Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005.
Par un jugement n° 1207319 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 novembre 2016 et 1er juin 2017, M. et MmeB..., représentés par Me Gaspar, avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge demandée :
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les cessions de parts de copropriété de chevaux à naitre en litige ne sont pas rattachables aux exercices 2004 et 2005 en application de l'article 38-2 du code général des impôts, dès lors qu'à la signature du contrat, le poulain n'existe pas mais doit être produit dans un délai de 36 mois ; il s'agit donc d'une vente conditionnelle, dont la réalisation dépend d'un événement futur et incertain, et le transfert de propriété ne sera réalisé qu'à la livraison du poulain lorsque celui-ci sera né ; il y a vente d'un " être vivant à produire ", dans laquelle tant que l'être vivant n'est pas produit, la propriété et les risques ne sont pas transférés, même si les parties sont d'accord sur la chose et le prix ;
- la cession ne peut être regardée comme portant sur un élément de l'actif immobilisé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, rapporteur,
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...B...étaient associés de la SA Cryozootech ayant pour objet l'application des biotechnologies à la reproduction des animaux. A l'issue de la vérification de comptabilité de cette société, portant sur la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2005, le vérificateur a réintégré aux résultats le montant des produits dont elle s'est privée en vendant, par contrats conclus en 2004 et 2005, des parts de chevaux à naitre à un prix préférentiel à certains de ses associés, dont M.B..., estimant que ces cessions ne relevaient pas d'une gestion normale. En conséquence, l'administration a imposé entre les mains de M. et MmeB..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'avantage que leur avait consenti la SA Cryozootech, sur le fondement des articles 109-1, 1° du code général des impôts, s'agissant de l'année 2005, et 111-c du même code, s'agissant de l'année 2004. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 13 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la nature des cessions en litige :
2. Eu égard à l'activité de la SA Cryozootech, qui, comme le précise l'administration elle-même, consistait en la mise en banque de cellules, le clonage et la vente de parts de copropriétés de chevaux, la cession en cause relève de l'exercice de son activité principale et ne saurait être regardée comme la cession d'un élément de son actif immobilisé.
En ce qui concerne les revenus réputés distribués en 2004 :
3. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. "
5. L'article 7 du contrat produit par les requérants stipule : " Prix : Le prix de la présente vente de parts est contractuellement fixé à 5 000 euros par part, hors taxes, payable à la signature. Ce prix inclut la mise à disposition du droit sur la génétique de Calvaro 005 (le donneur) et la co-propriété du cheval Calvaro V Stallion produit par le Vendeur ".
6. Il résulte de ces stipulations que la vente a été conclue dès sa signature, sans condition suspensive, l'engagement du vendeur étant ferme et le prix payable à la signature. C'est dès lors à bon droit que l'administration a considéré que la cession avait été réalisée en 2004, et que l'avantage procuré aux acheteurs devait être imposé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de cette année.
En ce qui concerne les revenus réputés distribués en 2005 :
7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt ".
8. Aux termes l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. "
9. Le contrat produit par les requérants, signé le 19 janvier 2005, stipule en son article 6 : " Livraison : Le Vendeur s'engage à livrer à la copropriété un poulain mâle âgé d'un mois assurant ses fonctions vitales et ne présentant pas d'anomalies anatomiques ou physiologiques, constatées par un vétérinaire spécialiste reconnu, le rendant inapte à son usage. Le Vendeur s'engage à effectuer la livraison dudit poulain dans un délai de 36 mois à compter de la signature des présentes. ". L'article 4 de ce contrat stipule : " Pendant toute la durée de vie reproductrice de Calvaro V Stallion, le vendeur s'engage à ne produire aucun autre reproducteur clone de Calvaro V Stalion ". Il résulte de ces stipulations que le poulain et son patrimoine génétique ne pouvaient être regardés comme ayant été mis à disposition des acquéreurs, et par suite livrés au sens du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, au cours de l'exercice clos en 2005, nonobstant la circonstance que la vente était parfaite dès sa signature le 29 janvier 2005. Dès lors, le produit de cette cession ne peut être rattaché à l'exercice clos en 2005, et M. et Mme B...sont fondés à soutenir que l'avantage consenti aux associés du fait de la sous-estimation des parts de cheval à naitre ne peut être regardé comme effectivement appréhendé en 2005. C'est dès lors à tort que l'administration a regardé cet avantage comme un revenu distribué en 2005.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande portant sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2005.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. et Mme B...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.
Article 2 : le jugement du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
N° 16VE03201 2