La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°15VE01812

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 octobre 2017, 15VE01812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ECLAT NET SERVICES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de deux étrangers dans leurs pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ECLAT NET SERVICES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de deux étrangers dans leurs pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 350 euros et 5 106 euros et d'annuler les deux titres de perception n° 00900107546171220140002467 et 00900107546171120140002468 émis le 26 mars 2014 en vue du recouvrement des contributions spéciales et forfaitaires mises à sa charge par la décision du 6 mars 2014.

Par un jugement n° 1403557 du 23 février 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2015, l'EURL ECLAT NET SERVICES, prise en la personne de son gérant, représentée par MeF..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 6 mars 2014, susmentionnée ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces deux contributions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 6 mars 2014, en tant qu'elle porte sur la contribution spéciale, faisant suite à un contrôle effectué en date du 4 juillet 2012, est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne vise pas, ni n'applique, la rédaction applicable à l'espèce de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa version modifiée issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 ; elle est insuffisamment motivée en fait dès lors qu'elle n'explique pas la raison pour laquelle c'est le taux de 5 000 fois le taux horaire minimum qui a été appliqué au lieu du taux de 2 000 fois, lequel devait être utilisé eu égard à l'unique infraction constatée lors du contrôle ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, puisque, une seule infraction ayant été constatée, le montant de la contribution spéciale devait être de 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti, et non de 5 000 fois ;

- les deux titres de perception n° 00900107546171220140002467 et 00900107546171120140002468 émis le 26 mars 2014 aux fins de recouvrement des amendes litigieuses, ne comportent pas l'ensemble des mentions exigées par l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; ils ne sont pas signés ;

- aucune lettre de rappel ne lui ayant été adressée, ces titres ont été émis de façon irrégulière ;

- ils sont insuffisamment motivés dès lors qu'ils renvoient à la motivation elle-même insuffisante de la décision litigieuse en date du 6 mars 2014 ;

- ils sont entachés d'un défaut de base légale dès lors qu'ils se fondent sur la décision du 6 mars 2014 qui est elle-même illégale.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- la décision n° 2016-621 QPC du 30 mars 2017 relative à la constitutionnalité de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL ECLAT NET SERVICES relève appel du jugement rendu le 23 février 2015 par le Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande d'annulation de la décision du 6 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de deux étrangers dans leurs pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 52 350 euros et 5 106 euros ainsi que sa demande d'annulation des deux titres de perception n° 00900107546171220140002467 et 00900107546171120140002468 émis le 26 mars 2014 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision litigieuse du directeur général de l'OFII se réfère expressément aux textes applicables et au procès-verbal établi à la suite du contrôle du 4 juillet 2012 au cours duquel ont été relevées des infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, consistant en l'emploi par la SARL ECLAT NET SERVICES de trois travailleurs étrangers démunis de titre autorisant le travail et/ou de titre autorisant le séjour ; que la décision précise également les sommes dues par la société requérante au titre de la contribution spéciale sur la base du montant précisé à l'article R. 8253-2 du code du travail et au titre de la contribution forfaitaire pour frais de réacheminement conformément au barème fixés par arrêtés du 5 décembre 2006 pour l'emploi de deux travailleurs et, en annexe, les noms des personnes à l'origine de l'application de ces sanctions ; que la décision est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait, au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, dont le respect s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus ;

Sur le quantum de la contribution spéciale due au titre de l'article L. 8253-1 du code du travail :

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicables au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] " ; que selon l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ". ;

4. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ; que, par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le procès verbal du 4 juillet 2012 versé aux débats par le directeur général de l'OFII, mentionne, outre l'emploi d'étrangers sans titre, l'infraction de travail dissimulé, et que le paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus aux salariés étrangers n'est pas établi, tant pour M. C...E..., que pour M. A... E...et pour M. B...D...; qu'il suit de là que le directeur général de l'OFII a fixé le montant de la contribution à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre des infractions relevées pour chacune de ces trois personnes, sans entacher sa décision d'erreur de droit ;

6. Considérant, enfin, que les moyens relatifs à la légalité des titres de perception émis postérieurement à la décision litigieuse, qui ne viennent au soutien d'aucune des conclusions présentées dans le cadre de la présente requête, sont inopérants et doivent être écartés ; qu'en outre la société requérante ne critique pas la fin de non recevoir qui lui a été opposée par les premiers juges.

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ECLAT NET SERVICES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SARL ECLAT NET SERVICES, partie perdante, doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'OFII tendant à l'application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ECLAT NET SERVICES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'OFII tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

5

N° 15VE01812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01812
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : AARPI DERROUICHE BLANCHOT MAC LIER SIMONY DBMS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-10-03;15ve01812 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award