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27/09/2018 | FRANCE | N°18VE01100

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 septembre 2018, 18VE01100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801634 du 27 février 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire

, enregistrés respectivement le 28 mars 2018 et le 25 mai 2018, M.A..., représenté par Me Ngounou,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801634 du 27 février 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 28 mars 2018 et le 25 mai 2018, M.A..., représenté par Me Ngounou, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de l'admettre au séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le premier juge, qui a omis de répondre à ses moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, d'autre part, de la méconnaissance des dispositions des articles 23 et 25 de ce règlement, a insuffisamment motivé sa décision au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- il n'a pas été destinataire, en langue bambara, seule langue qu'il comprend, des informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'entretien individuel du 29 novembre 2017 n'a pas été effectué dans le respect des exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; d'une part, alors que le compte-rendu de l'entretien ne mentionne ni ses date et heure, ni l'identité de l'agent de la préfecture l'ayant mené, ni celle de l'interprète, il n'est pas démontré que cet entretien aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ; d'autre part, les conditions pour l'assistance d'un interprète par téléphone, prévues par les dispositions de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'étaient pas remplies ; enfin, l'interprétariat ayant été de très mauvaise qualité, il n'a pas été mis en mesure de comprendre l'objet de l'entretien, ni de la procédure dont il a fait l'objet ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des délais de présentation d'une requête aux fins de reprise en charge et de réponse à une telle requête prévus par les articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- compte tenu des risques graves qu'il encourt dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, l'autorité préfectorale aurait dû permettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de vérifier s'il relevait d'une protection au titre de l'asile ou apprécier elle-même s'il pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu de ces risques, cet arrêté a pris en méconnaissance des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions des articles 3, paragraphe 2, et 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant ivoirien né le 26 juillet 1985, relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2018 du préfet des Hauts-de-Seine ordonnant son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, que le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 " ; que, parmi les hypothèses visées au paragraphe 3 de cet article 27, figure au a) " le recours ou la révision [qui] confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision " ; que le paragraphe 2 de l'article 29 dispose, en outre, que : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1 (...). " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office (...), si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi. " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision ; que ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai ; que son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale ;

5. Considérant qu'en l'espèce, M. A...a présenté, le 29 novembre 2017, une demande d'asile auprès des services de la préfecture des Hauts-de-Seine ; que la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes, effectué le même jour, avec le fichier Eurodac a établi qu'elles avaient déjà été relevées le 29 mai 2017 par les autorités italiennes ; que l'autorité préfectorale a saisi, le 4 décembre 2017, ces autorités d'une demande de prise en charge qui a été acceptée implicitement le 5 février 2018 ; que, par l'arrêté attaqué du 13 février 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné le transfert de l'intéressé vers l'Italie ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à ce transfert à compter de l'acceptation, le 5 février 2018, par les autorités italiennes de la demande de prise en charge a été interrompu par la présentation devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 20 février 2018, de la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant son transfert ; que ce délai de six mois a recommencé à courir à compter du jugement du

27 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté la demande de l'intéressé ; que, par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, au motif d'un emprisonnement de l'intéressé ou au motif que celui-ci aurait pris la fuite ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision de transfert aurait été exécutée au cours de ce délai ; que, par suite, le délai de six mois ayant expiré le 27 août 2018, l'Italie a été libérée, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de son obligation de prendre en charge M. A... et la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile a été transférée, à cette date, à la France ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation du jugement du 27 février 2018 rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté du 13 février 2018 ordonnant son transfert vers l'Italie ainsi qu'à l'annulation de cette décision de transfert sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

7. Considérant qu'eu égard au motif ayant conduit la Cour à constater qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., à savoir la circonstance que la France est désormais l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale lui délivre l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de lui permettre d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A...cette attestation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que M.A..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si celui-ci n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1801634 du 27 février 2018 rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 13 février 2018 ordonnant son transfert vers l'Italie, ainsi qu'à l'annulation de cette décision de transfert.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A...l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de lui permettre d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

5

N° 18VE01100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01100
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Prescription d'une mesure d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : NGOUNOU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-09-27;18ve01100 ?
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