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19/12/2017 | FRANCE | N°15VE03582

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 décembre 2017, 15VE03582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Denis a résilié sa convention de stage passée en vue de son accueil au sein de cet établissement en qualité de stagiaire associé.

Par un jugement n° 1401900 du 25 septembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les

27 novembre 2015, 14 décembre 2015 et 24 juillet 2017, M.A..., représenté par Me Gafsia, avocat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Denis a résilié sa convention de stage passée en vue de son accueil au sein de cet établissement en qualité de stagiaire associé.

Par un jugement n° 1401900 du 25 septembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2015, 14 décembre 2015 et 24 juillet 2017, M.A..., représenté par Me Gafsia, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 13 février 2014 du directeur du centre hospitalier de Saint-Denis ;

2° de dire que sa rémunération sera maintenue ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Denis le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le signataire de la décision litigieuse n'avait pas compétence faute de justifier d'une délégation de signature régulière ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du caractère religieux que présente le port d'une barbe, même imposante, et méconnaît les principes de laïcité et de neutralité garantis par l'article 1er de la Constitution et son préambule et la loi du

9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la liberté fondamentale du droit au travail garantie par la charte sociale européenne, l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme et le préambule de la Constitution ;

- il ne pouvait être contraint de quitter son appartement avant le 21 avril 2014 ;

- l'autre motif de la décision tiré de l'insuffisance de son niveau de français est infondé.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 et son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- l'arrêté du 16 mai 2011 relatif aux stagiaires associés mentionnés au 1° de l'article R. 6134-2 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me Gafsia pour M.A....

Une note en délibéré, présentée par M.A..., a été enregistrée le 5 décembre 2017.

1. Considérant que, par une convention du 17 octobre 2012, modifiée par un avenant du 7 juin 2013, signée entre M. A...et le centre hospitalier de Saint-Denis, complétée par une convention-cadre signée le 29 mars 2013 entre le centre hospitalier et le National Liver Institute de l'université égyptienne de Menoufiya, il a été prévu que M. A...serait accueilli en qualité de stagiaire associé au sein du service de chirurgie générale, viscérale et digestive, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article R. 6134-2 du code de la santé publique, durant la période du 4 novembre 2013 au 2 novembre 2014 ; que, par une décision du 13 février 2014, le centre hospitalier a résilié la convention du 17 octobre 2012 et mis fin au stage de M. A...et l'a informé qu'il était également, par voie de conséquence, mis fin à la convention liant le centre hospitalier au National Liver Institute ; que M. A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cette décision ; que, par un jugement du 25 septembre 2015 dont M. A...relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens déjà invoqués en première instance et repris en appel tirés de l'incompétence du signataire de la mesure de résiliation en litige et de ce que M. A...ne pouvait être contraint de quitter avant le 21 avril 2014 le logement qui lui avait été attribué ;

3. Considérant que si l'article 6 de la convention de stage conclue le 17 octobre 2012 entre M. A...et le centre hospitalier de Saint-Denis prévoit que M. A...est soumis, pendant la durée de son stage, au régime disciplinaire prévu aux articles R. 6153-29 à R. 6153-40 du code de la santé publique, c'est toutefois, en cas de décision mettant fin au stage ou de mesures de suspension, à l'exclusion de la règle de saisine du conseil de discipline, dès lors que ce même article prévoit que de telles mesures sont prises par le directeur de l'établissement de santé dont relève le stagiaire associé, après avis du praticien responsable du suivi du stage ;

4. Considérant que la circonstance que la décision en litige ait fait mention, dans un rappel chronologique des faits, qu'il avait été demandé, en application de l'article R. 6153-31 du code de la santé publique, à l'agence régionale de santé de réunir le conseil de discipline mais que cette dernière ayant indiqué que cet article n'étant pas applicable, il appartenait au seul centre hospitalier de régler la situation est sans incidence sur la légalité de la meure en litige, dès lors, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le conseil de discipline n'avait pas à être saisi ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le praticien responsable du suivi du stage de M. A...a donné son avis, le 5 novembre 2013, sur la mesure envisagée à l'encontre de l'intéressé en précisant que " devant les perturbations suscitées par cette situation au sein de son service et de l'établissement hospitalier en général il se range à la position de l'administration " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet avis n'aurait pas été recueilli doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble de ceux-ci ; que si tout agent public bénéficie de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ; que, dès lors, il appartient à l'autorité administrative compétente de faire cesser toute atteinte constituée par la manifestation par un agent public de ses croyances religieuses dans l'exercice de ses fonctions, résultant notamment du port d'un signe destiné à marquer son appartenance à une religion ;

7. Considérant qu'après s'être présenté au centre hospitalier de Saint-Denis pour y accomplir son stage avec le visage couvert d'une barbe particulièrement imposante,

M. A...a été convoqué par la direction de cet hôpital à un premier entretien le

2 octobre 2013, au cours duquel il lui a été demandé de tailler sa barbe afin qu'elle ne puisse pas être perçue par les agents et les usagers du service public comme la manifestation ostentatoire d'une appartenance religieuse incompatible avec les principes de laïcité et de neutralité du service public ; que cette demande lui a été réitérée les 10 et 14 octobre 2013, sans que

M. A...n'y réserve une suite favorable ; que le directeur du centre hospitalier, estimant que ce dernier ne se conformait pas aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, ainsi qu'il y était tenu en vertu de l'article 3 de sa convention de stage, a alors procédé à la résiliation de celle-ci ;

8. Considérant que le port d'une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d'appartenance religieuse en dehors d'éléments justifiant qu'il représente effectivement, dans les circonstances propres à l'espèce, la manifestation d'une revendication ou d'une appartenance religieuse ; qu'en l'espèce, la direction du centre hospitalier, après avoir indiqué à M. A...que sa barbe, très imposante, était perçue par les membres du personnel comme un signe d'appartenance religieuse et que l'environnement multiculturel de l'établissement rendait l'application des principes de neutralité et de laïcité du service public d'autant plus importante, lui a demandé de tailler sa barbe afin qu'elle ne soit plus de nature à manifester, de façon ostentatoire, une appartenance religieuse ; que les demandes formulées par le centre hospitalier auprès de M. A...étaient justifiées par la nécessité d'assurer, par l'ensemble du personnel, le respect de leurs obligations en matière de neutralité religieuse ; qu'en réponse à ces demandes, M. A...s'est borné à invoquer le respect de sa vie privée sans pour autant nier que son apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public, alors même que le port de sa barbe ne s'est accompagné d'aucun acte de prosélytisme ni d'observations des usagers du service ; qu'un tel manquement était de nature à justifier une mesure disciplinaire ; que, par suite, la sanction de résiliation de la convention qui lui a été infligée n'était pas disproportionnée mais légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son encontre ;

9. Considérant que si le centre hospitalier de Saint-Denis ne pouvait légalement procéder à la résiliation de la convention en se fondant sur l'insuffisante maîtrise de la langue française par l'intéressé, alors que celui-ci est titulaire d'un diplôme d'études en langue française 2 et qu'il lui a seulement été reproché un niveau de français " paraissant " insuffisant , il résulte de ce qui précède qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de la nécessité d'assurer le respect de la neutralité du service public ;

10. Considérant que la sanction prononcée à l'encontre de M. A...a été prise au regard des nécessités du service public et résulte du refus de l'intéressé de respecter le principe de neutralité de ce service qui l'accueillait en stage ; que, dès lors, elle ne présente pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A...à mener une vie privée normale ni ne méconnaît, en tout état de cause, la liberté fondamentale du droit au travail garantie par la charte sociale européenne, l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme et le préambule de la Constitution ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de résiliation de sa convention du 13 février 2014 ni, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que sa requête doit, dès lors, être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction de maintien de sa rémunération et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 1 000 euros au centre hospitalier de Saint-Denis au titre des frais qu'il a exposés non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier de Saint-Denis une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15VE03582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03582
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative - Neutralité du service public.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : GOUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-12-19;15ve03582 ?
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