Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Banco Santander SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de son exercice clos en 2014 à concurrence de 1 191 471 euros, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1508495 du 20 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Banco Santander SA la décharge sollicitée et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2016 et 9 mars 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il lui fait grief ;
2° de remettre à la charge de la société Banco Santander SA, les impositions dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal et ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans sa décision n° 395015 du 9 décembre 2016, le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévu par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts doit s'apprécier au regard du chiffre d'affaires total réalisé par la société et non du seul chiffre d'affaires réalisé par son établissement stable en France, sans qu'y fassent obstacle les règles de territorialité du I de l'article 209 du code général des impôts et de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole ;
- il n'en résulte aucun traitement discriminatoire contraire à la liberté d'établissement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49
et 54 ;
- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la société de crédit espagnole Banco Santander SA a été assujettie, à raison de son établissement stable en France, à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts au titre de son exercice clos en 2014 à hauteur de 1 191 471 euros ; que le MINISTRE DE l'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 20 octobre 2016, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Banco Santander SA la décharge de ces impositions ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts applicable à l'espèce : " I.- Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2015. / Cette contribution est égale à 10,7 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 susvisée :
" 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans le mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable, les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (...) " ;
4. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins
250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, par suite, en jugeant qu'il y avait lieu, pour l'application de l'article
235 ter ZAA du code général des impôts, de retenir le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 de ce code et aux stipulations précitées de la convention fiscale franco-espagnole, le tribunal administratif a fait une inexacte interprétation de l'article 235 ter ZAA ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des impositions litigieuses au motif que le chiffre d'affaires imputable à la succursale française société Banco Santander SA était, au cours de l'exercice clos en 2014, inférieur au seuil d'assujettissement de 250 millions d'euros, alors que le chiffre d'affaires mondial de cette société était supérieur à ce seuil ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Banco Santander SA devant le Tribunal administratif et devant elle ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'en dehors des cas et conditions où il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en adoptant les dispositions précitées de de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, le législateur aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi est inopérant ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi, le moyen soulevé par la requérante et tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;
9. Considérant que la société requérante soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère ;
10. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre implique seulement, pour l'Etat membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Banco Santander SA de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés établie au titre de son exercice 2014 ;
DÉCIDE :
Article 1 : L'article 1er du jugement n° 1508495 du 20 octobre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les impositions dont le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge par le jugement précité sont remises à la charge de la société Banco Santander SA.
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N° 16VE03702