Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Auvers-sur-Oise à leur verser la somme de 209 202 euros en réparation des préjudices subis du fait du défaut d'entretien normal de la voirie au droit de leur propriété. La Mutuelle des assurances des instituteurs de France (MAIF) a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en sa qualité de subrogée de M. et Mme A...de condamner la commune d'Auvers-sur-Oise à lui verser la somme de 36 633,28 euros correspondant à l'indemnisation versée à M. et Mme A...à raison de ces préjudices.
Par un jugement n° 1403368 du 29 juin 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune d'Auvers-sur-Oise à verser la somme de 55 000 euros à M. et Mme A...et la somme de 36 633,28 euros à la MAIF et mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à hauteur de 14 990,76 euros. Le tribunal a, en outre, enjoint à la commune d'Auvers-sur-Oise de réaliser les travaux de réfection et d'entretien de la rue Simone Le Danois dans le délai de deux ans à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2017 et un mémoire enregistré le 25 septembre 2018, la commune d'Auvers-sur-Oise, représentée par Me Duraz, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par M. et Mme A...et par la MAIF devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3° de mettre solidairement à la charge de M. et Mme A...et de la MAIF le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors que les causes du dommage étaient connues dès 2001, la créance des époux A...était prescrite en 2014, date de leur requête introductive d'instance ;
- le défaut d'entretien normal n'est pas la cause des dommages ; ils résultent de l'épisode de fortes pluies de 2001 et des travaux entrepris par les propriétaires successifs de la maison acquise par les époux A...en 1991 ;
- aucun élément n'a été versé au dossier par les époux A...pour caractériser un dommage anormal et spécial ;
- en toute hypothèse, la faute commise par les époux A...exonère la responsabilité de la commune dès lors que les travaux de soutènement et d'aménagement paysagers menés par les propriétaires, notamment par les épouxA..., ont modifié la conception naturelle du site, créant une pente très accentuée et entraînant une instabilité du talus qui surplombe leur maison et soutient la voie publique Simone Le Danois ;
- dès la survenue du sinistre le 20 mars 2001, la commune a entrepris des travaux de confortement et de stabilisation du talus ;
- le préjudice de jouissance et le préjudice moral ne sont pas caractérisés et l'ensemble des préjudices allégués n'est pas établi ;
- les versements opérés par la MAIF ne sont pas justifiés ;
- l'injonction faite à la commune par le tribunal est inappropriée alors qu'une étude réalisée en 2017 démontre la présence d'une structure de béton renforçant la stabilité de la chaussée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colrat,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Duraz pour la commune d'Auvers-sur-Oise, et de Me B... pour M. et Mme A...et la MAIF.
Une note en délibéré présentée pour la Commune d'Auvers-sur-Oise a été enregistrée le 17 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Auvers-sur-Oise a été condamnée par le jugement attaqué à verser la somme de 55 000 euros à M. et Mme A...et la somme de 36 633,28 euros à leur assureur, la MAIF, en réparation des préjudices subis du fait du glissement de terrain survenu au mois de mars 2001 imputable à la présence et aux modalités d'aménagement et d'entretien de la rue Simone le Danois en surplomb de leur propriété. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, en outre, enjoint à la commune d'Auvers-sur-Oise de réaliser les études nécessaires et d'accomplir les travaux propres à assurer un soutènement pérenne de la voie publique garantissant la stabilité du talus auquel est adossée la maison des époux A...dans le délai de vingt-quatre mois à compter de la notification du jugement.
Sur la responsabilité :
2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices. Les époux A...ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par la voie publique Simone Le Danois construite en surplomb de leur maison.
3. Il résulte de l'instruction et des différents rapports d'expertise que les dommages subis par les époux A...du fait du glissement de terrain survenu en mars 2001 sont pour 95% imputables à un défaut de conception et à des carences dans l'entretien de la voie Simone Le Danois et pour 5% à l'ajout de remblais en crête de talus. Les rapports produits au dossier font état également de la carence de la commune à entreprendre les travaux nécessaires pour faire cesser les risques engendrés par ces défauts et cette absence d'entretien. Les préjudices subis par les époux A...revêtent un caractère anormal et spécial et l'absence de faute des victimes ne peut conduire à aucune exonération de la responsabilité de la commune.
Sur la prescription des préjudices :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".
5. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. Le point de départ de la prescription est la date à laquelle ce tiers est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.
6. Il résulte de l'instruction que les préjudices subis par les époux A...trouvent leur origine dans le glissement de terrain survenu en mars 2001 ayant entraîné un effondrement partiel du talus auquel est adossée leur maison à la suite d'un épisode pluvieux d'ampleur exceptionnelle. Il ressort des deux études par la société Fondasol dès l'année 2001 et par M. C... en 2002 que les désordres étaient au moins en partie liés à la mauvaise qualité des remblais créés lors de la construction de la voie Simone Le Danois et à leur angle de talus naturel incompatible avec la pente du talus aval. Ainsi, dès 2002, les époux A...peuvent être regardés comme ayant été informés de l'existence d'un lien entre les dommages subis lors du glissement de terrain de mars 2001 et un défaut d'entretien normal de la voirie situé en surplomb de leur propriété. En application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription de quatre ans, s'agissant des préjudices liés à l'impossibilité d'habiter leur maison durant quatre mois et aux frais liés à l'enlèvement des ouvrages provisoires de confortement et à l'installation d'un muret de soutènement, a commencé à courir le 1er janvier 2003 pour s'achever le 31 décembre 2007. Par suite, la commune d'Auvers-sur-Oise est fondée à soutenir que la créance invoquée par les époux A...et par leur assureur au titre de ce préjudice était prescrite à la date d'enregistrement de leur demande devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu la responsabilité de la commune d'Auvers-sur-Oise et condamné celle-ci à verser les sommes correspondant aux préjudices précités aux épouxA....
7. Les créances nées des préjudices liés aux troubles de jouissance du bien des époux A...et du préjudice moral subi par ces derniers, imputables à la carence de la commune à entreprendre les travaux nécessaires pour remédier aux défauts de conception et d'entretien de la voie Simone Le Danois, présentent un caractère continu et leur prescription ne s'acquiert qu'année par année. La demande d'indemnisation des époux A...ayant à ce titre été présentée à la commune d'Auvers-sur-Oise au cours de l'année 2014, seules les créances imputables aux années antérieures au 1er janvier 2010 sont prescrites.
Sur l'évaluation des préjudices subis par M. et MmeA... :
8. La carence de la commune à entreprendre des travaux susceptibles de remédier aux défauts de conception de la voie Simone le Danois relevés par les rapports d'expertise et à entretenir correctement cette voie ont entraîné un préjudice continu pour les époux A...né de l'impossibilité d'user normalement de leur jardin et de leur garage, de l'insécurité générée par les risques persistants d'affaissement et des nombreuses démarches qu'il leur a fallu entreprendre pour mettre fin aux troubles et obtenir leur réparation. Comme il a été dit ci-dessus, les créances nées de ces préjudices imputables à la carence de la commune d'Auvers-sur-Oise antérieures au 1er janvier 2010 sont prescrites. Il sera fait une juste appréciation des préjudices subis depuis cette date en condamnant la commune à verser aux époux A...la somme de 50 000 euros tous intérêts compris. En revanche, les préjudices allégués liés à la perte de valeur vénale de la maison des époux A...ou à l'impossibilité de la vendre ne sont pas établis. Enfin, le préjudice lié au remplacement de la clôture limitrophe de la rue Simone Le Danois est imputable, comme le soutiennent les requérants eux-mêmes, à des travaux entrepris par la commune en 2017 et se rattache donc à une cause juridique distincte du présent litige.
Sur le préjudice de la MAIF, assureur de M. et MmeA... :
9. Si la preuve d'un versement de 36 633,28 euros aux époux A...par la MAIF est apportée par les pièces du dossier, la commune d'Auvers-sur-Oise est fondée à soutenir que le lien entre cette somme et les préjudices non prescrits nés de la faute de la commune n'est pas établi. Par suite, la commune d'Auvers-sur-Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser cette somme à la MAIF et les conclusions incidentes de la MAIF tendant à ce que le montant de cette condamnation soit rehaussé doivent être rejetées.
Sur l'injonction prononcée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :
10. Il résulte du rapport d'expertise déposé le 13 décembre 2016 que la conception et le défaut d'entretien de la rue Simone Le Danois constituent les facteurs principaux du glissement de terrain observé en mars 2001 à la suite d'un épisode pluvieux exceptionnel et restent un facteur potentiel de nouveaux désordres éventuels susceptibles d'affecter les parcelles situées en contrebas de la voirie, dont celle de M. et MmeA.... La commune d'Auvers-sur-Oise n'apporte aucun élément susceptible d'indiquer qu'elle aurait commencé des travaux. La circonstance alléguée que de nouvelles études auraient mis à jour l'existence d'une structure de béton qui renforcerait la stabilité de la chaussée n'est pas susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expertise relatives à la nécessité d'entreprendre des travaux de confortation de la chaussée et du talus qu'elle surplombe. Par suite, la commune d'Auvers-sur-Oise n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il lui a enjoint de mener des travaux dans le délai de vint-quatre mois.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n°1403368 du 29 juin 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La somme que la commune d'Auvers-sur-Oise a été condamnée à verser à M. et Mme A... par le jugement du 29 juin 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est ramenée à 50 000 euros.
Article 3 : L'article 1er du jugement n°1403368 du 29 juin 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce sens.
Article 4 : Les conclusions incidentes de la MAIF sont rejetées.
Articles 5 : Les conclusions de la commune d'Auvers-sur-Oise, de M. et Mme A...et de la MAIF fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE02770