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27/09/2018 | FRANCE | N°18VE00557

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 septembre 2018, 18VE00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le préfet des Yvelines a ordonné son transfert vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de

la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le préfet des Yvelines a ordonné son transfert vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Hug, de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1706927 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2018, M.B..., représenté par Me Hug, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Hug, de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas établi qu'il ait reçu communication des informations prévues à l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas davantage établi qu'il ait reçu communication des informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; en particulier, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " ne lui a pas été remise ;

- l'entretien individuel dont il a fait l'objet a revêtu un caractère sommaire ; en outre, il n'est pas démontré que l'agent de la préfecture ayant mené cet entretien était une personne qualifiée en vertu du droit national, faute d'une délégation de signature à cet effet régulièrement publiée ; les exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'ont donc pas été respectées ;

- la décision de transfert attaquée, qui ne mentionne pas le critère retenu pour déterminer l'Allemagne comme étant l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, est insuffisamment motivée ;

- dans le cas d'un transfert en Allemagne, il sera renvoyé en Afghanistan, dans la province de Kounar où il encourt des risques graves compte tenu de la situation sécuritaire qui y prévaut ; le préfet a donc commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan né en 1993, relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le préfet des Yvelines a ordonné son transfert vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert :

2. Considérant, d'une part, que le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 " ; que, parmi les hypothèses visées au paragraphe 3 de cet article 27, figure au a) " le recours ou la révision [qui] confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision " ; que le paragraphe 2 de l'article 29 dispose, en outre, que : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1 (...). " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office (...), si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi. " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision ; que ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai ; que son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale ;

5. Considérant qu'en l'espèce, M. B...a présenté, le 15 juin 2017, une demande d'asile auprès des services de la préfecture de police de Paris ; que la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes, effectué le même jour, avec le fichier Eurodac a établi qu'elles avaient déjà été relevées les 8 et 29 octobre 2015 en Allemagne, pays dans lequel il a présenté sa première demande d'asile ; que l'autorité préfectorale a saisi, le 21 juin 2017, les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge qui a été acceptée le 26 juin suivant ; que, par les deux arrêtés en litige du 29 septembre 2017, le préfet des Yvelines a ordonné le transfert de l'intéressé vers l'Allemagne et l'a assigné à résidence ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de l'acceptation, le 26 juin 2017, par les autorités allemandes de la demande de reprise en charge a été interrompu par la présentation devant le Tribunal administratif de Versailles, le 3 octobre 2017, de la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant son transfert ; que ce délai de six mois a recommencé à courir à compter du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté la demande de l'intéressé ; que, par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, au motif d'un emprisonnement de l'intéressé ou au motif que celui-ci aurait pris la fuite ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision de transfert aurait été exécutée au cours de ce délai ; que, par suite, le délai de six mois ayant expiré le 5 avril 2018, l'Allemagne a été libérée, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de son obligation de reprendre en charge M. B... et la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile a été transférée, à cette date, à la France ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 septembre 2017 ordonnant son transfert vers l'Allemagne ainsi qu'à l'annulation de cette décision de transfert sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

4. Considérant que, contrairement aux prescriptions de l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative, les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 septembre 2017 l'assignant à résidence ainsi qu'à l'annulation de cette décision d'assignation à résidence ne sont assorties de l'énoncé d'aucun fait, ni de l'exposé d'aucun moyen ; qu'aucun mémoire complémentaire n'a été présenté avant l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant qu'eu égard au motif ayant conduit la Cour à constater qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...à l'encontre de la décision de transfert en litige, à savoir la circonstance que la France est désormais l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale lui délivre l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de lui permettre d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de délivrer à M. B... cette attestation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au conseil de M.B..., Me Hug, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles n° 1706927 du 5 octobre 2017 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 29 septembre 2017 ordonnant son transfert vers l'Allemagne ainsi qu'à l'annulation de cette décision de transfert.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à M. B...l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de lui permettre d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

4

N° 18VE00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00557
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Prescription d'une mesure d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-09-27;18ve00557 ?
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