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05/07/2018 | FRANCE | N°16VE00804

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 05 juillet 2018, 16VE00804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 2 juillet 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

-

d'enjoindre au préfet de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui accorder le bénéf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- d'annuler la décision du 2 juillet 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

- d'enjoindre au préfet de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409413 du 22 janvier 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 18 mars 2016 et le 23 septembre 2016, M.B..., représenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral ;

4° d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui omet de se prononcer sur son état de santé et, plus généralement, sur les conséquences des agissements de l'administration sur ses conditions de travail et sa santé, est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

- le tribunal administratif, en écartant les faits postérieurs à la décision du 2 juillet 2014 alors qu'il était saisi d'une demande indemnitaire, a méconnu son office de juge de plein contentieux et commis une erreur de droit ;

- en ne procédant pas à une analyse globale de la situation et en ne vérifiant pas si les agissements de l'administration ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail et l'altération de sa santé, les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

- le jugement attaqué, qui considère que les éléments de fait dont il a fait état ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, est entaché d'insuffisance de motivation, d'erreur d'appréciation et de dénaturation des pièces du dossier ;

- il a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, qui se sont traduits par une attitude hostile et méprisante de sa hiérarchie, des sanctions disciplinaires irrégulières et injustifiées, une stagnation imméritée de sa notation, un avancement bloqué, deux déplacements d'office vers des postes de moindre responsabilité et une carence fautive de l'administration à prendre les mesures de protection qui s'imposaient ; ces agissements ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé ; l'administration ne démontre pas que ces agissements seraient motivés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral ;

- le harcèlement moral dont il a été victime constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- son préjudice de carrière et son préjudice moral, causés par ces agissements, doivent être évalués à hauteur de la somme globale de 30 000 euros ;

- victime d'un harcèlement moral, il avait droit au bénéfice de la protection fonctionnelle en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et, en particulier, à la prise en charge de ses frais d'avocat ;

- la reconnaissance du harcèlement moral qu'il a subi implique nécessairement que sa carrière soit reconstituée ; à ce titre, il a droit à la révision de sa notation et au réexamen de sa demande d'avancement au grade de capitaine.

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B... Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., lieutenant de police affecté à la division de la police générale et de l'investigation de la direction de la police aux frontières des aéroports Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget, a sollicité, par un courrier du 10 avril 2014, le versement d'une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait d'agissements répétés de sa hiérarchie, constitutifs de harcèlement moral, ainsi que la reconstitution de sa carrière ; que, par un courrier du même jour, il a également sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle ; que, par une décision du 2 juillet 2014, le préfet de police a rejeté ses demandes ; que M. B...relève appel du jugement du 22 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qui résulterait du harcèlement moral dont il aurait été victime, d'autre part, à l'annulation de la décision du 2 juillet 2014 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 2 à 21, que, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par l'intéressé, a répondu, de manière suffisante, au moyen tiré de ce que l'intéressé aurait été victime, de la part de sa hiérarchie, de faits constitutifs de harcèlement moral ; que, dans ces conditions, ce jugement n'est pas entaché d'irrégularité de ce chef ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...soutient que le tribunal administratif, en estimant, au vu des échanges contradictoires des parties, que les agissements constitutifs de harcèlement moral allégués n'étaient pas établis, aurait entaché son jugement de dénaturation des pièces du dossier et de plusieurs erreurs de droit, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;

5. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 8, 17 et 19, qu'en statuant sur les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral, le tribunal administratif a écarté certains faits invoqués par le requérant au seul motif qu'ils étaient postérieurs à la décision du 2 juillet 2014 rejetant sa demande indemnitaire ; qu'en statuant ainsi sur ces conclusions, les premiers juges ont méconnu l'office du juge du plein contentieux ; que, par suite, le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'indemnité de M.B..., est irrégulier ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement dans cette mesure ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur ces conclusions présentées par M. B...par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). " ;

8. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; que, pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

9. Considérant que M. B...soutient qu'à compter d'environ un mois avant le prononcé du jugement n° 1107569 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 11 avril 2013 annulant le refus du 18 juillet 2011 du directeur de la police aux frontières des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget de lui communiquer le " dossier de travail " le concernant, distinct de son dossier de fonctionnaire et conservé dans le service, et enjoignant au directeur de lui communiquer l'intégralité de ce " dossier de travail " dans le délai d'un mois, il a subi, de la part de sa hiérarchie, des agissements constitutifs de harcèlement moral ; qu'il fait valoir que ces agissements se sont concrétisés par une attitude hostile et méprisante de sa hiérarchie, plusieurs sanctions disciplinaires injustifiées, une stagnation imméritée de sa notation, un avancement bloqué, deux déplacements d'office vers des postes de moindre responsabilité et une carence de l'administration à prendre les mesures de protection qui s'imposaient ;

En ce qui concerne l'attitude de la hiérarchie de M.B... :

10. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que le refus réitéré de son administration de lui communiquer son dossier individuel témoigne du peu de considération de sa hiérarchie à son égard et caractérise à lui seul le harcèlement moral dont il a fait l'objet ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a pas sollicité, en 2011, la communication de son dossier de fonctionnaire, mais le " dossier de travail " le concernant, conservé à la direction de la police aux frontières des aéroports Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget ; qu'en outre, s'il est vrai que le refus de communication de ce dossier opposé à M. B... a été annulé par le jugement du 11 avril 2013 mentionné au point 9, au motif qu'il avait droit à sa communication, il est constant que l'intéressé a pu consulter son " dossier de travail " le 15 mars 2013, soit avant même l'intervention de ce jugement ; que, par ailleurs, s'il n'est pas contesté par l'administration qu'elle a, lors de cette consultation, refusé, sans motif légitime, l'accès à ce dossier au conseil qui accompagnait M.B..., il n'est pas davantage contesté par le requérant qu'au mois de mai 2013, soit après l'intervention du jugement du 11 avril 2013, il a refusé de consulter de nouveau son dossier et en a demandé une communication sous une forme dématérialisée ; que, sur ce point, le ministre fait valoir en défense, sans être contesté, que le " dossier de travail " concernant l'intéressé n'étant pas géré sur support électronique, une telle communication était matériellement impossible ; qu'enfin, ce n'est que le 21 mai 2014 que M.B..., en présence de son conseil, a souhaité consulter de nouveau son dossier et en a obtenu une copie, soit 278 pages ; que, dans ces conditions et alors que le requérant fait valoir, par ailleurs, que les agissements constitutifs de harcèlement moral dont il aurait fait l'objet n'ont débuté qu'environ un mois avant le prononcé du jugement du 11 avril 2013, ni le refus initial de communication de son " dossier de travail " en 2011, ni le seul retard pris par l'administration pour exécuter pleinement ce jugement ne sauraient suffire à eux-seuls, contrairement à ce que soutient le requérant, à faire présumer l'existence du harcèlement moral qu'il allègue ; qu'au demeurant, le requérant n'établit, ni n'allègue que ce refus et ce retard auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, ni a fortiori qu'ils auraient eu pour effet d'altérer son état de santé ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient que le chef de la division de la police générale et de l'investigation de la direction de la police aux frontières des aéroports Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget a cherché à l'isoler, en l'excluant des réunions de service hebdomadaires des officiers de la division ; que, toutefois, s'il est constant que l'intéressé n'a plus été convié aux réunions de service à compter du 4 mars 2013, le ministre fait valoir en défense, sans être contesté sur ce point, que la présence de M. B... à ces réunions se caractérisait, de manière récurrente, par une attitude négative nuisant aux travaux et à la cohésion de l'équipe d'encadrement ; qu'en particulier, le requérant ne conteste pas le contenu des attestations établies par deux de ses supérieurs hiérarchiques et produites par l'administration, l'un faisant état notamment d'un " comportement contestataire et négatif " de l'intéressé, " en constante opposition avec la hiérarchie, discutant systématiquement les instructions sans être force de proposition ", " souvent à la limite de l'impertinence " et " se retranchant derrière articles, règlements, jurisprudences et autres ", son attitude créant " un malaise et une mauvaise ambiance lors de ces réunions ", l'autre mentionnant " un officier réfractaire " dont l'attitude " faisait peser une ambiance délétère " en souhaitant " s'imposer non par des valeurs professionnelles mais une volonté néfaste à freiner l'évolution de la division en pointant certaines difficultés d'application, mais sans pour autant y apporter de solutions pérennes " ; que, d'ailleurs, il résulte également de l'instruction que M. B... n'a pas modifié son comportement, malgré les observations qui lui ont été adressées par le chef de division lors d'un entretien, ni après la mutation de ce chef de division le 16 septembre 2013 ; qu'ainsi, la circonstance que M. B...n'a plus été convié, dans l'intérêt même du service, aux réunions de service hebdomadaires des officiers de la division ne saurait constituer un élément susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

12. Considérant, en troisième lieu, que M. B...soutient également que le chef de la division de la police générale et de l'investigation l'a dénigré de manière systématique ou a eu, à son égard, un comportement vexatoire ; que, toutefois, à l'appui de cette affirmation, le requérant se borne à faire état de trois documents dont aucun ne permet de faire présumer un dénigrement systématique ou un comportement vexatoire à l'égard de l'intéressé ; qu'à cet égard, ni le courriel du 10 janvier 2012 adressé par le chef de division à M. B..., lui faisant part de ses observations et consignes à la suite d'un dysfonctionnement survenu lors de l'enregistrement d'une plainte par un fonctionnaire de police, ni celui du 4 avril 2013, l'invitant, au demeurant en des termes mesurés, à modifier son comportement, ni, enfin, la mention manuscrite portée par le chef de division, au mois de mai 2013, sur une demande d'autorisation d'absence d'un agent, afin que M. B...formule son avis sur cette demande, comme il lui incombait de le faire, ne sauraient être regardés comme excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; qu'au demeurant, la seule circonstance que l'autorisation d'absence sollicitée aurait été de droit, comme le prétend le requérant, ne le dispensait pas de formuler un avis sur cette demande à l'intention de son supérieur hiérarchique ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que si M. B...soutient qu'il a fait l'objet également de " tentatives d'humiliation et de déstabilisation " de la part du chef de division, qui aurait pris soin, selon lui, de ne plus lui confier de travail, ni même de le saluer, il n'apporte aucune précision, ni aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ;

14. Considérant, enfin, que si M. B...soutient que sa " mise à l'écart " aurait perduré après le départ du chef de division, à la suite de la mutation de ce dernier le 16 septembre 2013, il se borne, sur ce point, à faire état de ce qu'il aurait été finalement exclu du service d'ordre du salon du nucléaire du Bourget qui a eu lieu du 14 au 16 octobre 2014 ; que cette seule circonstance, à la supposer avérée, ne saurait permettre de démontrer ou de révéler des agissements constitutifs de harcèlement moral alors que, de surcroît, le requérant reconnaît lui-même avoir refusé une mutation, au mois de février 2014, " au motif que son affectation lui donnait entière satisfaction depuis le départ du chef de la division " ;

En ce qui concerne les procédures et les sanctions disciplinaires engagées ou prononcées à l'encontre de M.B... :

15. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient M.B..., la lettre de " mise en garde " du 21 mai 2013, qui lui a été notifiée le 30 mai suivant, a eu pour seule finalité de lui rappeler les objectifs qui lui ont été assignés lors de sa notation au titre de l'année 2012 et qui lui ont été réitérés oralement à plusieurs reprises par la suite, à savoir, notamment, s'" impliquer personnellement sur la voie publique dans les opérations de sécurisation et de maintien de l'ordre " et " être davantage force de proposition et d'initiative " ; qu'ainsi, cette lettre ne revêt pas, alors même qu'elle a été adressée à l'intéressé peu de temps après le prononcé du jugement du 11 avril 2013 mentionné au point 9, le caractère d'une sanction disciplinaire ; qu'en outre, le requérant, qui n'établit pas que ce courrier aurait été versé dans son dossier de fonctionnaire, ne conteste d'aucune manière la pertinence, compte tenu de sa manière de service, de ce rappel d'objectifs à atteindre ainsi effectué par sa hiérarchie, qui n'a pas, ce faisant, outrepassé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

16. Considérant, d'autre part, que si M. B...fait état d'une procédure disciplinaire engagée à son encontre, après une enquête interne, au mois de novembre 2014, pour négligence professionnelle en raison du vol de sa carte d'identité professionnelle et de son insigne de police lors du cambriolage de son domicile au mois de juillet 2014 alors qu'il se trouvait en congé annuel sur son lieu de vacances, et qui lui a valu un blâme prononcé le 20 juillet 2015, il ne résulte pas de l'instruction que cette enquête interne ou cette procédure disciplinaire aurait été irrégulière, aucun texte n'imposant en particulier, contrairement à ce que soutient le requérant, la saisine préalable du conseil de discipline pour le prononcé de la sanction en cause ; qu'en outre, l'intéressé ne démontre pas qu'en lui infligeant un blâme, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire se serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits ; qu'au demeurant, le recours formé par M. B...contre cette sanction a été rejeté par un jugement n° 1509395 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 20 janvier 2017 ;

17. Considérant, enfin, que s'il est vrai qu'à l'automne 2014, l'intéressé a également fait l'objet d'une enquête interne pour des manquements au devoir de correction envers un supérieur hiérarchique, les 18 août et 8 septembre 2014, et au devoir d'obéissance, le 19 septembre 2014, cette enquête, qui a fait l'objet le 1er décembre 2014, par le directeur de la police aux frontières des aéroports de Roissy-Charles de Gaule et Le Bourget, d'un classement sans suite pour " faits insuffisamment caractérisés ", ne saurait caractériser ou révéler des agissements constitutifs de harcèlement moral ; qu'à cet égard, il résulte notamment de l'instruction que, les 18 août et 8 septembre 2014, M. B...a eu un ton et tenu des propos, à l'encontre de l'un de ses supérieurs hiérarchiques, pour le moins inappropriés ; que, dans ces conditions, sa hiérarchie ne peut être regardée comme ayant, en diligentant une enquête interne et en envisageant une procédure disciplinaire, excédé les limites de l'exercice normal de ses pouvoirs ;

En ce qui concerne la notation de M.B... :

18. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 susvisé fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : / 1. Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; / 2. Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; / 3. Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire. " ;

19. Considérant, d'une part, que M. B...soutient que sa notation aurait, sans justification, " stagnée " ou aurait été " biaisée " entre 2010 et 2013 ; que, toutefois, une telle affirmation est en contradiction avec ses allégations selon lesquelles les agissements constitutifs de harcèlement moral dont il aurait fait l'objet n'ont débuté qu'environ un mois avant le prononcé du jugement du 11 avril 2013 mentionné au point 9 ; qu'en outre et en tout état de cause, le requérant n'apporte aucune précision, ni aucun élément susceptible de démontrer que sa notation, entre 2010 et 2013, revêtirait un caractère injustifiée ou caractériserait ou révélerait de tels agissements ; qu'en particulier, si sa notation chiffrée a plafonné à 5 sur 7, il ne résulte pas de l'examen des comptes-rendus de ses entretiens professionnels pour les années en cause que cette note chiffrée serait en contradiction avec les éléments d'appréciation non chiffrée et les appréciations générales portées sur sa manière de servir ou que les appréciations portées sur sa valeur professionnelle seraient entachées d'une erreur manifeste ;

20. Considérant, d'autre part, que le seul fait que le notateur a, pour les notations établies au titre des années 2012 et 2013, porté la mention " sans objet " au regard de la rubrique " apte à assumer des responsabilités supérieures ", n'est pas davantage en contradiction avec les appréciations portées sur la manière de servir de l'intéressé ;

21. Considérant, enfin, qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la décision de maintenir la note chiffrée de l'année 2013, à la suite de la demande de révision présentée par M.B..., serait, eu égard aux appréciations portées sur sa manière de servir, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'avancement au grade de capitaine :

22. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret du 9 mai 1995 susvisé : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 12 du décret du 29 juin 2005 susvisé portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont nommés au grade de capitaine de police au choix, par voie d'inscription sur un tableau annuel d'avancement, après avis de la commission administrative paritaire et à la condition d'avoir satisfait ou de satisfaire à cette occasion à une obligation de mobilité géographique ou fonctionnelle, les lieutenants de police qui, au 1er janvier de l'année d'établissement du tableau, comptent cinq années au moins et neuf années au plus d'ancienneté depuis leur titularisation dans ce grade. " ;

23. Considérant que M.B..., qui a été titularisé en qualité de lieutenant de police le 3 janvier 2007, soutient que son avancement au grade de capitaine a été " bloqué " par sa hiérarchie ; que, toutefois, il n'apporte aucune précision suffisante, ni aucun élément de nature à établir le bien-fondé de cette allégation ; qu'en particulier, s'agissant de sa candidature à l'avancement au grade de capitaine au titre de l'année 2014, si le requérant fait valoir que le chef de la division de la police générale et de l'investigation, qui a fait l'objet d'une mutation le 16 septembre 2013, n'aurait pas " respecté le délai de notation 2013 ", cette affirmation n'est assortie d'aucune précision, ni d'aucun élément permettant d'en apprécier la véracité ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction et, notamment, des candidatures de l'intéressé à l'avancement à ce grade, présentées au titre des années 2013 et 2014, qu'elles comportent un avis favorable de sa hiérarchie ; que, de surcroît, le ministre fait valoir en défense, sans être sérieusement contesté sur ce point, que l'intéressé a fait l'objet de propositions d'avancement au grade de capitaine au titre des années 2013, 2014 et 2015 ;

En ce qui concerne les changements d'affectation de M.B... :

24. Considérant, d'une part, que M. B...soutient que, le 7 avril 2014, il a été relevé de son commandement des unités du pôle de police générale et du pôle de sécurité routière pour être nommé sur un nouveau poste d'officier de police générale, correspondant à une diminution de ses attributions et affectant sa vie familiale à raison d'un régime d'horaires décalés ; que, toutefois, le requérant n'apporte aucune précision, ni aucun élément permettant d'établir qu'il aurait fait l'objet, lors de la modification, à compter du 7 avril 2014, de l'organigramme de la direction de la police aux frontières des aéroports Roissy-Charles de Gaulle et Le Bourget, d'une " mutation " ou d'une affectation sur un poste de moindre responsabilité ;

25. Considérant, d'autre part, que s'il est vrai que, par une note de service du 1er décembre 2014, M. B...a été muté sur un poste d'officier d'aérogare aux terminaux T2ABCD de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, il résulte de l'instruction que le poste sur lequel a été affecté l'intéressé, qui a été mis à même de consulter son dossier avant d'être muté à compter du 5 janvier 2015, correspond à un poste de niveau 3, soit, contrairement à ce que soutient le requérant, un niveau équivalent à celui qu'il occupait précédemment ; qu'en outre, la circonstance qu'il a occupé au cours des années antérieures un poste d'officier d'aérogare ne saurait suffire à établir que cette mutation aurait entraîné pour lui une perte de responsabilités ; que, par ailleurs, il résulte également de l'instruction que cette mesure de mutation a été prise en raison de la dégradation des relations entre M. B... et son supérieur hiérarchique direct et n'a donc pas revêtu, contrairement à ce prétend l'intéressé, le caractère d'une sanction déguisée, mais était justifiée par l'intérêt du service ; qu'enfin, la circonstance que cette mutation aurait été de nature à affecter la vie familiale de l'intéressé, ne permet ni de regarder cette mesure comme entachée d'illégalité, ni de caractériser ou de révéler des agissements constitutifs de harcèlement moral ; qu'au demeurant, le recours formé par M. B... contre cette mesure de mutation dans l'intérêt du service a été rejeté par un jugement n° 1503860 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 6 juin 2016 ;

En ce qui concerne l'absence de mesures prises par l'administration :

26. Considérant, d'une part, que M. B...ne saurait sérieusement soutenir que l'administration se serait abstenue de toute réaction ou n'aurait pris aucune mesure à la suite du courrier du 2 octobre 2013 par lequel sa compagne a alerté le ministre de l'intérieur sur sa situation professionnelle et, en particulier, sur la dégradation de son état de santé mentale ; que, sur ce point, il résulte de l'instruction que, dès le 4 novembre 2013, l'intéressé a été reçu par deux de ses supérieurs hiérarchiques, qui ont procédé au retrait de son arme de service ; qu'en outre, le 19 novembre 2013, il a été soumis à un contrôle médical, le médecin inspecteur du secrétariat général pour l'administration de la police de Versailles l'ayant déclaré apte au service " sans restriction " ; que de telles mesures, prises dans le cadre de la prévention des risques psycho-sociaux, ne sauraient être regardées, compte tenu des termes du courrier du 2 octobre 2013 sur l'état de santé de l'intéressé, comme caractérisant des agissements constitutifs de harcèlement moral ;

27. Considérant, d'autre part, que si M. B...a produit en dernier lieu un certificat médical établi le 27 mai 2015, ce document ne saurait à lui seul permettre, compte tenu des termes dans lequel il est rédigé, de faire présumer l'existence du harcèlement moral dont le requérant allègue avoir été victime ;

28. Considérant qu'il suit de là que M. B...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral sur lesquels il n'apporte pas d'éléments précis et concordants de nature à en faire présumer l'existence ; qu'il en résulte que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de tels agissements doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

29. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). " ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral qui seraient imputables à la hiérarchie de M. B..., le préfet de police, en lui refusant, par la décision attaquée du 2 juillet 2014, le bénéfice de la protection fonctionnelle, n'a commis aucune illégalité ; qu'il en résulte que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

31. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation et d'indemnité de la requête de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1409413 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 22 janvier 2016 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il aurait subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil, tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il aurait subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral, et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

A...B...

4

N° 16VE00804


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales - Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 05/07/2018
Date de l'import : 17/07/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16VE00804
Numéro NOR : CETATEXT000037193648 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-05;16ve00804 ?
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