Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2017, Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 1705761 du 21 novembre 2017, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2017 et 6 mars 2018,
MmeB..., représentée par Me Saligari, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 21 novembre 2017 ;
2° d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de
80 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
Concernant le refus de titre :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'avis du collège des médecins de l'OFII est entaché d'un vice de procédure qui affecte la légalité de l'arrêté attaqué ; aucune mention dans l'avis ne fait référence à un quelconque rapport médical établi par un médecin de l'OFII, permettant de vérifier que l'auteur de ce rapport est bien un médecin de l'OFII et qu'il n'a pas siégé au sein du collège qui a rendu son avis ; il est impossible de s'assurer, en l'état de l'instruction, que les médecins qui ont siégé ont bien été nommés par décision du directeur général de l'office ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Concernant l'obligation de quitter le territoire :
- elle méconnaît les dispositions l'article L 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Concernant la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante camerounaise, née le 18 avril 1976 et ayant déclaré être entrée en France en mai 2015, a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade ; qu'un premier titre de séjour pour raisons de santé valable jusqu'au 24 janvier 2017 lui a été délivré, dont elle a demandé le renouvellement ; que le préfet du Val-d'Oise lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour par un arrêté en date du
8 juin 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le Cameroun comme pays de destination ; que Mme B...relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
3. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) " ; que l'article R. 313-23 du même code dispose que: " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (... ) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. " ; que l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...)" ; que cette procédure constitue une garantie pour l'examen des droits de l'intéressée ;
5. Considérant qu'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été émis le 27 avril 2017 sur la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme B...fondée sur son état de santé ; que, toutefois, ni cet avis ni la décision attaquée n'indiquent qu'un rapport médical aurait été établi par un médecin de l'OFII et transmis à une date connue au collège des médecins ; qu'aucune des cases prévues sur le modèle d'avis du collège des médecins de l'OFII figurant à l'annexe C de l'arrêté susvisé du
27 décembre 2016 pour rendre compte des éléments de procédure et notamment des actes diligentés " au stade de l'élaboration du rapport " n'a été cochée ; qu'en défense, le préfet du Val-d'Oise n'a pas répondu au moyen de la requérante, nouveau en appel, tiré de ce qu'il est
" impossible de s'assurer que l'avis du collège de médecins a été établi au terme d'un rapport d'un médecin de l'OFII et que ce dernier n'aurait pas siégé au sein du collège " ; que, par suite, en l'état du dossier à la date de la clôture de l'instruction, ni l'existence d'un rapport d'un médecin rapporteur ni la transmission de ce rapport au collège des médecins ni, enfin, la date de cette transmission ne sont établies en méconnaissance des dispositions citées au point 4 ; que MmeB..., sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, est par suite fondée à soutenir que l'avis du 27 avril 2017 du collège des médecins, au vu duquel le préfet du Val-d'Oise a statué, a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière l'ayant privée d'une garantie et que la décision de refus de titre de séjour attaquée, prise elle-même au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulée ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision et celle fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que l'annulation des décisions attaquées, eu égard au motif sur lequel elle se fonde, implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la demande de Mme B... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise ou à tout préfet compétent de procéder à cet examen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions précitées, la somme de 1 500 euros demandée par
MmeB... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705761 du 21 novembre 2017 du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 8 juin 2017 du préfet du Val-d'Oise est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de la demande de
Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
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N° 17VE03955