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03/07/2018 | FRANCE | N°15VE01531

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2018, 15VE01531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Euro Stockage a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des années 2007 et 2009 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces rappels par application du taux de 5% prévu par la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg.

Par un jugement n° 1303382 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 mai 2015, 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Euro Stockage a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des années 2007 et 2009 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces rappels par application du taux de 5% prévu par la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg.

Par un jugement n° 1303382 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 mai 2015, 1er février 2016, 26 mars 2018 et 28 mars 2018, la SOCIETE EQIOM, précédemment Société Holcim France, venant aux droits de la SAS Euro Stockage, représentée par Me Lenczner, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de la décharger des rappels de retenue à la source et pénalités correspondantes mis à sa charge au titre des années 2007 et 2009 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOCIETE EQIOM soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que les conditions prévues par le 2 de l'article 119 ter du code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de retenue à la source sont remplies ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas à l'argument qu'elle a développé sur le terrain de la loi au moyen tiré de ce que le service ne pouvait se fonder sur les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts pour remettre en cause l'exonération de la retenue à la source sur les dividendes litigieux dès lors que l'interposition de la société Enka dans la chaîne de participation n'a pas eu comme objet principal ou comme l'un de ses objets principaux de bénéficier de cette exonération, qui consiste à soutenir que l'application de la convention franco-suisse aurait de toute façon conduit à neutraliser la retenue à la source si la société suisse avait été l'actionnaire direct de la société distributrice ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- la clause anti-abus prévue par les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts est incompatible avec la liberté d'établissement instituée par les articles 43 et 48 du traité de la Communauté européenne (devenus les articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) et contraire à la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 en ce qu'elle se borne pas à sanctionner les montages purement artificiels dont le but est exclusivement d'échapper à l'emprise de la législation fiscale de l'Etat-membre concerné, mais s'étend à des opérations dans lesquelles l'implantation de la société-mère relève pour partie également d'une motivation économique ; le Conseil d'Etat a jugé dans son arrêt n° 393279 du 7 février 2018 que ces dispositions instituaient une discrimination contraire au droit de l'Union ;

- le service ne pouvait en tout état de cause se fonder sur les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts pour remettre en cause l'exonération de la retenue à la source sur les dividendes litigieux dès lors que l'interposition de la société Enka dans la chaîne de participation n'a pas eu comme objet principal ou comme l'un de ses objets principaux de bénéficier de l'exonération de retenue à la source ;

- les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts ne peuvent pas être opposées au contribuable lorsque les dispositions conventionnelles sont, comme c'est le cas de la convention franco-suisse, plus favorables ; elle peut se prévaloir à cet égard de la documentation administrative 4 J-1334 n° 60 du 1er novembre 1995 aux termes de laquelle un contribuable apporte la preuve que la chaîne de participation n'a pas comme objet principal de bénéficier de l'exonération de retenue à la source sur les dividendes lorsque, dans cette chaîne de participation, le montant cumulé des retenues à la source effectivement perçues aux étapes intermédiaires par les Etats concernés est au moins égal à celui qui aurait été perçu par la France en application du droit interne ou des conventions fiscales internationales, si les dividendes avaient été distribués directement par la société résidente de France aux résidents non membres de la communauté européenne ; or les dividendes versés par une société résidente de France à une société résidente de Suisse qui en est le bénéficiaire effectif et qui détient au moins 10% du capital de la société distributrice sont exonérés de retenue à la source en application de l'article 11 de la convention entre la France et la Suisse avant l'entrée en vigueur de l'avenant du 27 août 2009, complétée par l'échange de lettres des 5 et 13 décembre 2006 ;

- le 2 de l'article 119 ter du code général des impôts et le décret n° 97-389 du 22 avril 1997 codifié aux articles 46 quater 0-FB à quater 0-FD de l'annexe III à ce code révèlent une transposition irrégulière de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 en ce que ces dispositions subordonnent le bénéfice de l'exonération à des conditions tenant au siège de direction effectif de la société bénéficiaire des dividendes et de bénéficiaire effectif des dividendes, ainsi qu'à des conditions de forme, tenant à la production de formulaires et d'attestations, qui ne sont pas prévues par la directive ;

- les conditions d'exonération de retenue à la source prévues au 2 de l'article 119 ter du code général des impôts sont remplies ; ainsi, elle justifie de la qualité de résidente fiscale luxembourgeoise de la société Enka, du fait que son siège de direction effective est au Luxembourg et qu'elle est bien le bénéficiaire des dividendes ; l'administration ne peut lui imposer des conditions de forme qui ne sont pas prévues par la directive du 23 juillet 1990 et qui, de surcroît, vont au-delà de ce que prévoit la loi, telles la production d'une " attestation sur l'honneur " de la société-mère, la déclaration visée à l'article 46 quater 0-FB de l'annexe III au code général des impôts et la reconnaissance de responsabilité prévue par l'article 46 quater 0-FC de cette annexe ; en tout état de cause, et dès lors que la société Enka détenait de manière ininterrompue pendant au moins deux ans plus de 20 % des droits dans la société Euro Stockage, elle n'avait pas besoin de faire une attestation pour s'engager à conserver cette participation pendant au moins deux ans ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des doctrines administratives BOI 4 C-7-07 du 10 mai 2007 et BOI 4 C-8-07 du 12 juillet 2007 qui exonèrent de la retenue à la source les dividendes versés par des sociétés françaises à des sociétés mères résidentes d'Etats membres de l'Union européenne qui détiennent au moins 5% de leur capital dès lors que la société Enka dispose de son siège de direction au Luxembourg, qu'elle est une société holding ordinaire imposable à l'impôt sur les sociétés au Luxembourg, mais qu'étant exonérée d'impôts sur les dividendes, elle est dans l'impossibilité d'imputer la retenue à la source en litige ;

- à titre subsidiaire, la retenue à la source doit être limitée au taux de 5 % prévu par le 1 du a) du 2 l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise dont elle remplit les conditions ; l'administration ne peut lui opposer le fait que la société luxembourgeoise Enka ne serait pas le bénéficiaire effectif des dividendes dès lors que la convention franco-luxembourgeoise ne comporte pas de clause de " bénéficiaire effectif " ; en tout état de cause, cette société est bien le bénéficiaire effectif des dividendes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats-membres différents, telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil du 22 décembre 2003 ;

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg, tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-6/16 du 7 septembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel ;

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Euro Stockage, qui a pour activité le déchargement, le stockage et l'ensachement de ciment pour le compte de sa société soeur la SAS Atlantique Négoce, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir constaté que la société déclarait avoir versé des dividendes, au cours des années 2007 et 2009, à sa société mère de droit luxembourgeois Enka, laquelle était détenue, au cours de cette même année, à hauteur de 99,99 %, par la société de droit chypriote Waverley Star Investments Limited, elle-même entièrement contrôlée par la société de droit suisse Campsores Holding, a mis à sa charge, au titre de ces années, une retenue à la source au taux de 25 %, en application de l'article 119 bis du code général des impôts, à raison des dividendes ainsi distribués ; que l'administration a en effet estimé qu'il n'était pas établi que la société mère luxembourgeoise Enka remplissait les conditions du 2 de l'article 119 ter du même code pour que la société Euro Stockage bénéficie de l'exonération de retenue à la source prévue au 1 de cet article et qu'à supposer même que tel soit le cas, ces distributions entraient dans le champ du 3 de ce même article qui constitue une exception à l'exonération prévue au 1 ; que la SOCIETE EQIOM, précédemment société Holcim France, venant aux droits de la société SAS Euro Stockage, demande l'annulation du jugement du 16 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces retenues à la source, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant que la requérante soutient que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas à l'argument qu'elle a développé sur le terrain de la loi au soutien du moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait se fonder sur les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts pour remettre en cause l'exonération de la retenue à la source sur les dividendes litigieux, qui consistait à soutenir que l'application de la convention franco-suisse aurait de toute façon conduit à neutraliser la retenue à la source si la société suisse avait été l'actionnaire direct de la société distributrice ; qu'il ressort toutefois de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à cet argument au point 3, en mentionnant que la SAS Euro Stockage n'établissait pas que la chaîne de participations n'avait pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage de l'exonération de retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter, " voire des stipulations de l'article 11 de la convention fiscale signée entre la France et la Suisse qui, selon l'accord résultant de l'échange de lettres des 5 et 13 décembre 2006, subordonnent aux même conditions le bénéfice qu'elle prévoient de l'exonération de retenue à la source " ; que le jugement n'est dès lors pas entaché d'irrégularité de ce chef ;

4. Considérant, d'autre part, que la requérante soutient que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que les conditions prévues par le 2 de l'article 119 ter du code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de retenue à la source sont remplies ; que, toutefois, le tribunal ayant jugé, au point 3 de son jugement, qu'en vertu du 3 de l'article 119 ter en question, la requérante ne pouvait prétendre à l'exonération prévue au 1 de cet article, le moyen tiré de ce que les conditions du 2 de l'article 119 ter sont remplies devenait inopérant ; que le juge n'est pas tenu de répondre à un moyen inopérant ; que, par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;

Sur les conclusions principales tendant à la décharge des retenues à la source :

En ce qui concerne la transposition irrégulière de la directive 90/435/CEE :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil du 22 décembre 2003 : "1. Chaque Etat membre applique la présente directive : (...) - aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet Etat à des sociétés d'autres Etats membres dont elles sont les filiales. / 2. La présente directive ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et abus " ; et qu'aux termes de l'article 5 de cette directive : " 1. Les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère sont exonérés de retenue à la source " ;

6. Considérant que le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts soumet à l'application d'une retenue à la source les revenus distribués par des personnes morales françaises à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ; que l'article 119 ter de ce code, qui transpose, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, prévoit dans son 1, sous certaines conditions prévue au 2, d'exonérer de cette retenue à la source la distribution de revenus à une personne morale qui justifie auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ses revenus être le bénéficiaire effectif des dividendes et avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l'Union européenne sans être considérée, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de l'Union ; que, toutefois, le 3 de l'article 119 ter prévoit que cette exonération ne s'applique pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de l'Union, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage de l'exonération ;

7. Considérant que les dispositions précitées du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts, en ce qu'elles subordonnent le bénéfice de l'exonération à la condition que la personne morale justifie auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement des dividendes qu'elle en est le bénéficiaire effectif, visent seulement à ce que la société mère résidant dans un autre Etat membre soit le bénéficiaire réel des dividendes, et pas seulement le bénéficiaire apparent ; qu'elles répondent en cela aux objectifs de la directive 2003/123/CE du Conseil du 22 décembre 2003 ; que, par suite, la SOCIETE EQIOM n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions révèleraient sur ce point une transposition irrégulière de cette directive ;

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

8. Considérant que la SOCIETE EQIOM soutient que les conditions prévues par le 2 de l'article 119 ter du code général des impôts étaient remplies, de sorte que la société Euro Stockage pouvait bénéficier de l'exonération prévue au 1 à raison des dividendes versés à sa société mère luxembourgeoise Enka, et notamment la condition tenant à ce que cette dernière soit le bénéficiaire effectif des dividendes ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des mentions non contestées portées dans la proposition de rectification du 5 octobre 2010, que les dividendes ont été payés par un virement Swift à partir du compte de la société Euro Stockage détenu au Crédit agricole, sur un compte ouvert en Suisse sous le numéro 1020507 dans les livres de la SA Anglo Irish Bank SA à Genève au nom de la société Enka SA pour la distribution opérée en 2007, et sur un compte dans les livres de la société Pictet Luxembourg au nom de Enka pour l'année 2009 ; que l'administration fait valoir, ainsi qu'elle l'opposait déjà lors de la vérification de comptabilité et dans la proposition de rectification, qu'il existe de nombreuses sociétés Enka autres que la société mère luxembourgeoise et que la requérante ne justifie pas que cette dernière a été le bénéficiaire effectif des dividendes, faute d'établir que les distributions ont été versées sur un compte bancaire lui appartenant, en produisant par exemple un relevé d'identité bancaire comportant les références précises et exactes du titulaire du compte ; que la SOCIETE EQIOM produit devant le juge deux attestations 5000-FR de résidence fiscale au Luxembourg de la société Enka, visées par l'administration fiscale luxembourgeoise le 18 juin 2008, mais relatives à l'application de la convention franco-luxembourgeoise pour des dividendes perçus au titre des années 2005 et 2006 qui ne sont pas en cause dans la présente instance et dont, au surplus, le cadre relatif au bénéficiaire des revenus n'est ni daté ni signé ; qu'elle produit une déclaration faite par la société Enka auprès l'administration fiscale luxembourgeoise au titre de l'année d'imposition 2007 qui porte en tout état de cause sur des " dividendes exonérés " versés par une autre filiale ; que si la requérante produit également, s'agissant des dividendes versés en 2007, une attestation établie le 1er juin 2011 par la banque Hyposwiss Private Bank, qui déclare avoir repris la banque Anglo Irish Bank, selon laquelle la société Enka SA immatriculée B58679 au RCS à Luxembourg " était la titulaire du compte n° 1020507 ouvert dans nos livres le 19 mai 2003 et clôturé le 30 mai 2008 ", cette attestation ne peut être regardée comme probante dès lors qu'elle mentionne aussi que " la banque n'assume aucune responsabilité quant au contenu du présent courrier, lequel est donné sans engagement ni garantie de notre part ou de celle de ses collaborateurs " ; qu'aucune des autres pièces produites n'est davantage de nature à établir que la société mère luxembourgeoise Enka a appréhendé les dividendes litigieux versés en 2007 et 2009 ; que la SOCIETE EQIOM n'apporte ainsi pas les éléments, qu'elle seule peut détenir, qui permettraient d'établir que la société mère luxembourgeoise Enka a été le bénéficiaire réel des dividendes à raison desquels elle demande le bénéfice de l'exonération de retenue à la source ; que le motif retenu ci-dessus étant, à lui seul, de nature à fonder les rehaussements contestés, les autres moyens invoqués par la requérante tirés de la transposition irrégulière de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 sur d'autres aspects que celui évoqué au point 7, de ce les autres conditions prévues au 2 de l'article 119 ter du code général des impôts seraient remplies et de ce que ce serait à tort que l'administration lui a également opposé la dérogation à la dispense de retenue à la source prévue au 3 de ce même article sont inopérants ; que, par suite, les dividendes en cause sont réputés avoir été versés au profit d'un bénéficiaire tiers et doivent supporter la retenue à la source telle qu'elle est prévue par l'alinéa 2 de l'article 119 bis du code général des impôts dont le taux est fixé sous réserve des conventions internationales par le 1 de l'article 187 de ce code à 25 % ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Considérant que la société requérante se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives référencées 4 C-7-07 et 4 C-8-07 publiées aux bulletins officiels des impôts n° 67 du 10 mai 2007 et n° 89 du 12 juillet 2007 ; que, toutefois, ces instructions ne donnent par une interprétation différente de la loi s'agissant de la condition, pour bénéficier de l'exonération de retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis du code général des impôts, tenant à ce que la personne morale justifie auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement des dividendes qu'elle en est le bénéficiaire réel ;

Sur l'application, à titre subsidiaire, du taux réduit de retenue à la source prévu par l'article 8 de la convention signée entre la France et le Luxembourg :

10. Considérant que la requérante demande, à titre subsidiaire, l'application aux dividendes litigieux de la retenue à la source au taux de 5 % prévu par le 1 du a) du 2 de l'article 8 de la convention signée entre la France et le Luxembourg ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention fiscale signée entre la France et le Luxembourg : " 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. /2. a) Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / 1. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire des dividendes est une société de capitaux qui détient directement au moins 25 % du capital social de la société de capitaux qui distribue les dividendes (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de cette convention que le bénéfice du taux réduit de retenue à la source sur les dividendes versés à des résidents luxembourgeois est notamment subordonné à la condition que ces dividendes aient été réellement payés à la personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat membre ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, la SOCIETE EQIOM n'apporte pas les éléments, qu'elle seule peut détenir, qui permettraient d'établir que la société mère luxembourgeoise Enka a été le bénéficiaire réel des dividendes à raison desquels elle demande le bénéfice du taux conventionnel de retenue à la source ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander l'application de la retenue à la source au taux de 5 % prévu par le 1 du a) du 2 de l'article 8 de la convention signée entre la France et le Luxembourg ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS EQIOM n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que la Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des années 2007 et 2009 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête la SAS EQIOM, venant aux droits de la SAS Euro Stockage, est rejetée.

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N° 15VE01531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01531
Date de la décision : 03/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux.

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-03;15ve01531 ?
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