Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2017, M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 2 mars 2017 par lequel le
PREFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1702724 du 5 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2017, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la requête de M.A....
Le PREFET DU VAL-D'OISE soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que son arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la réalité et la pérennité de l'emploi proposé à M. A...ne sont pas démontrées, l'employeur, bien que saisi, n'ayant pas fourni l'exemplaire Cerfa confirmant l'embauche.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant malien né le 13 juillet 1988, entré sur le territoire français le 14 septembre 2009 selon ses déclarations, a demandé l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du
5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement ;
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion. " ; qu'aux termes de l'article 41 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 19 juin 2018, soit postérieurement à la réception de l'avis l'informant de l'audience et moins d'un mois avant celle-ci, M. A...a adressé au bureau d'aide juridictionnelle une demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui a été enregistrée sous le n° 2018/9870 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de faire application des dispositions précitées de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 et d'admettre provisoirement M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'il l'a demandé ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Considérant que Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le refus de titre de séjour litigieux au motif que, eu égard aux justificatifs présentés par le demandeur, l'autorité administrative n'avait pu estimer que la réalité et la pérennité de l'emploi qui lui était proposé n'étaient pas démontrées et que, dans ces conditions, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision attaquée lui refusant le droit au séjour était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour instruire la demande de titre de séjour " salarié " enregistrée le 25 septembre 2015 pour M.A..., qui disposait d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, l'autorité préfectorale, qui n'a pu obtenir de la part de l'intéressé lui-même certaines pièces détenues par son employeur et permettant de compléter son dossier, a saisi pour avis, comme il lui était loisible de le faire, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), une telle saisine lui permettant de vérifier l'existence et la consistance des engagements de l'employeur et la conformité des pratiques de celui-ci au regard du droit du travail et de la protection sociale ; que par courrier du 16 novembre 2015, ce service a demandé à l'employeur de M. A...à cette date, la société SCPE, de lui fournir notamment les copies des deux dernières pages de son registre du personnel tenu à jour et du dernier bordereau déclaratif mensuel ou trimestriel adressé à l'URSSAF ; que le requérant admet dans ses propres écritures en première instance comme en appel que ces éléments, de nature à établir ou corroborer la réalité de son embauche, n'ont pas été fournis ;
7. Considérant qu'ultérieurement, le 12 avril 2016, ce même service a demandé à la même société SCPE, sans obtenir de réponse, d'actualiser sa demande de délivrance d'une autorisation de travail en lui adressant la copie de la prolongation du contrat de travail de M. A..., le précédent ayant atteint son terme le 30 mars 2016, ainsi que le motif du recours de l'entreprise au contrat à durée déterminée ; qu'en l'absence de réponse de la société, il a émis un avis défavorable à l'embauche le 24 juin 2016, qu'il a confirmé par courriel le 9 novembre 2016, le dossier n'ayant toujours pas été complété à cette date ; que si le requérant verse à la procédure des contrats de travail, un avenant et des fiches de paie de nature, selon lui, à attester la réalité et la continuité de son emploi pour la même société ou le même gérant postérieurement au 30 juin 2015, ces éléments n'ont pu être vérifiés et validés par un contact pris auprès de l'employeur et comportent en outre, pour certains, des incohérences, M.A..., qui se prévalait dans sa requête de première instance datée du 23 mars 2017 d'un emploi sous contrat à durée indéterminée, produisant sans explication deux contrats de travail conclus pour la même période avec la même entreprise le 17 octobre 2016, pour un emploi à temps plein, le premier pour une durée de 6 mois et 27 jours du 3 octobre 2016 au 30 avril 2017 et le second pour une durée de 15 mois du 3 octobre 2016 au 30 janvier 2018 ;
8. Considérant qu'eu égard aux éléments relatés ci-dessus et alors même que le requérant verse à la procédure des contrats de travail, l'avenant prolongeant au-delà du 30 mars 2016 son engagement par la société SCPE pour six mois supplémentaires, et des fiches de paie de nature, selon lui, à attester de la réalité et de la continuité de son emploi pour la même société ou le même gérant postérieurement au 30 juin 2015, il ne peut être considéré que l'autorité administrative aurait estimé à tort, pour prendre sa décision du 2 mars 2017, que la réalité et la pérennité de l'emploi proposé à M. A...n'étaient pas démontrées ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif analysé au point 4 pour annuler le refus de titre litigieux ;
9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A...:
10. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire a été signée par Mme B...C..., chef du bureau du contentieux des étrangers et de la lutte contre le travail illégal ; que l'intéressée disposait d'une délégation de signature, laquelle n'était pas limitée au cas d'absence ou d'empêchement du préfet, consentie par un arrêté n° 16-067 du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 20 juin 2016 et publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département du même jour, à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 2 mars 2017 comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire litigieux et permettant, tant en ce qui concerne la situation personnelle et familiale de M. A...qu'en ce qui concerne sa situation professionnelle, de s'assurer que l'autorité préfectorale a pris sa décision en considération de la situation particulière de celui-ci ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU VAL-D'OISE n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation personnelle de M. A...avant de rejeter sa demande de titre de séjour et de décider qu'il serait obligé de quitter le territoire ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, laquelle, en vertu du premier alinéa du paragraphe 1 de l'article 6 du traité sur l'Union européenne, a la même valeur juridique que les traités : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que, si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que le rappelle la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans son arrêt du 5 novembre 2014, Mukarabega, aff. C-166-13, ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée ;
14. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement allégué que M. A...aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que soit prise la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de ce que son droit à être entendu garanti par le droit européen n'aurait pas été respecté doit être écarté ;
15. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
16. Considérant que si M. A...soutient être entré sur le territoire français le 14 septembre 2009, il ne justifie pas par les documents qu'il produit d'une présence continue en France dès cette date ; que s'il s'est maintenu en France régulièrement à partir de l'automne 2011, date à partir de laquelle lui a été délivré un récépissé de première demande de titre de séjour, il l'a fait par la suite sous couvert d'un titre de séjour pour étranger malade ne lui donnant pas vocation à rester sur le territoire au-delà de la durée requise par les soins devant lui être dispensés, et qui n'a pas été renouvelé ; qu'une obligation de quitter le territoire en date du 25 avril 2014 lui a été notifiée, qu'il n'a pas exécutée bien que le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise ait rejeté la requête qu'il avait présentée contre cette mesure d'éloignement sous le n° 1405350 ; qu'il est célibataire et sans enfants à charge ; que malgré un début d'insertion professionnelle à partir de 2013, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A... et alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé serait dépourvu de liens dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans selon ses déclarations et où réside sa mère, les moyens tirés, d'une part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par l'autorité préfectorale en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 5, et, d'autre part, de la méconnaissance par l'arrêté contesté des stipulations du l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être accueillis ;
17. Considérant, enfin, que M. A...ne peut utilement invoquer les termes de la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012, qui est dépourvue de tout caractère réglementaire ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 2 mars 2017 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre en appel par M. A...doivent dès lors être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. D...A...est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1702724 du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 3 : La requête de M. A...est rejetée.
Article 4 : Les conclusions d'appel de M. A...fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 17VE03953 6