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14/12/2017 | FRANCE | N°17VE00991

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 14 décembre 2017, 17VE00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de s

jour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...C...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeB..., de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1610932 du 23 février 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 13 mai 2016, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée Mme C...A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que dès lors que l'autorité judiciaire responsable de la délivrance du certificat de nationalité, seul document permettant d'établir, en cas de doute, la nationalité française d'un individu, a refusé la délivrance d'un tel document à l'enfant de Mme C...A..., il ne lui appartenait pas, sauf à méconnaître l'étendue de sa compétence, de considérer ce dernier comme étant de nationalité française et de délivrer à l'intéressée un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C...A..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 3 juin 1976, entrée en France, selon ses déclarations, le 7 septembre 2008 et qui s'est vue délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français, valable du 9 décembre 2014 au 8 décembre 2015, a sollicité, le 13 octobre 2015, le renouvellement de son titre de séjour ; que, par un arrêté du 13 mai 2016, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a rejeté cette demande, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté à la demande de Mme C...A... ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...). " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le greffier en chef du tribunal d'instance a seul qualité pour délivrer un certificat de nationalité française à toute personne justifiant qu'elle a cette nationalité. " ; qu'aux termes de l'article 31-2 du même code : " Le certificat de nationalité indique, en se référant aux chapitres II, III, IV et VII du présent titre, la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé a la qualité de Français, ainsi que les documents qui ont permis de l'établir. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire. / Pour l'établissement d'un certificat de nationalité, le greffier en chef du tribunal d'instance pourra présumer, à défaut d'autres éléments, que les actes d'état civil dressés à l'étranger et qui sont produits devant lui emportent les effets que la loi française y aurait attachés. " ; qu'aux termes de l'article 31-3 du même code : " Lorsque le greffier en chef du tribunal d'instance refuse de délivrer un certificat de nationalité, l'intéressé peut saisir le ministre de la justice, qui décide s'il y a lieu de procéder à cette délivrance. " ;

4. Considérant, enfin, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

5. Considérant que, pour rejeter, par l'arrêté du 13 mai 2016 en litige, la demande de Mme C...A...tendant au renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE s'est fondé sur le motif retenu par le greffier en chef du Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne pour refuser, par un procès-verbal du 17 février 2014, la délivrance d'un certificat de nationalité française à la fille de l'intéressée, née le 15 novembre 2013, et tiré d'une " suspicion de reconnaissance mensongère de l'enfant ", le ressortissant français, qui a reconnu cet enfant, ayant également reconnu quatre autres enfants de quatre mères différentes au cours des cinq dernières années ; que, pour annuler, par le jugement attaqué, cet arrêté, le tribunal administratif a estimé qu'en se bornant à se fonder sur la suspicion de fraude retenue par le greffier en chef du Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, l'autorité préfectorale n'établissait pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme C... A...et avait, par suite, commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'en appel, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, qui ne conteste pas l'appréciation portée ainsi par les premiers juges sur le motif qu'il a initialement retenu, doit être regardé comme invoquant, pour établir que l'arrêté en litige était légal, un autre motif, tiré de ce que, le greffier en chef du Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne ayant refusé de délivrer à l'enfant de Mme C...A...un certificat de nationalité française, ce dernier ne pouvait être considéré comme étant de nationalité française ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme C...A..., il résulte des dispositions précitées des articles 31 et 31-3 du code civil que le greffier en chef du tribunal d'instance est compétent pour délivrer ou refuser de délivrer un certificat de nationalité française à toute personne justifiant ou non qu'elle a cette nationalité ; qu'en outre, l'autorité préfectorale pouvait légalement se fonder sur le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposé, le 17 février 2014, par le greffier en chef du Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne à l'enfant de Mme C...A...et estimer, en conséquence, que ce dernier ne pouvait être regardé comme étant de nationalité française pour refuser, sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de renouveler son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ;

8. Considérant, cependant, que Mme C...A...soutient que sa fille est de nationalité française et doit être regardée comme contestant le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposé, le 17 février 2014, à sa fille ; qu'à ce titre, elle fait valoir que cet enfant est issu d'une relation qu'elle a entretenue avec un ressortissant français qui l'a reconnu, de manière anticipée, le 19 septembre 2013, et après sa naissance, le 18 novembre 2013, qu'elle a vécu un temps avec cette personne à Gagny, que celle-ci contribue à l'entretien et à l'éducation de leur enfant et qu'en conséquence, aucune " suspicion de reconnaissance mensongère de l'enfant " ne peut être retenue en l'espèce ; qu'à l'appui de ses assertions, Mme C...A...produit plusieurs attestations et documents susceptibles d'en établir la véracité ; que, dans ces conditions, la question de la nationalité de la fille de Mme C...A..., Mlle D...E...née le 15 novembre 2013 à Montfermeil, dont dépend la solution du présent litige, soulève une difficulté sérieuse ; que la solution du présent litige dépend de la réponse qui sera donnée à cette question, qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher en application des dispositions précitées de l'article 29 du code civil ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur le point de savoir si la fille de Mme C...A..., Mlle D...E...née le 15 novembre 2013 à Montfermeil, est de nationalité française.

Article 2 : Mme C...A...devra justifier auprès de la Cour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de sa diligence à saisir la juridiction compétente de la question dont il s'agit.

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N° 17VE00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00991
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Problèmes de compétence juridictionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL BEHANZIN-OUDY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-12-14;17ve00991 ?
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