Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. D...et G...A...et J...I...A...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de condamner solidairement la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest (CAGPSO), la société Urbaine de Travaux, la société Leduc et la société Bureau d'Etudes Eau et Environnement (société B3E), à leur verser la somme de 353 817,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2012 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices que leur ont causé les travaux de réalisation d'un bassin de rétention des eaux pluviales sur le territoire de la commune de Vanves et, d'autre part, de mettre à la charge de la CAGPSO la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1303393 en date du 7 mai 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a :
- condamné solidairement la CAGPSO, la société Urbaine de Travaux, la société Leduc et la société B3E à verser aux consorts A...la somme de 52 837,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2012 et de leur capitalisation ;
- condamné la société Urbaine de Travaux et la société B3E à garantir la CAGPSO, à hauteur de 80 % pour la première et de 20 % pour la seconde ;
- condamné la société B3E à garantir la société Leduc à hauteur de 20 % et la société Urbaine de Travaux à hauteur de 20 % ;
- mis les frais d'expertise à la charge de la société Urbaine de Travaux à hauteur de 80 % et de la société B3E à hauteur de 20 % ;
- condamné la société Urbaine de Travaux et la société B3E à verser aux consorts A...la somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- condamné la société Urbaine de Travaux et la société B3E à verser à la société Leduc la somme de 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juillet 2015 et 25 février 2016, les consortsA..., représentés par Me Nizou-Lesaffre, avocat, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1° de réformer ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes ;
2° de condamner solidairement la CAGPSO, la société Urbaine de Travaux, la société Leduc et la société B3E à leur verser la somme de 321 817, 70 euros, en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2012 et de leur capitalisation ;
3° de condamner solidairement la CAGPSO, la société Urbaine de Travaux, la société Leduc et la société B3E à leur verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé sa décision de ne retenir que la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi par Mme B...A... ;
- en retenant la somme de 40 000 euros au titre de la dépréciation du bien, les premiers juges ont sous-évalué ce chef de préjudice ; celui-ci doit être estimé à une somme de 144 000 euros ;
- contrairement à ce que soutient la CAGPSO, l'estimation de la valeur du bien proposée par l'agent immobilier ne saurait être remise en cause ; l'estimation de l'expert judiciaire tenait compte, quant à elle, de l'état initial du bien ;
- en retenant la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi par MmeA..., les premiers juges ont sous-évalué ce chef de préjudice ; celui-ci n'est pas contestable et doit être estimé à une somme de 50 000 euros ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les pertes locatives n'étaient pas établies dans leur principe ; en effet, ce sont les travaux litigieux qui ont rendu le bien inhabitable et donc indisponible pour une location ; l'indemnité qui doit être allouée à la victime privée du logement dont elle est propriétaire ne peut être évaluée qu'en fonction de la valeur locative du bien, soit la somme de 1 000 par mois retenue par l'expert ;
- l'appel incident formé par la société Leduc est irrecevable car il porte sur un litige différent de l'appel principal et n'a pas été formé dans le délai d'appel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Gars,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me H...pour la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest, celles de Me E...pour la société Bureau d'Etudes Eau et Environnement (B3E), celles de Me F...pour la société Urbaine de Travaux, et celles de Me C...pour la société Leduc.
1. Considérant que la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest (CAGPSO) regroupant les communes de Chaville, Issy-les-Moulineaux, Meudon, Vanves et Ville d'Avray, chargée par ces dernières de la gestion des voiries communales ainsi que des réseaux et ouvrages d'assainissement situés dans ces communes, devenue établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest (EPTGPSO), a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, de réaliser un bassin de rétention des eaux pluviales sur le territoire de la commune de Vanves afin de limiter les inondations récurrentes que connaissait le quartier Gresset ; qu'à compter du 24 août 2009, Mme B...A..., propriétaire d'un pavillon sis 39 rue Mansart à Vanves, a constaté l'apparition de fissures sur sa maison ainsi qu'une fragilisation des fondations de celle-ci ; que, le 27 décembre 2012, elle a adressé à la CAGPSO une demande indemnitaire préalable, qui a été implicitement rejetée ; que Mme A...étant décédée le 1er février 2013, ses ayant droits, MM D...et G...A..., ainsi que Mme I...A..., ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement la CAGPSO, maître d'ouvrage, la société Bureau d'Etudes Eau et Environnement (B3E), maître d'oeuvre, la société Urbaine de Travaux, entrepreneur, et la société Leduc, son sous-traitant, à leur verser la somme de 353 817,70 euros en réparation de leurs préjudices ; qu'ils relèvent appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a que partiellement fait droit à leur demande en limitant la condamnation solidaire de ces derniers à la somme de 52 837,10 euros ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les consorts A...demandaient une indemnisation à hauteur de la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi par leur mère ; qu'ils soutiennent qu'en se bornant à relever qu'il serait fait " une juste appréciation " du préjudice moral en fixant son indemnisation à la somme de 2 000 euros, le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que, toutefois, le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les requérants ; qu'en tout état de cause, les consorts A...n'ont développé, en première instance, aucune argumentation précise permettant aux premiers juges de procéder à une estimation plus fine du préjudice moral subi par leur mère ; que, par suite, les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est, dans cette mesure, insuffisamment motivé et à demander, pour ce motif, son annulation ;
Sur les responsabilités :
3. Considérant que, même en l'absence de faute, la personne publique, maître de l'ouvrage, ainsi que, le cas échéant, le maître d'oeuvre, l'entrepreneur et le sous-traitant chargés des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
4. Considérant, en premier lieu, que la société Leduc, sous-traitant, conclut, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité solidaire avec la CAGPSO et les sociétés B3E et Urbaine de Travaux à l'égard des requérants ; qu'elle fait valoir qu'il n'y a aucun lien de causalité entre la part des travaux qu'elle a réalisés, à savoir la mise en place des palplanches, et les désordres subis par la propriété de feu MmeA..., aux droits de laquelle viennent les consortsA... ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'ainsi que le relève le rapport d'expertise, les vibrations occasionnées par l'enfoncement dans le tréfonds des palplanches d'acier ont contribué à l'apparition des nouvelles fissures constatées sur les façades du pavillon de feu MmeA..., tiers par rapport aux travaux publics en cause, situé immédiatement au droit du bassin, ainsi qu'aux désordres affectant les fondations de sa maison ; qu'ainsi, les dommages subis par les consortsA..., dont il n'est pas allégué qu'ils seraient imputables à ceux-ci ou à un cas de force majeure, n'étant pas dépourvus de tout lien avec l'exécution de sa mission par la société Leduc, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que les désordres litigieux ne lui sont pas imputables ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les consortsA..., l'appel incident de la société Leduc tendant à sa mise hors de cause doit être rejeté ;
5. Considérant, en second lieu, que la société B3E, maître d'oeuvre, conclut également, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité solidaire à l'égard des requérants ; qu'elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute et qu'aucun lien de causalité n'est établi entre son intervention et les dommages constatés ; qu'il résulte, toutefois, du rapport d'expertise que la société B3E avait en charge la maîtrise d'oeuvre des travaux et qu'elle " n'a pas réalisé ou fait réaliser les mesures de débit d'exhaure préconisées par le géotechnicien SAGA et n'a pas réellement pris la mesure, en cours de chantier, des rabattements à effectuer pour préconiser, éventuellement, des dispositions plus adaptées qu'un pompage à grand débit " ; qu'ainsi, les dommages constatés, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient imputables aux consorts A...ou à un cas de force majeure, n'étant pas dépourvus de tout lien avec l'exécution de sa mission par la société B3E, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que les désordres litigieux ne lui sont pas imputables ; que, par suite, son appel incident tendant à sa mise hors de cause doit être rejeté ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne la dépréciation du bien de MmeA... :
6. Considérant que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont vendu le pavillon de leur mère, le 15 mai 2014, pour un montant de 346 000 euros, sans avoir fait réaliser les travaux de reprise des fondations préconisés par l'expert et destinés à réparer les dommages survenus ; qu'ils se prévalent d'une attestation de leur agence immobilière pour soutenir qu'en l'absence de désordres, leur bien aurait pu être vendu pour la somme de 490 000 euros ; qu'ils font valoir, par suite, que la dépréciation du bien doit être évaluée à la somme de 144 000 euros et qu'en tout état de cause, l'expert a évalué à 80 000 euros la dépréciation du bien ; que, toutefois, la perte de valeur alléguée du bien ne peut être regardée comme établie par cette seule attestation émanant de leur agence immobilière ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment des constations effectuées par l'expert le 18 février 2009, préalablement au commencement des travaux, que le pavillon de feu Mme A...présentait déjà de nombreuses et importantes fissures avant le début des travaux, ainsi que des problèmes de fondations ; que, dès lors, les travaux en litige ont seulement contribué à aggraver l'état du pavillon ; qu'il résulte également de l'instruction, notamment d'un devis produit par les requérants en première instance, que les travaux de reprise des fondations, que n'ont pas entrepris les intéressés, pouvaient être effectués au moyen d'injections de résine pour une somme d'environ 28 000 euros ; qu'ainsi, les consorts A...n'établissent pas que le montant final de la dépréciation du bien serait supérieur à la somme de 40 000 euros fixée à titre de juste appréciation par les premiers juges pour ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne les pertes locatives :
8. Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'à la date du 18 février 2009, date à laquelle l'expert a effectué ses constatations préalables au commencement des travaux, feu Mme A...n'occupait plus sa maison et avait déjà été placée en maison de retraite ; que les requérants ne démontrent nullement avoir eu l'intention de mettre en location le pavillon ainsi inoccupé, ni même entrepris des démarches à cette fin avant le début des travaux en litige ; que postérieurement à ceux-ci, ils ont vendu la maison ; que, par suite, les pertes locatives alléguées ne sont toujours pas établies en appel dans leur principe ;
En ce qui concerne le préjudice moral subi par MmeA... :
9. Considérant que, pour soutenir que le préjudice moral subi par leur mère doit être évalué à la somme de 50 000 euros, les consorts A...font valoir que cette dernière n'a pu jouir paisiblement de son bien dans les derniers instants de sa vie ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il résulte de l'instruction qu'avant même le commencement des travaux, Mme A...n'occupait plus sa maison et séjournait en maison de retraite ; que, par suite et en l'absence de tout élément justificatif, les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que le préjudice moral doit être indemnisé à hauteur d'une somme supérieure à celle de 2 000 euros fixée par les premiers juges ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consortsA..., qui ne contestent pas le montant de l'indemnité de 10 837,70 euros fixée au titre des études géotechniques, de la coordination SPS et de l'examen vidéo du branchement de l'égout, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité la condamnation solidaire de l'EPTGPSO et des sociétés B3E, Urbaine de Travaux et Leduc à la somme de 52 837,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2012 et capitalisation desdits intérêts à compter du 31 décembre 2013 ;
Sur les conclusions subsidiaires à fin d'appel en garantie de la CAGPSO et de la société Leduc :
11. Considérant que, dès lors qu'il est fait droit aux conclusions d'appel principal de la CAGPSO et de la société Leduc tendant au rejet de la requête des consortsA..., il n'y a pas lieu de statuer sur leurs conclusions subsidiaires à fin d'appel en garantie ;
Sur les appels provoqués des sociétés Urbaine de Travaux et B3E :
12. Considérant, en premier lieu, que les conclusions d'appel provoqué de la société Urbaine de Travaux tendant à ce que la société Leduc, son sous-traitant, la garantisse doivent, compte tenu du caractère de droit privé du contrat liant l'entrepreneur principal à son sous-traitant, être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
13. Considérant, en second lieu, que, dès lors que les conclusions d'appel principal des consorts A...ne sont pas accueillies, les conclusions d'appel provoqué de la société Urbaine de Travaux, dont la situation n'est pas aggravée, et tendant à obtenir la condamnation solidaire de la CAGPSO et de la société B3E à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ne sont pas recevables ; qu'il en va de même, pour le même motif, des conclusions d'appel provoqué de la société B3E tendant à obtenir la condamnation des sociétés Urbaine de Travaux et Leduc à la garantir ;
Sur les dépens :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la CAGPSO, il n'y a pas lieu de remettre en cause la charge des frais de l'expertise imputée par le jugement attaqué à la société Urbaine de Travaux à hauteur de 80 % et à la société B3E à hauteur de 20 % ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la CAGPSO, la société Urbaine de Travaux, la société Leduc et la société B3E, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes demandées par les consorts A...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts A...une somme de 500 euros à verser, respectivement, à la CAGPSO devenue établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest (EPTGPSO), à la société Urbaine de Travaux, à la société B3E et à la société Leduc sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts A...est rejetée.
Article 2 : Les consorts A...verseront une somme de 500 euros, d'une part, à la CAGPSO devenue établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest (EPTGPSO), d'autre part, à la société Urbaine de Travaux, de troisième part au bureau B3E et, enfin, à la société Leduc, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Urbaine de Travaux à l'encontre de la société Leduc sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 15VE02179