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15/05/2018 | FRANCE | N°16VE02462

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 mai 2018, 16VE02462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 21 février 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant à son employeur, la société Butard Enescot, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1404264 du 7 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa dem

ande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 21 février 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant à son employeur, la société Butard Enescot, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1404264 du 7 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 juillet 2016 et le 29 mars 2018, M. B..., représenté par Me Bensoussan, avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision ministérielle du 21 février 2014 ;

2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ; les premiers juges ont insuffisamment motivé en fait le considérant relatif au défaut d'organisation des évènements du Bourget et de Galeries Lafayette Travel ; ils se sont également abstenus à tort, de faire apparaître les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de l'existence d'un lien entre son licenciement et ses trois mandats de représentant du personnel ; par ailleurs les premiers juges ont entaché leur raisonnement d'erreurs de fait, de droit et de dénaturation des pièces du dossier en écartant tous les moyens qu'il avait soulevé ;

Sur le fond :

- la décision du ministre du 21 février 2014 est entachée d'un vice de procédure : si le recours hiérarchique formé par la société Butard Enescot lui a bien été communiqué, le ministre ne lui a pas indiqué, toutefois, qu'il pouvait présenter des observations, en méconnaissance de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- s'agissant de l'organisation du salon du Bourget du 17 au 23 juin 2013 : son employeur lui reproche à tort de n'avoir pas réalisé les plannings avant son arrêt maladie le 12 juin 2013, et d'avoir provoqué la désorganisation des prestations délivrées sur le salon ; d'autre part les coordonnées téléphoniques des vacataires étaient enregistrées sur son téléphone portable professionnel ainsi que sur son ordinateur portable et sur celui de son assistante. Un salarié de la société est passé chez lui le 13 juin 2013 pour récupérer son ordinateur portable mais à aucun moment son téléphone portable professionnel ne lui a été réclamé ; la société ne produit aucun écrit de client se plaignant de la désorganisation sur le salon, qui a été une parfaite réussite, ainsi qu'il est mentionné sur le site internet de Butard Enescot et dans des lettres adressées à ses salariés, s'enorgueillissant d'avoir servi le président de la République et le Premier ministre ainsi que 7 000 repas par 718 maîtres d'hôtel ;

- s'agissant de l'organisation du salon Lafayette Travel du 6 août 2013 : les bons de commande prévisionnels lui ont été communiqués le 25 mai 2013 et lors de la réunion opérationnelle du 3 juillet, son employeur lui a demandé de fournir les plannings pour le 9 juillet 2013, ce qu'il a fait, alors même qu'il avait été absent pour maladie du 12 au 30 juin 2013 et qu'à sa reprise de fonctions le 1er juillet 2013, son ordinateur portable ne lui a pas été rendu immédiatement ainsi que l'a relevé l'inspectrice du travail ; il a ainsi respecté les termes de son contrat de travail, à savoir : remettre en semaine S, les plannings de la semaine S+1 ; comme précédemment, la société Butard Enescot s'est vantée de la parfaite organisation de cet évènement ;

- la société lui impute des fautes qui lui incombent à elle-même, dès lors qu'elle n'a procédé à aucun aménagement de son poste de travail alors qu'il détenait trois mandats représentatifs et qu'il était surchargé de travail et également, de par son choix de recruter constamment de très nombreux vacataires, elle fonctionne dans un état permanent et structurel de désorganisation ;

- il y a violation du principe " ne bis in idem ", en tant que le licenciement sanctionne les mêmes fautes que celles qui ont déjà été sanctionnées par l'avertissement du 22 mai 2013 ;

- il existe un lien entre ses mandats et le licenciement dès lors que, pendant plus de 12 années d'activité salariée au service de Butard-Enescot, il n'a reçu ni réprimande ni sanction, alors qu'elles ont commencé dès son élection au CHSCT le 9 février 2012 et que, le lendemain de sa participation active à la liste des candidats CFDT aux élections professionnelles, il a été reçu seul en entretien pour évoquer la procédure prud'hommale qu'il a initiée ; la CFDT a demandé, par courrier du 29 juin 2013, que son employeur mette un terme aux actes de harcèlement et de discrimination syndicale à son encontre ; son directeur général a tenu des propos injurieux à caractère anti-syndical à son égard ; son poste de travail n'a jamais été aménagé pour tenir compte de ses mandats, ce qui entrave son action syndicale en méconnaissance des articles L. 2315-1 et L. 2315-3 du code du travail ; l'existence de ce lien entre ses mandats et son licenciement a d'ailleurs été relevé par l'inspectrice du travail ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de M. B...et de MeA..., pour la société Butard Enescot.

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement n° 1404264 du 7 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à annuler la décision du 21 février 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant à son employeur, la société Butard Enescot, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire et, a autorisé son licenciement.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision litigieuse et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

2. Considérant que pour autoriser, en date du 21 février 2014, le licenciement de M. B..., le ministre, relevant des " manquements dans l'exécution du contrat de travail [qui] présentent ensemble un degré de gravité de nature à justifier le licenciement " s'est fondé sur des éléments relevés dans l'organisation des prestations délivrées à l'occasion de deux évènements : le salon du Bourget au mois de juin 2013 et la réception du 6 août 2013 du client Lafayette Travel ; que le ministre a relevé que la fiche descriptive du poste de M. B...précise notamment ses obligations en matière de respect des délais de traitement des demandes et des relations au travail et qu'en outre, l'organisation de tels évènements faisant l'objet de réunions de cadrage en amont, l'intéressé ne pouvait ignorer l'importance du respect des délais dans la réalisation de sa mission, et la nécessité de travailler en lien avec les autres intervenants sur les dossiers ; que le ministre a estimé que M. B..., alors qu'il préparait le salon du Bourget et la journée Lafayette Travel, a négligé de travailler dans le cadre d'échanges coopératifs avec ses partenaires au sein de la société sur les plannings prévisionnels des vacataires, produisant ceux-ci après y avoir été contraint, pour la préparation du salon du Bourget par un avertissement, et pour la préparation de la journée Lafayette Travel, par un courrier électronique de rappel du directeur général, alors même qu'il s'était déjà vu rappeler à l'ordre sur ce point précis ; que, les plannings du Salon du Bourget qu'il a transmis avant son arrêt maladie du 12 juin 2013 étaient si incomplets qu'ils ne permettaient pas aux équipes de travailler dans des conditions normales pour la préparation de l'évènement, ce qui a contraint son employeur à détacher deux salariés pour travailler en urgence sur ces plannings pour le bon déroulement des prestations sur le salon du Bourget puis qu'à nouveau, le même dysfonctionnement s'est produit lorsque l'intéressé, après plusieurs relances, a finalement produit le 9 juillet 2013 au soir, un planning de vacataires incomplets pour la journée Lafayette Travel ;

3. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier, s'agissant de l'organisation du salon du Bourget pendant la semaine du 17 au 23 juin 2013, que M.B..., qui s'est vu signifier le 22 mai 2013 un avertissement pour défaut de transmission des premiers plannings prévisionnels de ce salon, a ensuite produit un premier planning le 30 mai 2013, actualisé et complété en neuf versions successives, entre cette date et le 11 juin 2013 ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que son dernier planning du 11 juin comprenait les noms des 105 maîtres d'hôtel prévus pour le 17 juin, ceux des 106 maîtres d'hôtel des 18 et 19 juin, ceux des 102 maîtres d'hôtel du 20 juin, ceux des 89 maîtres d'hôtel du 21 juin, ceux des 46 maîtres d'hôtel du 22 juin et 99% des noms des maîtres d'hôtel prévus pour le dernier jour du salon, soient 599 vacations planifiées au total ; qu'il a ensuite été placé en arrêt maladie du 12 juin au 30 juin 2013 inclus ; que dès le 13 juin 2013 son employeur a envoyé à son domicile un employé pour prendre son ordinateur portable et continuer à finaliser les plannings de maîtres d'hôtel du salon du Bourget ; que si la société Butard Enescot fait valoir que l'ordinateur portable de M. B...ne contenait pas de nombreuses coordonnées de maîtres d'hôtel, il lui appartenait toutefois d'envoyer quérir à son domicile, comme précédemment, son téléphone portable professionnel, ce qu'elle n'a pas fait ; que si la société Butard Enescot émet des doutes sur les circonstances de l'arrêt maladie de M. B..., débuté quelques jours avant l'évènement majeur que représente le salon du Bourget, il lui appartenait de diligenter une contre-visite, ce qu'elle n'a pas fait ; que dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant accompli, avec certes quelques manquements tenant notamment à l'absence d'information qualitative détaillée sur lesdits plannings, ses obligations professionnelles et celles stipulées sur son contrat de travail, lequel ne lui imposait pas d'avoir achevé la préparation de cet évènement avant le 12 juin, date où il est tombé malade, ce qui n'est pas non plus fautif ; que d'ailleurs, ainsi que l'a relevé l'inspectrice du travail et contrairement à ce que soutient la société, les maîtres d'hôtel vacataires qu'il avait appelé, avaient effectivement réservé leurs créneaux de dates correspondant au salon du Bourget , ce qui explique que les plannings effectivement mis en oeuvre du 17 au 23 juin 2013 sur le salon du Bourget sont en très grande partie similaires aux siens et que seulement 20 badges aient du être commandés en urgence avant le premier jour du salon ; qu'enfin, la société ne produit aucun courrier émanant de clients exposant sur ce salon, se plaignant de graves dysfonctionnements ; qu'il suit de là qu'aucune faute grave ne ressort de cette description des faits caractérisant l'organisation des prestations des maîtres d'hôtel, par M. B...pour son employeur la société Butard Enescot, sur le salon du Bourget ;

4. Considérant ensuite, s'agissant de l'évènement du 6 août 2013 pour le client Lafayette Travel, que l'intéressé, en arrêt maladie jusqu'au 30 juin 2013 ainsi qu'il a été dit, a repris son travail le lundi 1er juillet sans que son ordinateur portable ne lui soit rendu immédiatement ; qu'il a participé dès le 3 juillet 2013 à la réunion de préparation de cet évènement et est parvenu dès le 9 juillet à produire un premier planning pour cet évènement d'une seule journée, ce qui ne lui était pas imposé par ses obligations contractuelles ; qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre à raison de ces faits ;

5. Considérant, enfin, que M. B...s'est vu signifier à l'été 2012 un courrier lui rappelant d'adopter en toute circonstance " un comportement responsable et irréprochable " puis, qu'il a été mis à pied trois jours en janvier 2013 pour avoir oublié de planifier quatre hôtesses à l'occasion d'un évènement à Chantilly et a reçu, le 22 mai 2013, l'avertissement susmentionné pour n'avoir pas encore fourni à cette date, un planning prévisionnel pour le salon du Bourget ; qu'il ressort des pièces du dossier, que M. B... a pleinement pris la mesure de ces trois rappels à l'ordre et a, en conséquence, rectifié son comportement professionnel, en particulier suite à cet avertissement du 22 mai 2013, car il a produit un premier planning le 30 mai 2013, actualisé et complété en neuf versions successivement communiquées jusqu'à la date du 11 juin 2013, veille de son arrêt maladie de trois semaines ; que dans ces conditions, alors qu'aucune faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement litigieux ne peut lui être reprochée au titre de l'organisation du salon du Bourget, a fortiori aucune faute au titre de l'organisation de l'évènement Lafayette Travel, la décision du ministre du 21 février 2014 est entachée d'une erreur de qualification des faits et doit être annulée ;

6. Considérant que M. B... est fondé à soutenir que le Tribunal de Cergy-Pontoise a rejeté à tort sa demande par le jugement attaqué ; qu'il y a lieu de faire droit à hauteur de 1 500 euros, à ses conclusions formulées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404264 du 7 juin 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du 21 février 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sont annulés.

Article 2 : Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social versera une somme de 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 16VE02462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02462
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : BENSOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-15;16ve02462 ?
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