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27/09/2018 | FRANCE | N°18VE01313

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 septembre 2018, 18VE01313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 février 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 février 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de cette notification et, dans l'attente de cette délivrance ou de ce réexamen, de lui délivrer un récépissé assorti d'une autorisation de travail, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801157 du 26 mars 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, M. A..., représenté par Me Saidi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de cette notification et, dans l'attente de cette délivrance ou de ce réexamen, de lui délivrer un récépissé assorti d'une autorisation de travail ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée portant refus de renouvellement de son attestation de demande d'asile est insuffisamment motivée ;

- avant de prendre cette décision, le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- compte tenu de la durée de son séjour et de ses liens familiaux dont il peut se prévaloir en France, cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son attestation de demande d'asile ;

- cette mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant égyptien né le 8 septembre 1986, relève appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2018 du préfet du l'Essonne refusant de renouveler son attestation de demande d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile :

2. Considérant qu'il ressort du point 2 du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté, comme irrecevables, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son attestation de demande d'asile au motif que ce refus, qui ne constitue pas une décision de refus de titre de séjour, mais se borne à tirer les conséquences de la décision du 12 mai 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile de l'intéressé, n'est qu'une simple mesure d'exécution et ne peut donc faire l'objet d'un recours contentieux ; qu'à l'appui de sa requête susvisée, M. A...ne conteste pas l'irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée ; que, par suite, les moyens soulevés par le requérant à l'encontre de ce refus de renouvellement de son attestation de demande d'asile sont inopérants ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...), à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision du 12 mai 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'a pas fait l'objet d'un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, l'intéressé entrait dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français ;

5. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté en défense que M. A..., qui établit séjourner en France depuis au moins l'année 2012, justifie, par les pièces produites en première instance et en appel, qu'il a vécu en concubinage depuis l'année 2013, d'abord à Paris, puis à Grigny (Essonne), avec une compatriote, qui a obtenu le statut de réfugié alors qu'elle était mineure, dont les parents résident régulièrement en France et qui est titulaire d'une carte de résident ; qu'en outre, les intéressés se sont mariés le 20 janvier 2018 ; qu'enfin, le statut de réfugié dont bénéficie l'épouse du requérant fait obstacle à ce que M. A... puisse poursuivre sa vie familiale avec son épouse dans leur pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de l'ancienneté et de la stabilité des liens familiaux dont M. A...peut se prévaloir en France et alors même qu'il peut bénéficier de la procédure de réunification familiale, la décision par laquelle le préfet de l'Essonne l'a obligé de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination qui l'assortit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 6 février 2018, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) " ;

9. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., ni d'une autorisation de travail, mais seulement le réexamen de sa situation ; qu'il y a donc lieu de prescrire au préfet de l'Essonne de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de l'intéressé et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 6 février 2018 du préfet de l'Essonne est annulé en tant qu'il fait obligation à M. A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Article 2 : Le jugement n° 1801157 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles du 26 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 18VE01313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01313
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-09-27;18ve01313 ?
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