding en rémunération des prêts accordés aux sociétés dans lesquelles il détient des participations ne sauraient être exclus du champ d'application de la TVA, dès lors que le versement de ces intérêts ne résulte pas de la simple propriété du bien, mais constitue la contrepartie d'une mise à disposition d'un capital au profit d'un tiers (voir, en ce sens, arrêt Régie dauphinoise, précité, point 17). 66. Quant à la question de savoir si, dans une telle situation, un holding accomplit cette prestation de service en qualité d'assujetti, la Cour a jugé, au point 18 de l'arrêt Régie dauphinoise, précité, qu'une personne agit en cette qualité lorsqu'elle effectue des opérations qui constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable, telles que la perception, par un syndic, des intérêts produits par le placement des sommes qu'il reçoit de ses clients dans le cadre de la gestion d'immeubles appartenant à ces derniers. 67. Tel est a fortiori le cas lorsque les opérations concernées sont effectuées dans le cadre d'un objectif d'entreprise ou dans un but commercial, caractérisé notamment par une volonté de rentabilisation des capitaux investis. 68. Or, force est de constater qu'une entreprise agit ainsi lorsqu'elle utilise des fonds faisant partie de son patrimoine pour accomplir des prestations de services constituant une activité économique au sens de la 6e directive, telles que l'octroi de prêts rémunérés par un holding à des sociétés dans lesquelles il détient des participations, que ces prêts soient octroyés en tant que soutien économique auxdites sociétés ou en tant que placement d'excédents de trésorerie ou pour d'autres raisons. "

9. Il résulte de l'instruction que la SAS Rue de la Boétie a octroyé le 31 mars 2008 une avance de 3,5 millions d'euros à sa filiale Crédit Agricole, moyennant le versement d'intérêts qui se sont élevés à 340 500 euros en 2009 et 387 300 euros en 2010.

Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait valoir que, eu égard à cette opération, elle devait être regardée comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, et que l'administration était dès lors en droit de taxer la prestation de conseil qui lui a été facturée par la société britannique Normura International plc le 29 septembre 2009 pour un montant de

500 000 euros acquitté le 30 septembre 2009.

10. Si, en application de l'arrêt précité de la cour de justice, la perception d'intérêts par la SAS Rue La Boétie ne résulte pas de la simple propriété de ses biens, mais doit être regardée en l'espèce comme la contrepartie d'une mise à disposition d'un capital au profit d'un tiers, en revanche, l'opération de prêt en cause, du fait de son caractère unique, ne peut être regardée comme ayant été effectuée dans le cadre d'un objectif d'entreprise et dans un but commercial caractérisé notamment par une volonté de rentabilisation des capitaux investis. Dès lors, cette opération n'a pas conféré à la société requérante la qualité d'assujetti.

11. En troisième et dernier lieu, aux termes du point 8 du règlement d'exécution n° 282/2011 du conseil du 15 mars 2011 : " Il convient de préciser que l'attribution d'un numéro d'identification TVA à un assujetti effectuant ou recevant une prestation de services à destination ou au départ d'un autre État membre et pour laquelle la TVA est due par le preneur uniquement ne porte pas atteinte au droit de cet assujetti de bénéficier de la non-imposition de ses acquisitions intracommunautaires de biens. Néanmoins, lorsque l'assujetti communique son numéro d'identification TVA au fournisseur dans le cadre d'une acquisition intracommunautaire de biens, il est en tout état de cause réputé avoir opté pour soumettre ces opérations à la taxe. "

12. Le ministre fait valoir que dès lors que la facture émise par la société britannique Nomura International plc le 29 septembre 2009, pour un montant de 500 000 euros, comportait le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la SAS Rue La Boétie, cette dernière est réputée avoir opté pour la soumission de cette opération à la taxe. Toutefois, d'une part, le règlement d'exécution n° 282/2011 dont il se prévaut est postérieur à la période d'imposition en cause et d'autre part, en tout état de cause, les dispositions de ce règlement d'exécution ne concernent que les acquisitions de biens, alors que la facture du 29 septembre 2009 porte sur une prestation de service de conseil.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Rue La Boétie est fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La SAS Rue La Boétie est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Rue La Boétie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

5

N° 16VE02824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02824
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Requêtes d'appel - Délai.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit à un procès équitable (art - 6) - Violation.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-06;16ve02824 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award