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24/07/2018 | FRANCE | N°17VE01823

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 24 juillet 2018, 17VE01823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a décidé son transfert aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile, d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre au PREFET de l'admettre au séjour au titre de l'asile sous 72 heures à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 e

uros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a décidé son transfert aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile, d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre au PREFET de l'admettre au séjour au titre de l'asile sous 72 heures à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

Par un jugement n° 1703857 rendu le 9 mai 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil, après l'avoir admis provisoirement à l'aide juridictionnelle, a annulé les deux arrêtés du 2 mai 2017 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS décidant son transfert aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, a enjoint au PREFET de réexaminer sa situation sous quinze jours à compter de la notification du jugement, a mis à la charge du PREFET une somme de 1 000 euros à verser à M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative puis, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2017, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de confirmer la légalité des arrêtés du 2 mai 2017 ;

2° de rejeter la demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors que le magistrat désigné a fondé l'annulation de l'arrêté de transfert Dublin, en accueillant le moyen tiré de la violation de l'article 4 du règlement Dublin III ;

- les arrêtés ont été compétemment signés ;

- ils sont suffisamment motivés ;

- l'entretien individuel a été mené conformément aux stipulations de l'article 5 du règlement Dublin III ;

- l'arrêté de transfert ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le requérant ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans ce litige, relatif à un transfert Dublin ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté préfectoral portant assignation à résidence au centre d'hébergement ADOMA à Aubervilliers, est régulier et bien-fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit Eurodac II ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit Dublin III ;

- la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE), C-670/16 Mengesteab, Grande Chambre, 26 juillet 2017 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'avis du Conseil d'Etat statuant au contentieux, Préfet de l'Essonne du 10 mai 2017 n° 406122 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement litigieux :

1. Le tribunal administratif a fondé l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2017 portant transfert et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour assignant M. E...à résidence, en accueillant le moyen tiré de la violation de l'article 4 du règlement Dublin III susvisé, à raison des éléments de faits suivants : " au terme de l'entretien du 26 décembre 2016, l'administration l'a informé de sa reprise en charge vers la Bulgarie alors qu'elle avait omis de lui remettre la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Le premier juge en a conclu que " eu égard à ces éléments, le requérant doit être regardé comme ayant été privé d'une garantie " ;

2. Aux termes de l'article 4, intitulé Droit à l'information, du règlement Dublin III susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...) / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres (...) / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant (...) / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. ".

3. L'article 3 du dispositif de la décision CJUE C-670/16, Mengesteab en date du 26 juillet 2017, indique que " L'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 604/2013 doit être interprété en ce sens qu'une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. ".

4. Eu égard à la nature des informations qui doivent être délivrées au demandeur d'asile, le respect des termes de l'article 4 du règlement Dublin III par l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement, constitue une garantie pour le demandeur d'asile faisant l'objet de la procédure Dublin.

5. Il ressort des pièces du dossier que M.E..., ressortissant afghan, a été convoqué le 26 décembre 2016 à 10h30 au " Centre d'étude de situation individuelle " sis Boulevard Ney à Paris, placé sous l'autorité du préfet de police. Il s'y est dûment présenté. L'entretien qui s'est déroulé à cette occasion, avec interprète en langue pachtou que l'intéressé a déclaré comprendre, ayant donné lieu à l'établissement d'un compte-rendu, l'intéressé peut être regardé comme ayant déposé ce 26 décembre 2016, devant l'autorité compétente, sa demande de protection internationale, au sens de l'article 20-2 du règlement Dublin III interprété à la lumière de la décision de la CJUE Mengesteab, précitée. Dans le cadre de l'examen de sa situation individuelle, ses empreintes ont été relevées à la borne Eurodac ce même jour. Il est apparu qu'il avait déjà été identifié comme demandeur d'asile en Bulgarie en date du 26 septembre 2016 et en Autriche en date du 25 novembre 2016. Enfin il ressort particulièrement de l'examen du formulaire intitulé " Note d'information sur la procédure de reprise en charge par un Etat membre - Règlement 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin III " ", signé par l'agent notificateur et daté du 26 décembre 2016, que M.E..., qui a contresigné, a reconnu sur l'honneur que l'information sur les règlements communautaires et sur le système EURODAC lui a été remise ce même jour. Dans ces conditions, l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III, doit être regardée comme s'étant conformée à l'application des termes de l'article 4 du règlement Dublin III, particulièrement en ce qui concerne les délais prescrits à cet article. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de la violation de cet article. Il y a lieu de statuer immédiatement sur le présent litige par la voie de l'effet dévolutif.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ou de la demande de première instance.

6. L'arrêté litigieux du 2 mai 2017, portant transfert de M. E...aux autorités bulgares en application du règlement Dublin III, a été signé par Mme C...A..., cheffe du bureau de l'asile de la préfecture de Seine-Saint-Denis. Le PREFET DE LA

SEINE-SAINT-DENIS produit une délégation de signature par arrêté n° 17-0298 en date du 2 février 2017, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives bis du même jour, dont l'article 1er énonce : " La délégation de signature consentie à Mme F...B..., directrice des migrations et de l'intégration, par l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 17-0297 du 2 février 2017 sera exercée, en cas d'absence ou d'empêchement, pour l'ensemble des attributions relevant de leur bureau respectif, par : / En ce qui concerne les arrêtés de refus de séjour, les mesures d'éloignement (obligation de quitter le territoire français, arrêté de reconduite à la frontière) les décisions de remise à un Etat membre de l'Union européenne, les décisions fixant le pays vers lequel sera éloigné un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, les décisions de placement en rétention administrative, les décisions de maintien en rétention à la suite du dépôt d'une demande d'asile ainsi que les demandes de prolongation de la rétention adressées au juge des libertés et de la détention, les décisions d'assignation à résidence, les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français, la délégation consentie à

Mme D...H...(...) peut également être exercée par (...) Mme C...A... ; / En ce qui concerne les appels formés contre les décisions du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la rétention administrative, la délégation consentie à

Mme D...H...(...) peut également être exercée par Mme C... A...(...) ; ".

7. Il ressort de l'examen des termes de cette délégation que Mme C...A...ne peut pas être regardée comme investie d'une délégation l'autorisant à signer compétemment l'arrêté préfectoral du 2 mai 2017 portant transfert d'un demandeur d'asile, fondée sur l'application du règlement Dublin III susvisé, ainsi que des articles L. 741-1 et suivant, du Livre VII intitulé " Droit d'asile " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, cette mesure de transfert Dublin, ne se confond pas avec une décision de remise à un Etat membre de l'Union européenne, laquelle concerne un étranger ressortissant d'un pays tiers, non demandeur d'asile, mesure prise en application des articles L. 531-1 et suivant, du Livre V intitulé " Autres mesures administratives d'éloignement " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté préfectoral du 2 mai 2017 portant transfert aux autorités bulgares de

M. E...est dès lors irrégulier et doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour portant assignation à résidence de l'intéressé.

8. Il suit de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement n° 1703857 rendu le 9 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ses deux arrêtés du 2 mai 2017 décidant du transfert de M. E... aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile et, l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de ses conclusions. Il en va de même des conclusions formulées par M. E...au titre du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions formulées par M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 17VE01823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01823
Date de la décision : 24/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-24;17ve01823 ?
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