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23/01/2018 | FRANCE | N°15VE03824

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 23 janvier 2018, 15VE03824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., agissant en qualité de tuteur de son frère M. B... A..., majeur protégé, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Saint-Cloud à lui verser la somme de 892 000 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis par M. B... A...à la suite de la prise en charge de ce dernier par le centre hospitalier de Saint-Cloud entre le 25 septembre 1995 et le 10 janvier 1996, assortie des intérêts au taux léga

l à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., agissant en qualité de tuteur de son frère M. B... A..., majeur protégé, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Saint-Cloud à lui verser la somme de 892 000 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis par M. B... A...à la suite de la prise en charge de ce dernier par le centre hospitalier de Saint-Cloud entre le 25 septembre 1995 et le 10 janvier 1996, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise en vue de donner tous éléments utiles relatifs à l'origine de l'état de santé actuel de M. B...A...et d'évaluer les différents chefs de préjudices résultant de sa prise en charge au sein du centre hospitalier de Saint-Cloud.

Par un jugement n° 1411491 du 15 octobre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2015 et 31 juillet 2017, M. D... A..., agissant en qualité de tuteur de son frère M. B...A..., majeur protégé, représenté par Me Wa Nsanga Allegret, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Saint-Cloud à lui verser la somme de 892 000 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis par M. B... A...à la suite de la prise en charge de ce dernier par le centre hospitalier de Saint-Cloud entre le 25 septembre 1995 et le 10 janvier 1996, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3° à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise avec mission pour l'expert de :

Sur la responsabilité médicale :

- convoquer toutes les parties ;

- entendre tous sachants ;

- se faire communiquer tous éléments médicaux relatifs à l'acte critiqué et plus généralement se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de Monsieur B...A...;

- retracer l'état médical de Monsieur B...A...avant les actes critiqués ;

- procéder à un examen clinique détaillé de Monsieur B...A...;

- décrire les soins et interventions dont Monsieur B...A...a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs et l'évolution de son état de santé ;

- réunir tous les éléments sur l'hospitalisation de Monsieur B...A...au Centre Hospitalier de Saint-Cloud entre le 23 septembre 1995 et le 10 janvier 1996 permettant de déterminer si les soins ont été consciencieux, attentifs et dispensés selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicales à l'époque des faits et en cas de manquements, en préciser la nature et le ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial de Monsieur B...A...comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

Sur les préjudices de la victime :

- à partir des déclarations du CHSC, de tous sachants et des documents médicaux fournis, relater les circonstances de l'hospitalisation Monsieur B...A...entre le 23 septembre 1995 et le 10 janvier 1996 ;

- décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en oeuvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates d'hospitalisation avec les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'état actuel de Monsieur B...A...;

- décrire au besoin l'état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions les séquelles de Monsieur B...A...;

- abstraction faite de l'état antérieur et de l'évolution naturelle de l'affection du/des traitements qu'elle rendait nécessaire, en ne s'attachant qu'aux conséquences directes et certaines des manquements relevés, analyser, à l'issue de cet examen, dans un exposé précis et synthétique : la réalité des lésions initiales; la réalité de l'état séquellaire; l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin ; l'incidence d'un état antérieur ;

- décrire les soins et les aides techniques compensatoires au handicap de Monsieur B...A..., en précisant la fréquence de leur renouvellement; indiquer leur caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité ainsi que la durée prévisible ;

- donner un avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour Monsieur B...A..., à des activités spécifiques sportives ou loisirs effectivement pratiqués antérieurement et dire s'il existe ou existera un préjudice direct, certain et définitif ;

- donner son avis sur d'éventuels aménagements induits par l'état actuel dans lequel se trouve Monsieur B...A...;

- plus généralement, donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les préjudices subis par Monsieur B...A..., qui seraient imputables aux soins reçus par lui au Centre Hospitalier de Saint-Cloud entre le 23 septembre 1995 et le 10 janvier 1996, et en particulier sur la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'éventuelle incapacité permanente partielle, le préjudice esthétique, l'importance des souffrances physiques endurées et le préjudice d'agrément, ainsi que sur l'évolution prévisible de son état ;

- relater toutes les constatations ou observations n'entrant pas dans le cadre des rubriques mentionnées ci-dessus que l'Expert jugera nécessaires pour l'exacte appréciation des préjudices subis par M A...et en tirer toutes les conclusions médicolégales ;

4° de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Cloud la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que, alors que l'entier dossier médical de M. B...A...n'a pas été communiqué, que l'expertise judiciaire n'a pas été menée de manière contradictoire et que le dossier médical peut comporter des éléments médicaux nouveaux pour déterminer les causes du handicap de son frère, c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande de nouvelle expertise ; qu'il existe un doute sérieux sur l'absence de responsabilité du centre hospitalier dans la transformation radicale de l'état de santé de M. B...A...laquelle ne peut découler de la seule évolution normale de son état pathologique préexistant, alors qu'il apparaît en revanche que la technique de resalinisation n'a pas été effectuée dans les règles de l'art.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...A..., né le 3 septembre 1953, a été hospitalisé le 23 septembre 1995 à l'hôpital de Saint-Cloud pour une cure de désintoxication alcoolique ; que son état a présenté des complications qui lui ont laissé de lourdes séquelles neuropsychologiques ; que M. D...A..., en sa qualité de tuteur de son frère M. B...A..., a obtenu du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, le 14 avril 1999, la désignation d'un expert en vue de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l'hôpital de Saint-Cloud dans les soins qui lui ont été dispensés lors de cette cure ; que l'expert judiciaire a rendu son rapport le 26 avril 2002 ; que le requérant a demandé le 27 décembre 2010 au juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la désignation d'un nouvel expert pour l'examen des mêmes faits, qui lui a été refusée par une ordonnance du 14 mars 2011 ; qu'il a alors saisi le même tribunal d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Cloud à lui verser la somme de 892 000 euros en réparation des préjudices subis par M. B...A...et, à titre subsidiaire, à la désignation d'un nouvel expert ; que par un jugement du 15 octobre 2015, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa requête ;

Sur la demande de nouvelle d'expertise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties. " ;

3. Considérant que M. D...A...sollicite la prescription d'une nouvelle expertise en faisant valoir que la première expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris n'aurait pas été menée de manière contradictoire, le médecin de recours de la famille n'ayant assisté qu'à la dernière réunion d'expertise, qu'ils n'ont pas eu communication de l'intégralité du dossier médical de M. B...A..., certaines pièces étant manquantes ainsi que l'aurait relevé le docteur Gache, médecin en charge de l'unité d'alcoologie des Hôpitaux universitaires de Genève, dans une note du 31 octobre 1999 et que la consultation de cet entier dossier médical révèlerait de nouveaux éléments sur les actes médicaux déterminants effectués lors du séjour de M. B...A...au service de réanimation de l'hôpital de Saint-Cloud ; que, si une telle demande peut être admise afin de permettre l'examen contradictoire d'éléments nouveaux relatifs à la situation médicale de l'intéressé, il appartient au requérant de justifier l'existence de ces éléments ainsi que leur utilité au regard de nouvelles opérations d'expertise ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, que l'expert a, à plusieurs reprises, sollicité la présence d'un médecin de recours pour accompagner, au cours des réunions d'expertise, les membres de la famille de M. B...A...et leur conseil et qu'il a décidé d'organiser en vain une quatrième réunion pour permettre la présence de ce médecin, puis une cinquième et dernière en exigeant la présence de ce médecin qui y a finalement participé ; qu'à cette fin, M. C..., médecin de recours de la familleA..., a pu avoir connaissance de l'entier dossier médical de M. B...A... ; qu'un nouvel examen contradictoire a eu lieu, ce qui a conduit le docteur C...a émettre plusieurs dires à l'expert, lequel y a répondu dans son rapport, sans qu'il ne ressorte de ces échanges que le docteur C...n'aurait pas été en mesure d'apprécier pleinement l'état de M. B...A...ou le contenu de son dossier médical ; que si le requérant prétend que le dossier médical de son frère n'aurait pas été complet, ainsi que l'aurait indiqué le docteur Gache dans une note du 31 octobre 1999, ou qu'il n'aurait pas contenu les analyses médicales effectuées les 5 et 6 octobre 1995 indiquant le taux de naturémie sur lesquelles l'expert se serait fondé, il ressort du même rapport d'expertise que le dossier a été complété avant la tenue, le 8 novembre 1999, de la seconde réunion d'expertise et que l'expert a pu prendre connaissance de l'intégralité du dossier d'hospitalisation de M. A... au centre hospitalier de Saint-Cloud, notamment de l'ensemble des examens de laboratoire, dont ceux effectués les 5 et 6 octobre 1995, qui lui ont été transmis par le docteur Bournerias ; qu'il ressort du même rapport d'expertise que l'expert a pu également avoir accès aux différents comptes rendus des hospitalisations de M. B...A...entre 1980 et 1995 et a répondu à l'ensemble des dires qui lui ont été adressés par le conseil de la familleA..., notamment aux interrogations qui ont pu être soulevées par le docteur Gache ; qu'il s'ensuit que M. D...A..., qui a d'ailleurs pu consulter sur place le dossier médical de son frère, sans y trouver d'autres éléments, n'apporte aucun élément nouveau dont il n'aurait pas été tenu compte au cours de la première expertise et qui serait de nature à remettre en cause les conclusions de cette expertise ; qu'il n'y a, dans ces conditions, pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise sur les conditions dans lesquelles M. B...A...a été pris en charge par le centre hospitalier de Saint-Cloud entre le 25 septembre 1995 et le 10 janvier 1996 ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Cloud :

4. Considérant que si M. A...soutient que les séquelles dont son frère reste atteint ne seraient pas la conséquence exclusive de son alcoolisme majeur comme l'auraient retenu à tort les premiers juges, mais d'une resalination trop rapide d'une hyponatrémie sévère, il résulte de l'instruction, notamment des conclusions du rapport d'expertise déposé le 26 avril 2002, rendu dans les conditions rappelées ci-dessus, que les complications dans l'état de santé de M. B... A...survenues au huitième jour de son hospitalisation, associant une crise d'épilepsie, une hyponatrémie, puis des troubles de conscience aboutissant au coma provoqués par une myélinolyse centropontine, sont la conséquence d'un alcoolisme majeur dont souffrait le patient depuis près de vingt ans et ne sont pas imputables aux soins qui lui ont été prodigués lors de son séjour au centre hospitalier de Saint-Cloud, notamment en ce qui concerne le traitement de l'hyponatrémie qui a été conforme au schéma de réanimation de l'époque ; que, dès lors, M. D... A...n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier de Saint-Cloud a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans la prise en charge médicale de son frère, M. B...A...;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. D...A...doit être rejetée y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 15VE03824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03824
Date de la décision : 23/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : WA NSANGA ALLEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-01-23;15ve03824 ?
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