Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801119 du 5 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 avril 2018 et le
3 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Apaydin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
- les décisions attaquées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice d'incompétence, faute de justification d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- ces décisions sont insuffisamment motivées ;
- avant de lui opposer ces décisions, le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;
- compte tenu de la durée de son séjour et des liens familiaux dont il peut se prévaloir en France, ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ces décisions ont été prises en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- et les observations de Me Apaydin, pour M.A..., et celles de M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant turc né le 1er septembre 1979, a sollicité, le 16 janvier 2017, son admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis que, par un arrêté du 11 janvier 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A...relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant produit aucune observation, que M. A...est entré en France, au plus tard, à la fin de l'année 2011, afin d'y solliciter l'asile, et justifie, par l'ensemble des pièces produites en première instance et en appel, y résider depuis lors ; qu'en outre, il s'est marié, le 21 janvier 2013, à une compatriote, titulaire d'une carte de résident qui a été renouvelée en 2011, avec laquelle il justifie également d'une communauté de vie depuis leur mariage et dont il a eu deux enfants nés en France, respectivement le 19 avril 2013 et le 22 septembre 2014 ; qu'enfin, à la date de l'arrêté en litige, l'épouse de l'intéressé était enceinte de leur troisième enfant ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'intensité des liens personnels et familiaux dont M. A...peut se prévaloir en France et alors même qu'il peut bénéficier de la procédure du regroupement familial, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A...est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui l'assortissent ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M.A..., en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801119 du Tribunal administratif de Montreuil en date du
5 avril 2018 et l'arrêté du 11 janvier 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à
M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
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N° 18VE01312