Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE (CEPA) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2010 à 2013 à raison des rémunérations versées aux membres de son directoire, pour un montant total de 352 039 euros.
Par un jugement n° 1601203 du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février et 20 juillet 2017, la SA CEPA, représentée par Me Garcia, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution sollicitée ;
3° de mettre les dépens à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SA CEPA soutient que :
- conformément aux dispositions de l'article 231 du code général des impôts, dans leurs rédactions applicables aux années en litige, seules sont soumises à la taxe sur les salaires les rémunérations versées aux salariés ; par suite, les rémunérations versées aux mandataires sociaux, qui n'ont pas cette qualité, sont exclues de l'assiette de cette taxe, sauf en ce qui concerne les mandataires visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;
- il ressort de la décision n° 388989 rendue le 21 janvier 2016 par le Conseil d'État, que seules les rémunérations des dirigeants visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale entrent dans l'assiette de la taxe sur les salaires ; par suite, dès lors que les membres de son directoire ne sont pas visés par cet article, et, en particulier, ne relèvent pas du 30°, leurs rémunérations ne peuvent être soumises à ladite taxe ; en outre, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen soulevé devant lui ;
- le raisonnement défendu par le ministre conduit, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution, à substituer aux dispositions législatives elles-mêmes une interprétation hasardeuse des intentions du législateur ;
- la référence à la législation et à la jurisprudence en matière sociale est sans portée s'agissant de la définition de l'assiette de la taxe sur les salaires.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Skrzyerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE (CEPA) relève appel du jugement du 29 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2010 à 2013 à raison des rémunérations versées aux président et membres de son directoire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, devant le Tribunal administratif de Montreuil, la SA CEPA avait fait valoir que ne pouvaient être prises en compte dans la base de la taxe sur les salaires les rémunérations des membres du directoire, au motif que ces derniers n'étaient pas au nombre des personnes visés à l'article L. 313-3 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article L.136-2 du même code, permettant de définir l'assiette de la taxe ; que le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA CEPA devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2010 à 2012 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) " ; qu'aux termes de ce même article, dans sa rédaction applicable à l'année 2013 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article (...) " ; que l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose : " I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en présence d'une disposition législative obscure, ambigüe ou insuffisamment précise, il appartient au juge, auquel incombe le règlement du litige dont il est saisi, de l'interpréter, au besoin en recourant aux travaux préparatoires à l'adoption de la loi dont elle est issue ; que contrairement à ce que soutient la requérante, en exerçant ainsi son office, lequel, faute d'un texte clair, le conduit à se référer à l'intention du législateur, le juge ne méconnaît pas, en matière fiscale, l'article 34 de la Constitution qui réserve à ce dernier notamment le soin de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;
6. Considérant, en l'espèce, qu'alors que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts n'excluent pas expressément les rémunérations des dirigeants de sociétés de l'assiette de la taxe sur les salaires, elles recèlent, notamment en raison de leurs rédactions successives, une obscurité sur ce point justifiant qu'il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires des lois dont elles sont issues ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 et de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont sont respectivement issues les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale puis sur celle de la contribution sociale généralisée, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des personnes explicitement visées par les dispositions combinées des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale et celles qui, telles les membres du directoire, sont assimilées à ces personnes, alors même que ces dernières n'auraient pas la qualité de salarié au sens du code du travail ;
8. Considérant, par suite, d'une part, que la SA CEPA ne peut utilement faire valoir que les rémunérations versées à ses mandataires sociaux échapperaient à la taxe sur les salaires au motif que les intéressés n'auraient pas la qualité de salarié;
9. Considérant, d'autre part, qu'alors que l'article L. 311-3 ne mentionne pas de façon limitative les personnes auxquelles s'impose l'obligation d'affiliation aux assurances sociales du régime général prévue à l'article L. 311-2 du même code, le moyen tiré par la SA CEPA de ce que les rémunérations versées aux président et membres de son directoire devraient être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires faute, pour ces fonctions, d'être expressément visées par cet article, et, en particulier, de relever de son 30°, ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA CEPA n'est pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601203 du 29 décembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
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N° 17VE00589