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29/03/2018 | FRANCE | N°17VE01473

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 29 mars 2018, 17VE01473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...F...a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 7 novembre 2014 par laquelle le responsable du master spécialisé en " Management des systèmes d'information " de l'Ecole Centrale à Paris a refusé de valider son diplôme et la décision du 12 janvier 2015 du directeur des études de l'Ecole Centrale de Paris rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision, d'enjoindre, sous astreinte, à l'école de lui délivrer le diplôme présenté ou, à d

éfaut, de lui permettre de se présenter à une deuxième session d'examen, et de condamner...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...F...a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 7 novembre 2014 par laquelle le responsable du master spécialisé en " Management des systèmes d'information " de l'Ecole Centrale à Paris a refusé de valider son diplôme et la décision du 12 janvier 2015 du directeur des études de l'Ecole Centrale de Paris rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision, d'enjoindre, sous astreinte, à l'école de lui délivrer le diplôme présenté ou, à défaut, de lui permettre de se présenter à une deuxième session d'examen, et de condamner l'école à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l'illégalité fautive de ces décisions.

Par un jugement n° 1502028 en date du 10 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a :

- annulé les décisions des 7 novembre 2014 et 15 janvier 2015 refusant à M. F...la délivrance du diplôme de master en " Management des systèmes d'information " au titre de l'année 2013/2014,

- enjoint au directeur de l'établissement CENTRALESUPELEC de procéder à une nouvelle convocation du jury de thèse professionnelle et du jury d'admission du master spécialisé de " Management des systèmes d'information " au titre de l'année 2013/2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

- condamné l'école CENTRALESUPELEC à verser à M. F...la somme de

3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- mis à la charge de l'école CENTRASUPELEC la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

- et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 10 mai 2017 et le 29 juin 2017, l'établissement public CENTRALESUPELEC, représenté par Me Paloux, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif ;

3° de mettre à la charge de M. F...la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'un vice de forme en ce qu'il est dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et lors de la séance où l'affaire a été délibérée ;

- à défaut de signature de la minute, le jugement sera annulé pour méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen de défense tiré de ce que la décision de refus de validation du diplôme était en toute hypothèse justifiée par les notes insuffisantes de l'étudiant au titre des enseignements théoriques ;

- la procédure ayant abouti au jugement litigieux est entachée d'irrégularité, à défaut pour le tribunal d'avoir procédé à la réouverture de l'instruction à la suite du dépôt d'une note en délibéré dans laquelle il justifiait la réalité des absences de M.F... ; par voie de conséquence, le tribunal a méconnu son office en condamnant l'exposante à verser une somme qu'elle ne doit pas dès lors que la décision attaquée était légale ;

- le responsable du diplôme n'a pas entaché d'irrégularité la sincérité du procès-verbal de la délibération du jury dès lors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'évaluation donnée sur chacun des critères après discussion des membres du jury est provisoire et peut être modifiée à la fin des soutenances dans un but d'harmonisation et, d'autre part, que la majorité au moins des membres du jury avait admis que le travail de M. F...présentait des insuffisances au regard des critères et exigences fixés par le règlement des études ;

- la décision du responsable du master refusant de valider le diplôme de M. F...était justifiée, en application du règlement des études, au regard de ses nombreuses absences.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...substituant Me Paloux pour l'établissement public CENTRALESUPELEC et celles de Me G...substituant Me E...pour M.F....

1. Considérant que M. F...était inscrit au titre de l'année 2013/2014 dans le master spécialisé en " Management des systèmes d'information " de l'Ecole centrale des arts et manufactures (Ecole Centrale de Paris) devenue CENTRALESUPELEC à compter du 1er janvier 2015 ; qu'après avoir soutenu sa thèse professionnelle devant un jury le 14 octobre 2014, M. F...a pris connaissance, par voie d'affichage le 22 octobre 2014, de sa note de 47/100 pour le stage et la thèse professionnelle ; que, par courrier du 7 novembre 2014, il a été informé que sa thèse professionnelle n'avait pas été validée et que le diplôme de master ne lui était pas attribué ; qu'il a présenté, le 15 décembre 2014, un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du directeur des études de l'établissement en date du 12 janvier 2015 ; que M. F...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions du 7 novembre 2014 et du 12 janvier 2015, d'enjoindre à l'établissement de lui délivrer le diplôme ou à défaut, de lui permettre de se présenter à une seconde session, et de condamner l'école à réparer le préjudice moral résultant pour lui de l'illégalité de ces décisions ; que l'établissement public CENTRALESUPELEC relève appel du jugement en date du 10 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif a, d'une part, annulé les décisions des 7 novembre 2014 et 15 janvier 2015, d'autre part, enjoint à son directeur de procéder à une nouvelle convocation du jury de thèse professionnelle et du jury d'admission du master spécialisé de " Management des systèmes d'information " au titre de l'année 2013/2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin l'a condamné à verser à M. F...la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'un vice de forme en ce qu'il est dépourvu des mentions permettant de vérifier que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et lors du délibéré, il résulte toutefois des mentions de ce jugement, selon lesquelles il a été délibéré après l'audience publique du 1er février 2017 et qui citent les noms des membres de la formation de jugement, que la composition de la juridiction lors du délibéré était identique à sa composition lors de l'audience ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de signature de la minute en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

5. Considérant que l'établissement public CENTRALESUPELEC soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen soulevé en défense, tiré de ce que la décision de refus de validation du diplôme était en toute hypothèse justifiée par l'insuffisance des notes de M. F...au titre des enseignements théoriques ; qu'il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu, aux points 7 et 8 du jugement, au moyen tiré des minorations des notes d'enseignement théorique du fait des nombreuses absences de

M.F... ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par conséquent, être écarté ;

6. Considérant, enfin, que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;

7. Considérant que, si l'établissement public CENTRALESUPELEC soutient qu'il a produit à l'appui de sa note en délibéré un tableau justifiant le bien fondé du moyen en défense tiré de ce que le diplôme de M. F...ne pouvait lui être délivré en raison de ses nombreuses absences ayant conduit à la minoration de ses notes au titre des enseignements théoriques, il n'établit pas qu'il n'aurait pas été en mesure de produire ces documents avant la clôture de l'instruction ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité à défaut d'avoir procédé à la réouverture de l'instruction, ni, par voie de conséquence, qu'il aurait méconnu son office en le condamnant à verser à

M. F...une somme qu'il ne doit pas ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5.8 du règlement des études des masters spécialisés de l'école Centrale à Paris pour l'année 2013/2014 relatif aux thèses professionnelles : " La thèse professionnelle fait l'objet d'une soutenance devant un jury souverain, composé d'au minimum de 2 personnes représentant l'école et, si possible le représentant de l'entreprise - maître de stage - où l'étudiant a effectué son stage. Cette soutenance de thèse est organisée sous la responsabilité de l'ECP et fait l'objet d'un procès-verbal. (...) Le jury, après soutenance, délibère et attribue une note de 0 à 20. " ; qu'aux termes de l'article 5.10 du même règlement relatif au jury d'attribution des diplômes : " Un jury est réuni chaque année, à l'issue des soutenances des thèses professionnelles, pour arrêter la liste définitive d'attribution des diplômes MS [masters spécialisés] de l'Ecole (...) et examiner les cas litigieux. Il est présidé par le Directeur des Etudes. (...) Ses délibérations donnent lieu à l'édition d'un Procès-Verbal signé par le Président du Jury qui arrête les notes et les résultats. (...) Le jury se prononce d'une manière souveraine. Le Directeur de l'Ecole prend sa décision au vu des propositions du jury. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jury de la thèse professionnelle de M. F...était composé de M. H...I..., directeur du master, en qualité de président, de deux autres membres, MM. B...etC..., et de l'un des deux maîtres de stage de M. F...au sein de la société Atos Consulting, M. A...; qu'il ressort tant du courrier en date du 11 décembre 2014 de M. A...que des messages électroniques de M. C...des 22 octobre et 13 décembre 2014, que la note définitivement attribuée de 47/100, soit 9,4/20, ne correspond pas à la note issue de la délibération des membres du jury de thèse ; que l'établissement requérant, qui, au demeurant, ne produit pas le procès-verbal de la délibération prévu à l'article 5.8 précité du règlement des études, soutient que différents échanges produits aux débats, postérieurs à la soutenance de thèse, démontreraient que la majorité des membres du jury avait admis que le travail réalisé par M. F...était insuffisant au regard des critères et des exigences fixés par le règlement des études ; que, toutefois, ces échanges ne permettent pas de remettre en cause les attestations des autres membres du jury et, notamment, celle de

M. A...qui mentionne qu'à " l'occasion de la délibération entre les 4 membres du jury, une note globale a été établie entre 11,5 et 12 " ; qu'enfin, si l'école fait valoir que l'évaluation donnée par le jury peut être modifiée à la fin des soutenances dans un but d'harmonisation, les dispositions précitées du règlement des études prévoient cependant que le jury, après avoir délibéré souverainement, attribue une note et ne prévoient pas que cette note peut être remise en cause par le responsable des études ; que, dans ces conditions, la note de 47/100 obtenue par M.F... a été attribuée en méconnaissance de la délibération du jury de thèse ;

10. Considérant, en second lieu, que l'établissement public CENTRALESUPELEC soutient que la décision du 7 novembre 2014 du responsable du master refusant de délivrer le diplôme de master à l'intéressé est fondée sur un second motif tiré " de nombreuses notes inférieures à 7 et/ou à 10 du fait de nombreuses absences " et que ce motif permettait à lui seul de refuser de délivrer le diplôme à M.F... ;

11. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces versées au dossier de première instance par M.F... que des étudiants, bien qu'ayant obtenu des notes inférieures à 7/20 aux enseignements théoriques en conséquence de leur minoration du fait de leurs absences, ont cependant obtenu leur diplôme ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la même décision de refus de diplôme aurait été prise à l'égard de M.F... s'il n'avait été tenu compte que de ce second motif ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'établissement public CENTRALESUPELEC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du 7 novembre 2014 et du 12 janvier 2015 et a enjoint au directeur de procéder à une nouvelle convocation du jury de thèse professionnelle et du jury d'admission du master dans un délai de deux mois ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'établissement public CENTRALESUPELEC est rejetée.

5

N° 17VE01473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01473
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Examens et concours - Jury.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Grandes écoles.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-29;17ve01473 ?
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