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27/09/2018 | FRANCE | N°18VE00265

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 septembre 2018, 18VE00265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de dix jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre

la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de dix jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 25 juillet 2017, la présidente du Tribunal administratif de Melun a transmis la demande de M. B...au Tribunal administratif de Versailles en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1705309 du 5 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M.B..., représenté par

Me Nessah, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour devait être saisie dès lors qu'il réside en France depuis plus de dix ans et qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit une carte de résident ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation en se fondant uniquement sur les condamnations pénales dont il a fait l'objet ;

- son éloignement méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ;

- seuls des comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou liés à des activités terroristes ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes permettaient au préfet de prononcer son éloignement du territoire ;

- il contribue à l'éducation et l'entretien de son enfant alors même qu'il est en détention ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; il exerce conjointement l'autorité parentale sur son enfant ; l'éloignement aurait pour effet de priver l'enfant de la présence régulière de son père ; l'enfant n'est plus en famille d'accueil depuis juin 2017.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 7 décembre 1987, entré en France en 2004 selon ses déclarations, a sollicité le 22 août 2014 son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article 10 c) de l'accord

franco-tunisien ; que, par un arrêté du 10 avril 2017, le préfet du Val-de-Marne a rejeté cette demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que

M. B...relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté est motivé non seulement par les condamnations pénales dont M. B...a fait l'objet entre 2011 et 2015 mais aussi par la nature des faits commis par l'intéressé, la circonstance qu'il ne justifie pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant français et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas tels qu'il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation de

M. B...doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) " ; que ces stipulations ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public ; que, d'autre part, aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) " ;

4. Considérant que M. B...ne conteste pas, ainsi qu'il ressort de l'arrêté litigieux, avoir fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 2011 et 2015, notamment pour des faits de recel de bien provenant d'un vol en état de récidive, de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, conduite d'un véhicule sans permis, conduite d'un véhicule sans permis en état d'ivresse manifeste, usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction judiciaire du territoire, conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et sous l'empire d'un état alcoolique, violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par sur une personne étant ou ayant été conjoint en état de récidive, qui ont donné lieu à des peines comprises entre un et six mois d'emprisonnement, d'une interdiction de territoire français pendant trois ans en 2011 mais aussi d'une interdiction de séjour de cinq ans dans la ville où résident son enfant et la mère de ce dernier ; que, dans ces conditions, compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente la présence en France de M.B..., motif qui justifie à lui seul la décision de refus de titre de séjour attaquée, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du

Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et une carte de séjour temporaire sur le fondement des stipulations précitées du c) du paragraphe 1 de l'article 10 de l'accord

franco-tunisien et des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait considéré à tort qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, est inopérant ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

6. Considérant que si M. B...a déclaré être entré en France en 2004, il ne justifie pas, par les seules pièces qu'il verse au dossier et qui sont relatives pour l'essentiel à la situation de son enfant mineur, de l'ancienneté de sa résidence habituelle en France et des liens qu'il y aurait noués à l'exception de ceux concernant son enfant, lequel a fait l'objet d'une mesure de placement judiciaire jusqu'au 7 juillet 2017, date à laquelle il a été confié à sa mère ; que si M. B...produit plusieurs mandats et factures de nature à établir qu'il a contribué à l'éducation et l'entretien de son fils et s'il a rencontré ce dernier en visite libre avant son placement en détention en avril 2016, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il n'a pas eu de contact avec lui depuis cette époque ; que sa résidence ayant été fixée chez sa compagne dans le département de la Vendée par une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire notifiée le 31 mars 2017, M. B...ne justifie d'ailleurs pas eu avoir, depuis cette date et avant qu'intervienne l'arrêté attaqué, des contacts avec son fils ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de la situation de M.B..., et, en particulier, de la circonstance qu'il a commis de nombreux actes délictueux, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la violation des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dont serait entaché l'arrêté contesté doivent être écartés ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ;

8. Considérant que M. B...ne justifie pas, par les seules pièces produites, résider en France habituellement depuis plus de dix ans et n'a d'ailleurs pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour ; qu'en outre, il n'est pas en situation de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du c) du paragraphe 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien dès lors qu'il ne séjourne pas régulièrement en France ; que s'il a manifesté à plusieurs reprises le souhait de revoir son fils lors de son incarcération, les quelques mandats cash et les factures d'achat qu'il produit ne sont pas suffisamment nombreux et probants pour établir qu'il a contribué effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; qu'au demeurant, le jugement en assistance éducative du

20 juin 2016 précise que " son droit de visite et d'hébergement n'a pas pu être mis en oeuvre, celui-ci déménageant régulièrement " jusqu'à son incarcération ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il était susceptible de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne était tenu de saisir préalablement la commission du titre de séjour doit être écarté ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point ci-dessus, M.B..., qui ne soutient pas de surcroît avoir été titulaire de cartes de séjour, ne justifie pas résider régulièrement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; qu'il ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'expulsion ; qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que seuls des comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou liés à des activités terroristes ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes permettaient au préfet de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

N° 18VE00265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00265
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-09-27;18ve00265 ?
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