Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA EIFFAGE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2011 à 2013 à raison des rémunérations versées à ses dirigeants non salariés, pour un montant total de 890 614 euros, incluant des intérêts moratoires à hauteur de 76 950 euros.
Par un jugement n° 1508072 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février et 11 juillet 2017, la SA EIFFAGE, représentée par Me Desmoriaux, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution des impositions contestées au titre desdites années ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SA EIFFAGE soutient que :
- en se fondant sur les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption des dispositions législatives applicables pour apprécier si les rémunérations des mandataires sociaux devaient supporter la taxe sur les salaires, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;
- en outre, il n'est pas possible de se référer auxdits travaux dès lors que le texte de l'article 231 du code général des impôts est clair ;
- il ressort des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, applicables à l'ensemble de la période en litige, que seules sont soumises à la taxe sur les salaires les rémunérations versées aux salariés ; par suite, et dès lors qu'elle ne peut être regardée comme l'employeur des mandataires sociaux au sens du droit du travail, les rémunérations versées à ces derniers échappent au champ d'application de la taxe, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'assiette de cette dernière soit alignée sur celles du régime général des cotisations sociales ou de la contribution sociale généralisée ;
- la référence à l'article L. 311-3 du code la sécurité sociale, qui ne vise pas tous les mandataires sociaux, entraîne une rupture d'égalité devant la loi contraire à la Constitution ;
- elle est fondée à opposer à l'administration les énonciations de sa doctrine contenue, en particulier, des instructions 5 L141 du 1er juin 1995 § 2, 5 L-5-02 du 12 septembre 2202 § 13, et BPO-TPS-TS-20-10 du 12 septembre 2012, 22 janvier 2014 et 2 mars 2016.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SA EIFFAGE relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2011 à 2013 à raison des rémunérations versées aux personnes ayant exercé les fonctions de président de son conseil d'administration et de directeur général ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la SA EIFFAGE soutient qu'en s'appuyant sur les travaux parlementaires pour apprécier la portée des dispositions applicables au litige, le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire ; que, toutefois, outre que, ce faisant, les premiers juges se sont bornés borné à exercer leur office, il ressort du dossier que cette approche avait été proposée de manière particulièrement argumentée par l'administration dans son mémoire en défense du 22 février 2016, de sorte que la requérante a été mise à même d'en débattre avant la clôture de l'instruction, fixée au 20 novembre 2016 ; que, par suite, le moyen analysé ci-dessus manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2011 et 2012 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) " ; qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction applicable à l'année 2013 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article (...) " ; que l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose : " I.- La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) " ;
4. Considérant qu'en présence d'une disposition législative obscure, ambigüe ou insuffisante, il appartient au juge, auquel incombe le règlement du litige dont il est saisi, de l'interpréter, au besoin en recourant aux travaux préparatoires à l'adoption de la loi dont elle est issue ;
5. Considérant, en l'espèce, qu'alors que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts n'excluent pas expressément les rémunérations des dirigeants de sociétés de l'assiette de la taxe sur les salaires, elles recèlent, notamment en raison de leurs rédactions successives, une obscurité sur ce point justifiant qu'il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires des lois dont elles sont issues ;
6. Considérant qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 et de l'article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont sont respectivement issues ces dispositions, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale puis sur celle de la contribution sociale généralisée, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des personnes explicitement visées par les dispositions combinées des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale, au nombre desquels figurent les dirigeants de sociétés mentionnés au 12° et au 23° de l'article L. 313-3, et celles qui sont assimilées à ces personnes, alors même qu'elles n'auraient pas la qualité de salarié ; que l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale mentionne notamment, à son 12°, les présidents du conseil d'administration et directeurs généraux des sociétés anonymes ; que, par suite, le moyen de la SA EIFFAGE tiré de ce que les rémunérations de son président et de son directeur général devraient être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, ou même de son champ d'application, dès lors que ces dirigeants n'ont pas la qualité de salarié au sens du code du travail ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, hors le cas où il est saisi, par mémoire distinct, d'une question prioritaire de constitutionnalité, il n'appartient pas au juge administratif d'examiner la conformité d'une disposition législative à la Constitution ; que, par suite, est inopérant, en tout état de cause, le moyen tiré de ce qu'au motif qu'elles instaurerait une différence de traitement injustifiée entre les mandataires sociaux selon qu'ils seraient ou non visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, les dispositions relatives à la taxe sur les salaires méconnaitraient le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...). " ;
9. Considérant que la SA EIFFAGE n'est pas fondée à se prévaloir, en vertu de ces dispositions, des instructions qu'elle invoque, dès lors qu'elle ne conteste pas un rehaussement d'imposition et que, par ailleurs, elle a acquitté spontanément les impositions dont elle demande la restitution sans faire application de l'interprétation de la loi fiscale qui, selon elle, serait issue de cette instruction et favorable à sa thèse ; qu'au demeurant, ladite instruction, dont la requérante ne saurait faire une lecture a contrario, ne comporte aucune interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA EIFFAGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA EIFFAGE est rejetée.
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N° 17VE00455