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05/07/2018 | FRANCE | N°16VE02641

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 05 juillet 2018, 16VE02641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Poste a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 1 109 801 euros émis le 31 décembre 2014 par la commune d'Epinay-sur-Seine et correspondant à une indemnité d'occupation de son domaine public pour la période du 1er octobre 2010 au 31 octobre 2014.

Par un jugement n° 1502087 du 16 juin 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le

10 août 2016, et un mémoire ampliatif, enregistré le 21 novembre 2016, la société La Poste, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Poste a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 1 109 801 euros émis le 31 décembre 2014 par la commune d'Epinay-sur-Seine et correspondant à une indemnité d'occupation de son domaine public pour la période du 1er octobre 2010 au 31 octobre 2014.

Par un jugement n° 1502087 du 16 juin 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 10 août 2016, et un mémoire ampliatif, enregistré le 21 novembre 2016, la société La Poste, représentée par Me Lévy, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler le titre de perception émis le 31 décembre 2014 ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Epinay-sur-Seine une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, est entaché d'un défaut de réponse au moyen tiré de l'incompétence de la commune pour émettre le titre exécutoire dès lors qu'elle n'est pas gestionnaire du domaine public postal en cause ;

- le jugement est insuffisamment motivé en n'indiquant pas les éléments caractérisant le dommage qu'aurait subi la commune par la présence d'un bureau de Poste dans les locaux en cause entrés dans le patrimoine de la commune par le paiement des loyers ;

- le jugement ne répond pas au moyen tiré de l'incompétence du maire qui n'agissait pas dans les limites fixées par le conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, pour prendre le titre exécutoire et notamment fixer a minima les limites du montant des redevances du domaine public ;

- le tribunal a insuffisamment motivé la caractérisation des aménagements prétendument spéciaux dans le local litigieux lesquels le distingueraient de ceux d'une entreprise privée exerçant une activité similaire de messagerie ;

- en l'absence de délibération du conseil municipal fixant les limites et les conditions d'application des tarifs, le maire n'était pas compétent pour fixer le montant du titre exécutoire ; l'article L. 2122-21 1° du code général des collectivités territoriales ne fait pas obstacle à cette règle ;

- la commune était incompétente pour émettre le titre exécutoire ; elle n'a pas la qualité de gestionnaire du domaine public postal de l'immeuble en cause dont la gestion a été assurée d'abord par l'administration des Postes puis par la société La Poste en application des stipulations du bail du 15 juin 1981 ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit en considérant que la commune avait acquis le bien en cause le 30 avril 1980 sans s'interroger sur la date à laquelle de prétendus aménagements spéciaux avaient été réalisés alors que la cessation du bail est intervenue le 15 septembre 2010 ; ainsi l'appréciation des critères de domanialité publique relevaient des règles issues du code général de la propriété des personnes publiques du 1er juillet 2006 ; à la date du second bail de 1981, si la condition d'aménagements certains et nécessaires à un service public local pouvait être regardée comme remplie, la construction était dans le patrimoine d'une personne privée ne relevant pas de la domanialité publique ;

- le lot en litige n'a fait l'objet d'aucun des aménagements indispensables sans lesquels le service public ne pourrait fonctionner au sens de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; notamment les autres surfaces que celle occupée par les guichets de la Poste représentant plus de 3 000 m² n'ont pas fait l'objet d'aménagements ;

- le lot en litige ne relève pas du domaine public par application de l'article 22 de la loi MURCEF n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant déclassement des biens immobiliers de La Poste relevant de son domaine public y compris quand le bien est loué par La Poste ; la loi déroge au code général de la propriété des personnes publiques faisant ainsi obstacle à ce que les biens utilisés pour l'exercice des services postaux relèvent d'un régime de domanialité publique ; la commune ne pouvait donc se fonder sur ce régime pour émettre le titre de perception ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs en considérant que l'ensemble du lot en litige relevait du domaine public en méconnaissance des règles relatives à la reconnaissance de la domanialité publique, en particulier l'application des articles L. 2111-1 et L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques ; les locaux litigieux n'ont jamais été classés dans le domaine public ; 85% de leur surface n'ont fait l'objet d'aucun aménagement spécial ou indispensable ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs sur le défaut de mention des bases de liquidation, notamment l'absence de modalités de détermination du prix annuel moyen de location à usage de bureau, en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le dommage prétendument subi par la commune trouve son origine exclusive dans le comportement fautif de la commune qui a méconnu ses obligations vis-à-vis de La Poste, notamment contractuelles en ne procédant pas à compter du 1er octobre 2010 à la cession des biens pourtant prévue par le bail conclu le 15 janvier 1981 ; le refus fautif, par déloyauté contractuelle, de les déclasser en vue de les céder à La Poste a permis à la commune de se constituer son propre préjudice ;

- le préjudice subi par La Poste du fait du comportement fautif de la commune justifie l'annulation du titre exécutoire par compensation de dettes ; La Poste a été empêchée par la commune de recouvrer la propriété de biens pour lesquels elle a payé pendant trente ans un loyer annuel ;

- la fixation d'une indemnité d'occupation du domaine public aurait dû être précédée de la proposition d'une convention d'occupation prenant en compte, non seulement le service public postal d'intérêt général, mais aussi les engagements contractuels qu'elle avait méconnus ;

- le montant de 110 euros par m² de la redevance d'occupation est irrégulier ; au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce le montant aurait dû être fixé à l'euro symbolique.

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Levy, pour la société La Poste, et de MeA..., substituant MeB..., pour la commune d'Epinay-sur-Seine.

1. Considérant que le maire de la commune d'Epinay-sur-Seine, a, par un titre exécutoire émis le 31 décembre 2014, réclamé à la société La Poste la somme de 1 109 801 euros correspondant à une " indemnité pour occupation irrégulière du domaine public " pour la période du 1er octobre 2010 au 31 octobre 2014 ; que, pour demander l'annulation de cette décision et la décharge de la somme qui lui est réclamée, La Poste conteste l'appartenance des locaux litigieux au domaine public communal ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux qui sont l'objet du titre exécutoire litigieux, a été édifié et financé par la société civile immobilière (SCI) Les Vergers d'Acis, personne morale de droit privé, dans le cadre d'un bail emphytéotique administratif, qui lui a été consenti à cette fin le

18 décembre 1980 par la commune d'Epinay-sur-Seine pour une durée de trente années à compter du 15 septembre 1980 et une redevance annuelle d'un franc ; que, par l'article premier d'une convention des 17 février 1981 et 7 mai 1981, la SCI Les Vergers d'Acis a donné à bail à l'Etat les locaux représentant le lot numéro quatre de cet ensemble immobilier constituant " l'hôtel des Postes " pour une durée de trente années à compter du 1er octobre 1980 contre un loyer annuel de 1 310 000 francs révisable tous les trois ans ; que, compte tenu des droits conférés au preneur d'un bail emphytéotique administratif, la SCI devait être regardée comme exerçant les droits du propriétaire des locaux loués à l'Etat puis à La Poste pendant la durée de trente années de ce bail ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques applicable à compter du 1er juillet 2006 : " Le présent code s'applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics. " qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du même code : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. " ;

4. Considérant qu'à compter du 1er octobre 2010, la commune d'Epinay-sur-Seine est devenue propriétaire des locaux en cause du fait de son refus de procéder à la cession à titre gratuit du bien à La Poste telle qu'elle était contractuellement prévue au bénéfice de l'Etat par le 2° de l'article 3 de la " convention " de 1981 qui avait été signée par le maire d'Epinay-sur-Seine et qui disposait que " à l'issue de cette période, les constructions étant devenues la propriété de la Commune d'EPINAY-SUR-SEINE, en vertu du bail emphytéotique visé en l'exposé, M. D...s'engage, es qualité, à les rétrocéder à titre gratuit à l'ETAT (Secrétariat d'Etat aux Postes, Télécommunications et Télédiffusion) qui les aura loués pendant trente ans "; que la commune d'Epinay-sur-Seine qui se borne à se référer aux anciennes normes PTT du bail conclu le 17 février 1981, n'a fourni devant la juridiction aucun élément précis de nature à établir la réalité d'un aménagement indispensable destiné à ce que La Poste assure le fonctionnement de ses obligations de service public ou tout autre service public ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, malgré la mesure d'instruction diligentée à cette fin par la cour, que les locaux en cause formeraient un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public communal ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'appartenance du bien en cause au domaine public communal, le titre exécutoire litigieux est entaché d'illégalité ; que, par conséquent, La Poste est fondée à soutenir, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la redevance mise à sa charge au titre d'une occupation irrégulière du domaine public ; qu'elle est, dès lors, fondée à obtenir la décharge des sommes qui lui sont réclamées ainsi que l'annulation du titre exécutoire du 31 décembre 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de La Poste qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Epinay-sur-Seine une somme de 2 000 euros à verser à La Poste, au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502087 du Tribunal administratif de Montreuil du 16 juin 2016 et le titre exécutoire du 31 décembre 2014 sont annulés.

Article 2 : La Poste est déchargée du paiement de la somme de 1 109 801 euros.

Article 3 : La commune d'Epinay-sur-Seine versera à La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE02641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02641
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-01-03 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Biens des collectivités territoriales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-05;16ve02641 ?
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