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13/06/2018 | FRANCE | N°17VE03178

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 juin 2018, 17VE03178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions en date du 20 juin 2017 par lesquelles le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704579 du 25 septembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 oc

tobre 2017, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Le PREFET DE L'E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions en date du 20 juin 2017 par lesquelles le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704579 du 25 septembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Le PREFET DE L'ESSONNE soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une violation du 6° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est fondé à refuser de tenir compte de la reconnaissance en paternité de l'enfant Yvanna par M. B...D..., de nationalité française, qui a été établie dans le seul but de permettre à Mme A...d'obtenir un titre de séjour ; en tout état de cause, le fait que le déclenchement de la procédure judiciaire qu'il a engagé à cet égard ne serait pas suivie par la déclaration en nullité de la reconnaissance de paternité est sans incidence ;

- les décisions attaquées sont signées par une autorité compétente ;

- elles sont suffisamment motivées ;

- la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît ni le 6° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bruno-Salel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante ivoirienne née le 29 novembre 1984, a sollicité un premier titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le PREFET DE L'ESSONNE demande l'annulation du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé ses décisions en date du 20 juin 2017 rejetant la demande de MmeA..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2. Considérant que, pour annuler les décisions litigieuses, le tribunal a considéré que le préfet avait violé les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " et qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement (...) est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

4. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, dont celles produites par le PREFET DE L'ESSONNE en appel, que Mme A...a donné naissance en France, le 21 juillet 2014, à une fille qui avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité anticipée, le 4 mars 2014, par un ressortissant français, M.D... ; que, toutefois, la requérante, qui a déclaré être entrée en France tantôt en 2012, tantôt en 2014, avoir rencontré M. D...sur le marché africain du 18ème arrondissement de Paris et avoir entretenu avec lui, sur le territoire français, une relation de quelques mois, n'établit pas qu'elle résidait en France à la date de la conception de l'enfant ; qu'il est constant qu'elle n'a jamais eu une résidence commune avec M.D..., qui a par ailleurs reconnu par anticipation, dans les départements des Yvelines, de la Marne, de la Seine-Saint-Denis et de l'Essonne, sept autres enfants nés de mères étrangères avec lesquelles il n'a jamais vécu, dont un né à cinq mois d'intervalle dans un autre département ; qu'il ressort par ailleurs des déclarations qu'elle a faites le 6 mars 2017 à l'agent de police qui a diligenté, à la demande du PREFET DE L'ESSONNE, une enquête administrative, qu'elle ne connaissait qu'approximativement la date de naissance du père, dont il n'est d'ailleurs pas même établi qu'il participerait à l'éducation et à l'entretien de l'enfant, et qu'elle ne connaissait ni son adresse ni son numéro de téléphone ; que le PREFET DE L'ESSONNE a saisi le 2 février 2017 le Procureur de la République aux fins d'enquête pour suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité ; qu'au regard de ces éléments, et alors que Mme A... s'est bornée à soutenir devant le tribunal que la circonstance que M. D...a reconnu d'autres enfants ne devrait pas la pénaliser, le préfet établit que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D...à l'égard de l'enfant de Mme A...présentait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondée à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme A...; qu'il résulte de ce qui précède le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler sa décision du 20 juin 2017 portant refus de titre de séjour, ainsi que par voie de conséquence des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Versailles ;

7. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2017-PREF-MCP-002 du 12 janvier 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Essonne n° 9 le 13 janvier 2017, le préfet de l'Essonne a donné délégation à Mme C...E..., sous-préfète de Palaiseau, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont seraient entachées les décisions contestées manque en fait et doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de titre de séjour comporte, conformément aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'ensemble des éléments de droit et de fait qui la fondent ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire français qui assortit cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit également être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'établit pas la durée de sa résidence habituelle en France avant l'année 2014 ; que si elle a donné naissance en France, le 21 juillet 2014, à une fille qui avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité anticipée, le 4 mars 2014, par un ressortissant français, M.D..., le PREFET DE L'ESSONNE établit, ainsi qu'il a été dit au point 5, que la reconnaissance de paternité souscrite par M. D... à l'égard de cet enfant présentait un caractère frauduleux ; que Mme A...n'a jamais eu de vie commune avec M.D..., lequel ne participe aucunement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; que MmeA..., qui est donc célibataire mère d'un enfant en bas-âge, n'établit par ailleurs pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision de refus de séjour attaquée a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

12. Considérant qu'au égard à ce qui a été dit aux points 5 et 10, les décisions attaquées n'impliquent en elles-mêmes aucune séparation de Mme A...et de son enfant, celle-ci pouvant préserver l'unité familiale en Côte d'Ivoire ; que le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que si la requérante invoque la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, qui n'est un moyen opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, elle n'apporte aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'ESSONNE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de Mme A...;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions en date du 20 juin 2017 par lesquelles le PREFET DE L'ESSONNE a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704579 du 25 septembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

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N° 17VE03178

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03178
Date de la décision : 13/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : TOKPO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-13;17ve03178 ?
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