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23/11/2017 | FRANCE | N°16VE00363

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 novembre 2017, 16VE00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 avril 2012 par laquelle le directeur de la direction opérationnelle territoriale du courrier du Val-d'Oise lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours, majorée d'une semaine par révocation du sursis dont avait été assortie une précédente sanction d'exclusion du 30 juillet 2007 au 5 août 2007.

Par un jugement n° 1204715 du 15 décembre 2015, le

Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé la décision du 6 avril 2012.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 avril 2012 par laquelle le directeur de la direction opérationnelle territoriale du courrier du Val-d'Oise lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours, majorée d'une semaine par révocation du sursis dont avait été assortie une précédente sanction d'exclusion du 30 juillet 2007 au 5 août 2007.

Par un jugement n° 1204715 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé la décision du 6 avril 2012.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2016, La Poste, représentée par Me Marchais, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a accueilli le moyen tiré d'un vice de procédure sans vérifier l'application de la jurisprudence Danthony, alors que ce vice n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie, le conseil de discipline n'ayant, en l'absence de la majorité requise, pas décidé d'une sanction ;

- le rapport de saisine du conseil de discipline a été signé par une autorité compétente ;

- les manquements professionnels sont établis sans que La Poste, eu égard à la charge et aux méthodes de travail de l'intéressé, puisse être mise en cause.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- et les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., fonctionnaire titulaire à La Poste depuis le

15 septembre 1994, est affecté en qualité de facteur au sein de l'établissement courrier PDC1 de Cergy ; que La Poste relève régulièrement appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur la demande de M.B..., annulé la décision du 6 avril 2012 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de quinze jours, majorée d'une semaine par révocation du sursis dont avait été assortie une précédente sanction d'exclusion du

30 juillet 2007 au 5 août 2007, soit une sanction effective de trois semaines ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...).Deuxième groupe (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, applicable aux fonctionnaires de La Poste : " L'organisme siégeant en conseil de discipline (...) est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...). " ; que le directeur opérationnel territorial courrier du Val-d'Oise n'a, par une décision du 16 novembre 2011, délégué au directeur d'établissement courrier de Cergy, que le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires du premier groupe ; qu'en l'espèce, il est constant que le directeur opérationnel territorial courrier (DOTC) du Val-d'Oise était donc seul compétent pour engager la procédure disciplinaire portant sanction du deuxième groupe ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a été saisi par un " rapport soumis à l'examen du conseil local de discipline " émanant de la direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) du Val-d'Oise, mentionnant les appréciations 2007 à 2011 de l'intéressé, précisant les antécédents disciplinaires et, au titre de l'exposé sommaire des faits, relatant les faits selon lesquels " depuis le début de l'année 2011, M. B...rentre très régulièrement avec du courrier non distribué ainsi que des recommandés qu'il fait constater par son encadrant à son retour de tournée. Malgré des sanctions de premier niveau, M. B... continue à rapporter du courrier à l'issue de sa tournée " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, qu'à ce rapport de saisine étaient joints, notamment, le rapport du directeur de l'établissement de Cergy du 22 décembre 2011 précisant les faits reprochés et la convocation en date du 10 février 2012, adressée à l'intéressé par le DOTC du Val-d'Oise, en vue de la commission administrative paritaire du 27 février 2012 ;

4. Considérant que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

5. Considérant que si le rapport de saisine cité au point 3 ne comporte aucune signature ni date, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qui est soutenu par M.B..., que le directeur de l'établissement de Cergy, dont, au demeurant, le rapport du 22 décembre 2011 annexé au rapport de saisine se borne à décrire pour la DOTC les faits reprochés, aurait saisi lui-même et incompétemment le conseil de discipline ; que, dans les circonstances de l'espèce, la saisine du conseil de discipline par un rapport du DOTC non signé et non daté, ne peut être regardée comme ayant privé M. B... d'une garantie ni comme ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise, dès lors qu'il ressort des mentions du procès-verbal du conseil précité et des autres pièces du dossier que M. B... a été mis en mesure de se défendre sur l'ensemble des griefs formulés à son encontre ; que, par suite,

La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour ce motif d'irrégularité de la procédure, la sanction du 6 avril 2012 ;

6. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

7. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient

M.B..., la décision attaquée fait état du comportement sanctionné ainsi que de la procédure disciplinaire ; qu'elle vise notamment l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et les articles 66 et 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique de l'Etat ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la sanction litigieuse doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des " demandes d'explication " des chefs d'équipe de M. B...produites par l'intéressé, qu'à neuf reprises entre le 22 novembre 2011 et le 4 février 2012, l'intéressé s'est abstenu de distribuer une à neuf liasses de courrier et les a rapportées au bureau de distribution ; que ces faits, qui sont postérieurs aux précédentes sanctions d'avertissement et de blâme prononcés successivement les 18 octobre et 3 novembre 2011, n'ont précédemment fait l'objet d'aucune sanction avant celle du 6 avril 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que La Poste ne pouvait, en vertu du principe " non bis in idem ", le sanctionner à nouveau pour les mêmes faits, en lui infligeant la décision du 6 avril 2012 prononçant son exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de quinze jours manque en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

10. Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier, que, si, pour préparer et distribuer la totalité du courrier d'une journée, un facteur travaille au-delà de ses heures de service, il doit inscrire son heure de rentrée sur une feuille de présence et formuler une " requête écrite pour le dépassement " de sa durée journalière de travail, afin que le directeur de l'établissement contrôle si le dépassement est justifié au regard d'un barème tenant compte du trafic réel constaté du courrier au niveau de l'établissement ; qu'en cas de dépassement ainsi justifié, les heures supplémentaires effectuées sont alors rémunérées en totalité ou en proportion du trafic constaté ; qu'il apparaît que M.B..., qui exerce en alternance une semaine sur deux des fonctions de facteur et de représentant syndical, a, à neuf reprises entre le

22 novembre 2011 et le 4 février 2012, fait constater à ses supérieurs qu'il n'avait pas été en mesure de distribuer une à neuf liasses de courrier dans le temps de service qui lui est imparti de 7h30 à 13h14 du lundi au samedi ; que M. B...ne conteste pas qu'il ne se soumet pas à l'organisation précitée de ses obligations de service visant, éventuellement en effectuant des heures supplémentaires susceptibles d'être rémunérées, à distribuer lors de chaque tournée quotidienne la totalité du courrier ; qu'il soutient cependant que les faits consistant à rapporter des liasses de courrier non distribuées ne sont pas fautifs dans la mesure où ils ne sont pas volontaires, la surcharge de travail étant à leur origine, que La Poste aurait recours au travail dissimulé en ne contrôlant pas suffisamment les horaires collectifs de travail au sein du service distribution et en ne rémunérant pas les heures supplémentaires, que son employeur était informé, depuis le 5 janvier 2011, que sa tournée devait être révisée à la baisse au regard du temps de travail supplémentaire qu'il supportait, sans avoir obtenu le paiement des heures supplémentaires, depuis 2008, année d'une mise en oeuvre d'une réorganisation ; qu'à cet égard, il produit les témoignages des collègues qui le remplacent pendant sa décharge syndicale, un courrier du 17 juin 2011 de l'inspectrice du travail adressé au syndicat Sud dont il est le représentant, mentionnant le constat fait le 12 mai 2011 d'écarts avec la réglementation applicable et se prévaut de la circonstance que La Poste met en jeu sa santé en lui demandant de ne pas descendre de son vélo pour distribuer le courrier dans les batteries de boîtes à lettres ;

11. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, que M. B... ne se conforme volontairement pas au système de paiement des heures supplémentaires dont il n'établit pas qu'il serait illicite et a décidé de marquer son désaccord en rapportant systématiquement au bureau les liasses de courrier non distribuées dans le cadre horaire imparti ; que s'il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages succincts de trois collègues facteurs dont deux de la même tournée, que la charge de travail de l'intéressé est importante, ce dernier ne conteste pas utilement le constat de l'agent accompagnant sa tournée le

17 février 2011, à la demande de l'employeur, montrant qu'il démarre tardivement sa tournée sans motif imputable à La Poste et que le traitement des rebuts et des réexpéditions avant le départ en tournée permettrait un gain de temps ; qu'enfin M. B... ne conteste pas davantage avoir refusé tout entretien personnalisé sur les réorganisations en cours pour les facteurs ; qu'ainsi, en estimant, d'une part, que les faits reprochés au requérant constituaient une faute de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés ; que, d'autre part, eu égard à la répétition, postérieurement à un avertissement et un blâme, de ces faits, dont M. B... n'établit pas qu'ils sont imputables à son employeur, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant une mesure de sanction du deuxième groupe d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de quinze jours, majorée d'une semaine par révocation du sursis dont avait été assortie une précédente sanction d'exclusion ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 6 avril 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros, à verser à La Poste, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1204715 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du

15 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

Article 3 : M. B...versera à La Poste une somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 16VE00363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00363
Date de la décision : 23/11/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : SELARL HERMEXIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-23;16ve00363 ?
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