Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse en première instance :
La Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 64 du 5 mars 2010 par lequel le préfet du Val-d'Oise a créé sur le territoire de la commune de Cormeilles-en-Parisis un périmètre d'usage de consommation exceptionnel sur le secteur de la zone " des allées de Cormeilles, zone d'aménagement concerté des Bois Rochefort ".
Par un jugement n° 1007103 en date du 13 mai 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Première procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2013, la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du
Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise ont demandé à la Cour d'annuler le jugement n° 1007103 du 13 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a conclu au rejet de la requête.
Par un arrêt en date du 12 mai 2015, la Cour a rejeté la requête de la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la
CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et
13 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le Syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 12 mai 2015.
Par une décision n° 391717 en date du 14 décembre 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 12 mai 2015 et renvoyé l'affaire devant la Cour où elle a été enregistrée sous le n° 17VE00094.
Seconde procédure devant la Cour :
Par un mémoire enregistré le 31 mai 2017, le ministre du travail demande à la Cour, à titre principal, de rejeter la requête enregistrée le 15 juillet 2013 présentée pour la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la
CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et tendant à l'annulation du jugement n° 1007103 du 13 mai 2013 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ou, à titre subsidiaire, de différer de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir les effets d'une éventuelle annulation de l'arrêté du
5 mars 2010 du préfet du Val-d'Oise.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colrat,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli , rapporteur public,
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté attaqué :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-25-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable issue de la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3132-20, dans les unités urbaines de plus de 1 000 000 habitants, le repos hebdomadaire peut être donné, après autorisation administrative, par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l'importance de la clientèle concernée et l'éloignement de celle-ci de ce périmètre. " ; que ces dispositions, qui réaffirment le principe du repos dominical et visent à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, permettent d'accorder des dérogations à la règle du repos hebdomadaire dominical, à certaines conditions, dans des " périmètres d'usage de consommation exceptionnel " (PUCE) situés au sein des unités urbaines de plus de un million d'habitants ; que l'article L. 3132-25-2 du même code dispose que : " La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l'article
L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population. Sur demande du conseil municipal, au vu de circonstances particulières locales et : - d'usages de consommation dominicale au sens de l'article L. 3132-25-1 ; / (...) ; - le préfet délimite le périmètre d'usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines, après consultation de l'organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d'agglomération ou de la communauté urbaine, lorsqu'elles existent, sur le territoire desquelles est situé ce périmètre. /(...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, l'arrêté du
8 septembre 2009 du préfet de la région Ile-de-France a établi le périmètre de l'unité urbaine de Paris en fixant la liste des communes qui la composent ; que par un arrêté n° 64 du 5 mars 2010, le préfet du Val-d'Oise a créé sur le territoire de la commune de Cormeilles-en-Parisis un périmètre d'usage de consommation exceptionnel sur le secteur de la zone " des allées de Cormeilles, zone d'aménagement concerté des Bois de Rochefort " ; que les organisations syndicales requérantes relèvent appel du jugement en date du 13 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 3132-25-1 du code du travail éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 10 août 2009 visée au point 1 que le législateur a entendu créer un régime de dérogation au repos dominical adapté à des situations locales particulières marquées par des usages de consommation de fin de semaine ; que, pour l'application de ce régime, la délimitation d'un périmètre d'usage de consommation exceptionnel est subordonnée à la constatation d'usages, en matière de consommation dominicale, suffisamment anciens, durables et réguliers pour être constitutifs d'habitudes, quelles que soient les conditions dans lesquelles celles-ci se sont formées ;
3. Considérant que le ministre chargé du travail produit un document fondé sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé le dimanche par les trois principaux établissements de vente au détail du périmètre concerné entre juin et décembre 2008 et sur la proximité de ce périmètre avec un centre commercial connaissant une importante activité dominicale ; que, toutefois, aucune pièce du dossier ne permet d'attester le caractère durable, régulier et ancien des pratiques de consommation dominicale préexistantes ; que, par suite, les organisations requérantes sont fondées à soutenir que l'arrêté préfectoral litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 3132-25-1 précité du code du travail ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions du ministre chargé du travail tendant à ce que la Cour diffère les effets de l'annulation prononcée par le présent arrêt :
5. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas, à l'aune des seules considérations générales invoquées par le ministre chargé du travail, que l'annulation de l'arrêté litigieux soit de nature à emporter des conséquences manifestement excessives ; qu'il s'ensuit que les conclusions du ministre précité tendant à ce que la Cour diffère dans le temps les effets de l'annulation prononcée par le présent arrêt doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés ensemble par la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1007103 du 13 mai 2013 du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise et l'arrêté en date du 5 mars 2010 du préfet du Val-d'Oise sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la Fédération des employés et cadres de la CGT-Force ouvrière, à l'Union départementale des syndicats de la CGT-Force ouvrière du Val-d'Oise et au syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise pris ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE00094