Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 septembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1509350 du 18 janvier 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2016, MmeB..., représentée par Me Sadoun, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou à défaut la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour et la décision d'obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet ayant estimé que l'emploi qu'elle occupe n'était pas caractérisé par des difficultés de recrutement, sa demande ne pouvait être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause le préfet ne saurait lui faire grief de ne pas produire un contrat de travail visé par les autorités compétentes alors qu'il appartenait au préfet de transmettre le contrat Cerfa de demande d'autorisation aux services de la Direccte ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, son ancienneté de présence en France et son ancienneté auprès de ses employeurs constituant un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre " salarié " de l'article L. 313-14 précité ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, son intégration et ses attaches familiales avec sa fratrie justifiant la délivrance d'un titre " vie privée et familiale " de l'article L. 313-14 précité ;
- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de territoire français portent une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des circonstances exposées à l'encontre du refus de titre de séjour ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire signé le 24 novembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- et les observations de Me Sadoun, pour MmeB....
1. Considérant que MmeB..., de nationalité cap-verdienne, née le 20 juin 1961, a sollicité, le 12 janvier 2015, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", suivant la procédure d'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 28 septembre 2015, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté cette demande, a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 18 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué résultant de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ; que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les stipulations de l'accord entre la France et le Cap-Vert du 24 novembre 2008 n'excluent pas l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour aux ressortissants cap-verdiens demandant un titre de séjour en qualité de salarié et ne remplissant pas les conditions posées par l'article 3.2.3 de l'accord, notamment au regard de la liste des emplois énumérés dans l'accord ;
3. Considérant, d'une part, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;
4. Considérant, d'autre part, que, dans cette seconde hypothèse, si les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version antérieure à la loi du 16 juin 2011, limitaient le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission était sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle avait été successivement fixée par arrêtés ministériels des 18 janvier 2008 et 11 août 2011, l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 a supprimé la condition relative à l'exercice d'une activité dans un métier connaissant de telles difficultés ; qu'il en résulte que cette condition, depuis sa suppression, ne peut plus légalement fonder, comme unique motif, le rejet d'une demande d'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que si cette modification législative n'exclut pas, en elle-même, que, lorsqu'elle statue sur une telle demande, l'administration puisse encore mentionner, parmi d'autres éléments, l'existence d'éventuelles difficultés de recrutement rencontrées pour le métier considéré, il lui appartient désormais, dans tous les cas, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, par rapport aux caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté contesté du 28 septembre 2015 que le préfet des Hauts-de-Seine a examiné la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par Mme B...en vérifiant, ainsi qu'il y était tenu, si l'intéressée pouvait bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, d'une carte portant la mention " salarié " ; que, toutefois, pour refuser à Mme B...la délivrance de ce dernier titre de séjour, l'administration s'est bornée à retenir " que la demande présentée par l'intéressée tend à l'exercice [de l'activité] d'aide à domicile, dans un secteur non caractérisé par des difficultés de recrutement ; qu'ainsi, sa demande ne peut être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel " ; qu'en statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été rappelé au point 4, la condition relative à l'exercice d'une activité dans un métier connaissant des difficultés de recrutement ne peut légalement justifier à elle seule le rejet d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet des Hauts-de-Seine a commis une erreur de droit ; que cette erreur entache d'illégalité l'arrêté contesté, quelque soit le bien-fondé des motifs d'ordre personnel ou familial qu'il a par ailleurs retenus pour refuser à l'intéressée la délivrance d'une carte " vie privée et familiale " ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 28 septembre 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Considérant que, eu égard au motif d'annulation mentionné au point 5, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " au profit de MmeB... ; qu'il implique, en revanche, qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en lui délivrant dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MmeB... d'une somme de 1 500 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1509350 du 18 janvier 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 septembre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en lui délivrant dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à MmeB... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de MmeB... est rejeté.
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N° 16VE00499