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25/01/2018 | FRANCE | N°17VE00972

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 25 janvier 2018, 17VE00972


Vu la procédure suivante:

Procédure contentieuse antérieure:

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier André Mignot de Versailles à réparer les préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie dans cet établissement le 1er avril 2004. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé à ce que les indemnités qu'il avait versées à l'intéressée au titre de certains postes de préjudice soient mises à la charg

e du centre hospitalier. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gir...

Vu la procédure suivante:

Procédure contentieuse antérieure:

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier André Mignot de Versailles à réparer les préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie dans cet établissement le 1er avril 2004. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé à ce que les indemnités qu'il avait versées à l'intéressée au titre de certains postes de préjudice soient mises à la charge du centre hospitalier. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé le remboursement de ses débours.

Par un jugement n°0901637, 1007705 du 31 juillet 2013, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier André Mignot de Versailles à verser la somme de 377 422,48 euros à MmeC..., la somme de 65 000 euros à l'ONIAM et la somme de 343 758,38 euros à la CPAM de la Gironde.

Par un arrêt n° 13VE03138 du 18 novembre 2014, la Cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel du centre hospitalier André Mignot, a annulé ce jugement et rejeté l'ensemble des demandes présentées devant le tribunal administratif.

Par une décision nos 387218, 387301 du 22 mars 2017, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de MmeC..., notamment annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... dirigées contre l'ONIAM, et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par deux mémoires enregistrés le 19 mai et le 19 juillet 2017 après cassation et renvoi, Mme C...demande à la Cour :

1° de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 2 081 061,38 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et la somme de 184 193 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2006 et anatocisme ;

2° de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dommage remplit les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale prévues par le II de l'article L. 1142-1 du code de santé publique ; il est directement imputable à l'acte opératoire du 1er avril 2004 ; les conséquences de cet accident médical sont notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée par sa pathologie, en l'absence de traitement chirurgical ; ils remplissent la condition de gravité prévue à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;

- elle justifie de dépenses de santé actuelle restées à sa charge pour un montant de 40 452,73 euros, correspondant à des frais pharmaceutiques non pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, au coût de séances d'endermologie réalisées par un masseur-kinésithérapeute et au coût de séances de suivi psychologique ;

- elle justifie de frais divers correspondant à des frais de reproduction de son dossier médical pour un montant de 43,06 euros, des frais de transport et déplacement pour se rendre à des consultations de spécialistes, un abonnement d'aquagym auquel elle a dû renoncer et des frais d'honoraires d'un médecin conseil qui l'a assistée lors des premières opérations expertales ;

- les pertes de gains professionnels actuelles doivent être évaluées à la somme de 80 828,19 euros dont un montant de 21 944,75 euros à son profit ;

- les dépenses de santé futures restant à sa charge, correspondant aux frais pharmaceutiques, au suivi psychiatrique et au suivi psychologique, s'élèvent à la somme de 227 968,76 euros ;

- les frais d'adaptation de son logement correspondant à la création d'un cabinet de toilette sont justifiés pour un montant de 10 638,59 euros ;

- les frais d'assistance de tierce personne représentent un montant de 47 116 euros au titre des arrérages échus et une somme de 107 697,22 euros au titre des arrérages à échoir ;

- les pertes de gains professionnels futures doivent être évaluées à la somme de 376 513 euros dont un montant de 173 496,35 euros lui revenant ;

- l'incidence professionnelle est réelle, compte tenu de l'impossibilité d'assumer les tâches qui lui étaient dévolues et de la promotion en qualité de directeur d'agence ; la perte, en comparant ses revenus à ceux d'un directeur d'agence ou à tout le moins au poste de cadre opérationnel peut être évaluée à la somme de 1 000 000 euros ;

- les pertes de droits à la retraite peuvent être raisonnablement évaluées à 350 000 euros sauf à parfaire ;

- le préjudice moral en lien avec l'incidence professionnelle pourra être évalué à 80 000 euros ;

- les troubles dans les conditions d'existence en lien avec le déficit fonctionnel temporaire total durant six jours et partiel durant 1 356 jours pourront être évalués à la somme de 16 193 euros;

- compte tenu de l'aggravation des souffrances endurées notamment en raison du changement de ballon ACT droit et de la mise en place d'un sphincter artificiel, le pretium doloris pourra être évalué à la somme de 5 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteint évalué par l'expert à 50% pourra être indemnisé à hauteur de 130 000 euros ;

- elle justifie d'un préjudice d'agrément supplémentaire à ce qui a été indemnisé par le protocole d'accord avec l'ONIAM et demande la somme supplémentaire de 10 000 euros pour ce poste de préjudice ;

- le préjudice esthétique, évalué à 2/7 par l'expert, devra être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;

- le préjudice d'établissement sera indemnisé à hauteur de 20 000 euros dès lors que, du fait de son insuccès, l'intervention chirurgicale n'a pu lui permettre d'avoir un second enfant.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu:

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour MmeC....

1. Considérant que MmeC..., qui présentait une endométriose sévère entraînant des douleurs et une infertilité, a subi le 1er avril 2004 au centre hospitalier André Mignot de Versailles une intervention chirurgicale destinée à traiter cette affection ; qu'en raison d'une lésion du nerf pudendal survenue au cours de l'intervention, elle est demeurée atteinte d'une incontinence urinaire et sphinctérienne ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Ile-de-France ayant émis l'avis que le dommage était la conséquence d'une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des affections nosocomiales (ONIAM) a fait à la victime, en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, une offre d'indemnisation en lieu et place de l'assureur de l'établissement qui s'y était refusé ; que Mme C... a accepté cette offre pour certains postes de préjudice et a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier à réparer les autres postes ou, subsidiairement, d'en mettre la réparation à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que l'ONIAM, au titre des indemnités qu'il avait versées à la victime, et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, au titre des frais exposés par elle à la suite de l'accident, ont exercé des actions subrogatoires contre le centre hospitalier ; que, par un jugement du 31 juillet 2013, le tribunal administratif, estimant que les médecins ayant réalisé l'intervention avaient commis une faute, a condamné l'établissement hospitalier à indemniser tant Mme C...que l'ONIAM et la CPAM de la Gironde ; que, par un arrêt du 18 novembre 2014, la Cour de céans, faisant droit à l'appel du centre hospitalier, a annulé ce jugement et rejeté l'ensemble des demandes de première instance ; que, par une décision du 22 mars 2017, le Conseil d'Etat, sur pourvoi de MmeC..., a notamment annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C...dirigées contre l'ONIAM et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour ;

Sur la réparation du dommage par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige: " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire" ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 % (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports d'expertise du professeur Taurelle et du docteur Berseneff, respectivement désignés par la CRCI d'Ile-de-France et par le Tribunal administratif de Versailles, que Mme C...souffrait d'une endométriose sévère, pour laquelle elle avait subi une première intervention en 1997 afin de permettre une grossesse, laquelle est survenue spontanément en 1998 ; qu'à l'arrêt de la pilule contraceptive en 2003, des douleurs pelviennes et abdominales sont apparues ; qu'eu égard au désir d'une seconde grossesse, auquel le développement de l'endométriose faisait obstacle, Mme C...a subi le 1er avril 2004 au centre hospitalier André Mignot de Versailles une coelioscopie-laparotomie destinée à traiter cette affection ; qu'au décours du geste opératoire, qui s'est avéré difficile compte tenu de nombreuses adhérences, une hémorragie est survenue et la poursuite de l'intervention a nécessité une résection du recto-sigmoïde avec anastomose, une résection urétérale gauche et une adhésiolyse complète et une résection des deux ligaments utéro-sacrés ; que, du fait de cette opération, Mme C..., qui souffre désormais d'une incontinence urinaire et sphinctérienne totale, est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert Berseneff à 50%, soit un taux supérieur au taux prévu à l'article D. 1142-1 précité du code de la santé publique ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que les conséquences de l'acte opératoire, qui a causé la lésion du nerf pudental à l'origine de l'incontinence urinaire et sphinctérienne totale dont Mme C...est aujourd'hui atteinte, sont notablement plus graves que celles auxquelles l'intéressée était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement de l'endométriose dont elle souffre ; qu'elles remplissent ainsi l'ensemble des conditions prévues au II de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique ; que, par suite, Mme C...a droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;

Sur l'évaluation des préjudices :

5. Considérant que l'expert Berseneff a fixé la date de consolidation de l'état de Mme C... au 25 octobre 2010 ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant aux dépenses de santé :

6. Considérant, en premier lieu, que Mme C...justifie de dépenses pour l'achat de protections contre l'incontinence, de lingettes désinfectantes, de sondes, de lubrifiant et de probiotiques favorisant le transit et de tests urinaires, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie ; qu'il y a lieu d'évaluer ces dépenses restant à sa charge à la somme mensuelle de 300 euros ; qu'il y a lieu, par suite, d'allouer à Mme C...une somme de 49 800 euros au titre de ces dépenses pour la période allant du 1er avril 2004 jusqu'à la date du présent arrêt ; qu'en outre, ces dépenses de santé futures présentent un caractère certain ; qu'en retenant le coefficient de capitalisation de 29,636 prévu par la barème 2016 de la Gazette du Palais correspondant à l'âge de la victime à la date du présent arrêt, il y a lieu d'allouer à MmeC..., au titre des préjudices futurs un capital à hauteur de 106 690 euros à ce titre ;

7. Considérant, en second lieu, que si Mme C...soutient qu'elle a gardé à sa charge les frais de séances d'endermologie, de séances de psychothérapie, ces séances n'ont toutefois pas été prescrites par un médecin ; que, par suite, leur caractère justifié ne saurait être regardé comme établi ;

S'agissant des frais divers :

8. Considérant, en premier lieu, que Mme C...demande le remboursement de frais de déplacement à Aix-en-Provence pour se rendre à des consultations d'un médecin spécialisé dans les névralgies pudendales ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'en raison de ses caractéristiques, la pathologie de la requérante ne pouvait faire l'objet d'un suivi à Bordeaux et nécessitait des consultations à Aix-en-Provence ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de Mme C...sur ce point ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...n'établit pas le lien entre le renoncement à l'abonnement qu'elle a souscrit pour un accès illimité au centre de thalassothérapie d'Arcachon le 2 septembre 2004, soit postérieurement à l'accident médical, et les conséquences dommageables de cet acte qui sont apparues antérieurement ;

10. Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'allouer à Mme C...la somme de 43 euros correspondant aux frais de reproduction de son dossier médical et la somme de 800 euros correspondant aux honoraires du médecin-conseil qui l'a assistée lors des opérations d'expertise ;

S'agissant des frais d'aménagement du logement :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les conséquences dommageables de l'acte médical ont rendu nécessaire l'aménagement du logement de Mme C...et, plus particulièrement, la création d'une seconde pièce permettant un accès aux toilettes afin d'assurer les soins que son état requiert ; qu'elle produit une facture d'un montant de 960,05 euros pour la réalisation de cloisons, une facture d'un montant de 524,40 euros pour un receveur de douche et sa bonde, un pack wc et un mitigeur, une facture d'un montant de 419,25 euros pour une porte de douche et une facture d'un montant de 8.734,89 euros TTC pour des travaux divers ; qu'il y a lieu d'accorder le remboursement de ces sommes à l'exception de celles concernant à un meuble Mobalpa pour un montant 829,43 HT et à un meuble Tereva pour un montant de 708 euros HT, soit un total de 1 621, 99 euros TTC, sans lien direct avec les contraintes liées au handicap ; que le montant à allouer à ce titre atteint ainsi la somme totale de 9 017 euros ;

S'agissant de l'assistance d'une tierce personne :

12. Considérant que l'expert Berseneff a retenu la nécessité de l'aide d'une tierce personne non spécialisée pour les actes de la vie courante et les tâches ménagères à raison de quatre heures par semaine ; que, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, il sera fait une juste appréciation de la réparation due au titre des frais relatifs à l'assistance d'une tierce personne en les évaluant, sur la base d'un coût horaire de 12 euros du 1er avril 2004 au 31 décembre 2009 et de 13 euros après cette date, et en incluant les congés payés, à la somme de 39 450 euros pour la période du 1er avril 2004 à la date du présent arrêt ;

13. Considérant que les besoins en assistance d'une tierce personne pour l'avenir présentent un caractère certain ; que ces frais seront évalués, sur la base de quatre heures par semaine et d'un coût horaire de 13 euros, en incluant les congés payés, à montant annuel de 2 964 euros ; qu'en retenant le coefficient de capitalisation de 29,636 prévu par le barème 2016 de la Gazette du Palais correspondant à l'âge de la victime à la date du présent arrêt, il y a lieu d'allouer à Mme C...la somme de 87 841 euros ;

S'agissant des pertes de revenus professionnels :

14. Considérant, d'une part, que MmeC..., qui a perçu une pension d'invalidité à compter de l'année 2007, demande le remboursement des pertes de gains professionnels subis entre le 1er avril 2004 et le 25 octobre 2010 ; qu'il ressort de la déclaration de revenu de Mme C...qu'elle a perçu l'année précédant l'accident médical des salaires pour un montant de 17 819 euros ; qu'en retenant ce montant et en le comparant avec les montants perçus pour les années 2004 à 2010, période dont il est demandé la réparation, il y a lieu d'allouer la somme de 17 885 euros ;

15. Considérant, d'autre part, que le montant annuel des revenus perçus par Mme C...depuis 2017 est supérieur à celui perçu avant son intervention chirurgicale ; que Mme C...ne justifie, par suite, d'aucune perte de revenus futurs ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a été recrutée le 1er janvier 1996 en contrat à durée indéterminée par l'Agence nationale pour l'emploi ; qu'elle a été classée dans le niveau d'emplois III, emploi conseiller référent, filière conseil à l'emploi à compter du 1er janvier 2004 ; qu'elle exerçait en qualité d'animatrice d'équipe ; qu'elle a été affectée le 28 juin 2004, à Arcachon à sa demande à compter du 1er septembre 2014 ; qu'à la suite de l'intervention dommageable, elle a repris son travail à mi-temps thérapeutique ; qu'estimant qu'elle ne pouvait pas assurer les fonctions d'encadrement de son poste, elle a été affectée à un emploi de chargé de dossiers ; que ce changement d'orientation professionnelle vers un poste plus technique et l'abandon des responsabilités d'encadrement a occasionné un préjudice professionnel ; qu'en revanche, si elle produit des attestations sur ses mérites, elle n'établit toutefois pas qu'elle présentait une chance sérieuse de réussite aux épreuves pour la promotion au grade de directeur d'agence ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des préjudices résultant pour Mme C...de ne pouvoir bénéficier de l'évolution de carrière à laquelle elle aurait pu normalement prétendre et de ne pouvoir exercer dans le secteur du management, en lui allouant une indemnité d'un montant de 80 000 euros ;

17. Considérant, en second lieu, que Mme C...soutient qu'en raison de la diminution de ses revenus, ses droits à pension seront minorés ; que, toutefois, Mme C...travaille encore aujourd'hui et n'est âgée que de 49 ans ; que l'incidence de la perte de revenus sur le montant de sa pension de retraite constitue un préjudice, qui a un caractère futur et ne peut être évalué actuellement ; qu'il lui appartiendra, si elle s'y croit fondée, de saisir la personne publique compétente, et le cas échéant les juridictions compétentes, pour faire valoir sa demande d'indemnisation le moment venu ;

S'agissant du préjudice universitaire :

18. Considérant que Mme C...soutient que sa candidature avait été retenue pour un DESS pour l'année universitaire 2004/2005 et qu'elle n'a pas pu suivre cette formation ; que, si elle produit un courrier en date du 8 juillet 2004 d'admission de sa candidature pour un DESS en Information et communication des organisations à l'université de Michel de Montaigne de Bordeaux 3, elle n'établit toutefois pas qu'elle aurait renoncé à cette formation du seul fait des conséquences dommageables de l'intervention du 1er avril 2004 ; que ses conclusions tendant à l'octroi de la somme de 8 700 euros à ce titre doivent, dès lors, être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant le déficit fonctionnel temporaire :

19. Considérant que Mme C...a signé un protocole d'accord avec l'ONIAM le 14 mars 2008 couvrant ce poste de préjudice pour la période allant du 1er avril 2004 au 30 janvier 2007 ; qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Versailles que Mme C...a, à nouveau, présenté une invalidité temporaire totale imputable aux conséquences dommageables de l'acte opératoire, du 13 au 15 janvier 2009, du 1er avril au 2 avril 2010, du 7 au 14 juin 2010 et du 15 juin au 16 juin 2010 et qu'elle a en outre été en incapacité temporaire partielle du 30 janvier 2007 au 25 octobre 2010, date de consolidation ; que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'allouer à Mme C...une somme de 12 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence entre le 30 janvier 2007 et le 25 octobre 2010 ;

S'agissant des souffrances endurées :

20. Considérant que Mme C...a obtenu une somme de 10 983 euros au titre de ce poste de préjudice dans le cadre du protocole d'accord signé avec l'ONIAM le 14 mars 2008 ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a dû subir, depuis lors, de nouvelles interventions chirurgicales et des explorations médicales douloureuses ; qu'il sera fait une juste d'appréciation de l'aggravation des souffrances endurées en les évaluant à la somme de 5 000 euros ;

S'agissant du préjudice esthétique :

21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert a fixé le préjudice esthétique à 2/7 ; qu'il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice à la somme de 2 000 euros ;

S'agissant du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément :

22. Considérant, en premier lieu, que l'expert désigné par le Tribunal administratif de Versailles a indiqué que l'incapacité permanente partielle dont reste atteinte Mme C...est de 50% ; qu'il sera fait une juste appréciation, compte tenu de l'âge de Mme C...à la date de la consolidation, du préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteinte en l'indemnisant à hauteur de 130 000 euros ;

23. Considérant, en second lieu, que Mme C...a déjà été indemnisée d'un préjudice d'agrément par l'ONIAM à hauteur de la somme de 13 505 euros ; qu'elle ne justifie pas du bien fondé de sa demande tendant à une indemnisation supplémentaire de 10 000 euros à ce titre, l'existence d'un préjudice spécifique d'agrément distinct des troubles de toute nature dans les conditions d'existences réparés au titre du déficit fonctionnel permanent n'étant au demeurant pas démontrée ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de ce chef ;

S'agissant du préjudice d'établissement:

24. Considérant que Mme C...fait valoir, sans être contestée, que si le chirurgien n'avait pas lésé le système nerveux parasympathique, l'intervention aurait pu être couronnée de succès et aurait pu lui permettre d'avoir un second enfant ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'établissement en l'évaluant à la somme de 4 000 euros ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par MmeC..., pour lesquels elle n'a pas été indemnisée, doivent être évalués à la somme de 544 526 euros ;

Sur les intérêts :

26. Considérant que Mme C...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 544 526 euros à compter du 11 février 2009, date de sa demande devant le tribunal administratif ;

Sur les intérêts des intérêts :

27. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 février 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 11 février 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

28. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Versailles, liquidés et taxés par ordonnance en date du 4 janvier 2011 à un montant de 1 053,18 euros, à la charge de l'ONIAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme C...les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales versera à Mme C..., au titre de la solidarité nationale, la somme totale de 544 526 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2009. Les intérêts échus à la date du 11 février 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les frais de l'expertise médicale, taxés et liquidés à 1 053,18 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 janvier 2011 sont mis à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C...dirigées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales est rejeté.

N° 17VE00972 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00972
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-01-25;17ve00972 ?
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