Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la CRAMIF.
1. Considérant que Mme A...a souffert à partir de 1979 d'un psoriasis puis à partir de 2001 d'un rhumatisme inflammatoire ; que début avril 2002, elle a présenté une fatigue importante, avec une poussée de psoriasis sur tout le corps, ainsi qu'un jaunissement de sa peau et du blanc de ses yeux ; que, que son médecin traitant l'a orientée vers un hépatologue qui l'a envoyée à son tour d'urgence à l'hôpital Beaujon de l'AP-HP ; qu'à l'hôpital Beaujon, une hépatite auto-immune et une tumeur bégnine du foie ont été diagnostiquées ; que le professeur Vallat du service d'hépatologie lui a conseillé de continuer la corticothérapie qu'elle poursuivait déjà en raison de ses douleurs rhumatismales, et lui a également prescrit un traitement immunosuppresseur ; que, fin août 2002, ses crises de psoriasis empirant, Mme A...a suivi, sur prescription du docteur Blanc, dermatologue, une cure thermale à Uriage les Bains ; qu'à son retour, le psoriasis est revenu ; que, fin octobre 2002, Mme A...est partie en Israël traiter son psoriasis par une cure à la mer morte ; qu'à son retour, devant une aggravation de son état général, elle a été hospitalisée à l'hôpital Beaujon du 21 au 28 novembre 2002 ; qu'un lupus érythémateux a été diagnostiqué et une biopsie cutanée pratiquée sur la jambe droite de
Mme A...le 26 novembre ; que, deux jours après la biopsie, Mme A...a ressenti, sur le site de la biopsie, des douleurs aigues ; qu'une gonflement de sa cuisse droite a été aussitôt observé, puis des placards érythémateux violacés du membre inférieur droit ; devant une nouvelle et importante dégradation de son état au niveau de tout le membre inférieur droit, un diagnostic de fasciite nécrosante a été posé ; que deux bactéries ont été identifiées dans les hémocultures prélevées sur le site ; que Mme A...a alors été transférée à l'hôpital Bichat où de multiples interventions chirurgicales d'ablation de la peau et des tissus sous-cutanés de l'intégralité du membre ont été pratiquées jusqu'au 6 mai 2003, date à laquelle elle est sortie de l'hôpital Bichat pour être transférée dans un centre de rééducation fonctionnel où elle est restée six mois ; qu'à compter de cette date jusqu'au mois de juin 2005, Mme A... a encore subi diverses interventions de reconstruction et de greffe ; qu'elle a conservé des séquelles nombreuses et invalidantes ; que, par courrier en date du 16 mars 2007, Mme A...a présenté une demande indemnitaire au directeur de l'hôpital Beaujon afin d'obtenir réparation des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale qu'elle estimait avoir contractée au cours de son hospitalisation dans cet établissement et qui était selon elle à l'origine de l'excision de sa jambe droite ; que, par un courrier en date du 21 décembre 2007, le directeur de l'AP-HP a rejeté cette demande ; que Mme A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de constater qu'elle a contracté une infection nosocomiale à l'hôpital Beaujon pendant les soins qu'elle y a subis et de condamner cet établissement à réparer l'ensemble des préjudices subis ; que, par un jugement en date du 8 février 2011, ce tribunal a rejeté sa requête ; que Mme A...a relevé régulièrement appel de ce jugement ;
Sur le désistement de MmeA... :
2. Considérant que le désistement de Mme A...est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ..., ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; qu'en vertu de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, et comme l'a expressément confirmé l'article 3 de la loi
du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, ces dispositions sont applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit apportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 21 mars 2009 réalisé par la CRCI, que Mme A... a été hospitalisée le 21 novembre 2002 et qu'à raison du lupus érythémateux dont elle était atteinte, elle a reçu un traitement de Solumedrol à base de corticoïdes, qui a renforcé l'immunodépression qu'elle présentait déjà à raison de son état de santé antérieur ; qu'elle était ainsi particulièrement exposée aux complications infectieuses fréquentes chez les patients immunodéprimés ; que, d'une part, et ainsi que cela ressort tant du compte-rendu d'hospitalisation que de l'expertise, l'AP-HP admet que l'infection contractée par Mme A...deux jours après la biopsie est nosocomiale ; que, d'autre part, les circonstances que compte tenu du lupus dont elle était atteinte, qui réduisait son immunité et la rendait vulnérable aux infections cutanées notamment aux fasciites nécrosantes, et qu'elle poursuivait lors de cette même hospitalisation un traitement immunosuppresseur à base de corticoïdes ne sont pas de nature à faire regarder l'infection par un staphylocoque à coagulase négative et anocibacter dont elle a été victime comme résultant de son état antérieur et notamment de sa seule déficience immunitaire, et ne constituent de ce fait pas une cause étrangère ; que, dès lors, l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a considéré qu'elle rapportait la preuve de ce que l'infection de
Mme A...relevait d'une cause étrangère et a écarté mise en cause de la responsabilité de l'AP-HP ;
5. Considérant que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de se prononcer sur l'ensemble des moyens et conclusions de la CRAMIF et de la CPAM ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que tant la CRAMIF que la CPAM sont fondées à demander que l'AP-HP soit condamnée à les indemniser des préjudices nés pour elles de l'infection nosocomiale contractée lors du séjour de Mme A...à l'hôpital Beaujon
du 21 au 28 novembre 2002 ; que l'indemnisation de la CRAMIF et de la CPAM étant due sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique, elles ne sont pas fondées à demander l'indemnisation par l'ONIAM des préjudices qu'elle a subis au titre de la solidarité nationale ; qu'il y a donc lieu de mettre l'ONIAM hors de cause ;
Sur l'évaluation des préjudices :
7. Considérant que l'expert a fixé au 1er juillet 2006 la date de consolidation de l'état de santé de MmeA...;
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
Sur les préjudices à caractère patrimonial temporaires
Quant aux dépenses de santé :
8. Considérant que la CPAM du Val-d'Oise justifie avoir exposé des frais au profit de la victime avant le 1er juillet 2006 à hauteur de 270 806,11 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder une telle somme ;
Quant à la perte de gains professionnels jusqu'à la date de consolidation :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CRAMIF a versé la somme de 24 964,05 euros de pension d'invalidité à Mme A...entre le 1er avril 2004 et le 1er juillet 2006 ;
10. Considérant que la CPAM a également versé à Mme A...une somme de
14 172,48 correspondant aux indemnités journalières ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge de l'AP-HP; qu'il y a lieu de condamner l'AP-HP à rembourser les débours susmentionnés à la CPAM du Val-d'Oise ainsi que la pension d'invalidité susmentionnée versée par la CRAMIF ;
Sur les préjudices à caractère patrimonial permanent :
Quant aux dépenses de santé :
11. Considérant que la CPAM du Val-d'Oise justifie avoir à exposer des frais au profit de la victime à compter du 1er juillet 2006 à hauteur de 36 238,65 euros, consistant notamment en l'équipement d'orthèses cruro-pédieuses destinées à faciliter la marche de Mme A...;
Quant à la perte de gains professionnels après consolidation :
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CRAMIF a du verser à Mme A...une pension d'invalidité dont le montant cumulé au 30 avril 2017 s'élève à 119 065,19 euros ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme un capital représentatif des arrérages de pension à échoir à compter du 1er mai 2017 et jusqu'à la date de substitution d'une pension de vieillesse pour un montant de 143 029,24 euros.; qu'il y a lieu de condamner l'AP-HP à verser ces sommes à la CRAMIF;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'AP-HP à verser à la CPAM la somme de 321 217,24 euros et à la CRAMIF la somme de 287 058,48 euros ;
Sur les intérêts:
14. Considérant que les sommes attribuées à la CPAM du Val-d'Oise et à la CRAMIF porteront intérêt au taux légal à compter respectivement du 12 juillet 2010 et du 9 août 2010, date de réception de leur demande par le tribunal administratif de Versailles ;
Sur l'application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 055 € et à 105 € à compter du 1er janvier 2017 " ;
16. Considérant que la CPAM du Val-d'Oise a droit, en application des textes en vigueur à la date du présent jugement, à l'indemnité forfaitaire de 1 055 euros ; qu'il y a lieu de condamner l'AP-HP à lui verser cette somme ; que la CRAMIF a droit au versement d'une somme identique ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM du Val-d'Oise, d'une part, et la CRAMIF, d'autre part ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la l'AP-HP présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait d'une infection nosocomiale contractée à l'hôpital Beaujon est annulé.
Article 2 : Il est donné acte du désistement de MmeA....
Article 3 : l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.
Article 4 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise une somme de 321 217,24 euros au titre des débours. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter respectivement du 12 juillet 2010.
Article 5 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 287 058,48 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2010.
Article 6 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, d'une part, et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France d'autre part, une somme de 1 055 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 7 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, d'une part, et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 15VE00156 2