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11/05/2017 | FRANCE | N°16VE01956

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 11 mai 2017, 16VE01956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou,

à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1509744 du 10 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 23 juin 2016 et le 13 février 2017, M.A..., représenté par Me Luc, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 23 juillet 2015 ne lui ayant pas été communiqué lors de l'instruction de sa demande, ni au cours de la première instance, la Cour ne saurait en tenir compte ;

- dans le cas où le préfet produirait cet avis lors de l'instance d'appel, l'exposant doit bénéficier des nouvelles dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son état de santé ainsi que l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine justifiaient le renouvellement de son titre de séjour ;

- il remplit toutes les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- eu égard à la durée et à la régularité de son séjour en France depuis 2001 et à son insertion sociale et professionnelle sur le territoire, la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant malien né en 1963, a sollicité, le 25 février 2015, le renouvellement de son titre de séjour qui lui a été délivré sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 23 juillet 2015 et par un arrêté du 13 octobre 2015, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A... relève appel du jugement du 10 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ;

3. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition n'impose que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé soit communiqué au ressortissant étranger, demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé, avant l'intervention de la décision prise par le préfet ; qu'en outre, il ressort du dossier de premier instance que le préfet du Val-d'Oise a produit devant le tribunal administratif, le 11 mars 2016, un mémoire en défense assorti de pièces dont l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 23 juillet 2015 sur lequel il s'est fondé pour prendre la décision en litige ; que ce mémoire et ces pièces ont été communiqués au conseil de M. A...le 14 mars 2016 ; qu'enfin, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties ; que, par suite, M.A..., qui ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision en litige du 13 octobre 2015 dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction, les dispositions de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que cet avis du 23 juillet 2015 devrait être écarté des débats ;

4. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient que, souffrant d'une dégénérescence de la cornée et porteur d'une prothèse oculaire, il bénéficie en France d'un suivi médical et qu'il justifie, par les documents qu'il produit, qu'un traitement approprié à sa pathologie n'est pas disponible au Mali ; que, toutefois, pour prendre la décision en litige, le préfet du Val-d'Oise s'est notamment fondé sur l'avis émis le 23 juillet 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé, lequel a estimé en particulier qu'un traitement approprié à la pathologie de l'intéressé existe dans son pays d'origine ; que les documents que le requérant produit, notamment les douze certificats médicaux établis les 5 octobre et 9 novembre 2007, 18 mars, 27 novembre et 15 décembre 2008, 5 juin et 5 novembre 2009, 10 septembre 2010, 18 octobre 2011, 10 janvier 2012, 23 janvier 2013 et 20 février 2014 par des médecins du service d'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu, s'ils mentionnent que M.A..., qui a été suivi à compter du mois de juin 2005 pour un kératocône bilatéral et qui a subi, suite à une infection, une éviscération de l'oeil gauche et bénéficié d'une prothèse oculaire, souffre d'une dystrophie cornéenne évolutive de l'oeil droit nécessitant une prise en charge dans une structure spécialisée, ne permettent pas en revanche, compte tenu de leurs dates d'établissement, des termes dans lesquels ils sont rédigés et en l'absence d'éléments précis et récents sur l'évolution de cette pathologie et le traitement qu'elle nécessite encore, de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé, dans son avis du 23 juillet 2015, puis par l'autorité préfectorale, dans sa décision du 13 octobre 2015, sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur dans l'appréciation de la situation de M. A...au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que M. A...se prévaut de son état de santé et soutient, en outre, qu'il séjourne en France, de manière régulière, depuis le mois d'avril 2001, et qu'il y a toujours travaillé depuis lors, d'abord en qualité de manoeuvre auprès de l'entreprise Madena entre le mois de mai 2001 et le mois de décembre 2007, puis en qualité d'agent de service, à temps partiel, auprès de différentes sociétés, notamment auprès de la société Derichebourg à compter du mois de décembre 2009, d'abord sous contrat à durée déterminée, puis sous contrat à durée indéterminée, et de la société Marietta depuis le mois de juin 2010, sous contrat à durée indéterminée ; qu'il soutient également que, malgré ses graves problèmes de santé et la reconnaissance, le 10 décembre 2009, de la qualité de travailleur handicapé, il a toujours subvenu à ses besoins en travaillant et souhaité s'installer durablement en France, qu'il dispose d'un logement et que sa présence sur le territoire ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

7. Considérant, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, les documents à caractère médical produits par le requérant ne permettent pas d'établir que son état de santé justifierait son admission au séjour ou ferait obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; qu'en outre, M. A...ne justifie pas de la régularité de son séjour en France entre 2001 et 2009 et ne fournit aucune explication sur les circonstances dans lesquelles il aurait pu exercer, pendant cette période, une activité salariée sur le territoire ; que, par ailleurs, s'il a, après avoir été, en 2009, admis au séjour pour raison de santé, occupé des emplois, à temps partiel, d'agent de service auprès de différentes sociétés, les bulletins de salaire qu'il produit font état de ce qu'il est considéré comme absent ou en congé de la société Marietta depuis le mois de juin 2015 et de la société Derichebourg depuis le mois de février 2016 ; qu'ainsi, l'intéressé ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne sur le territoire et n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, que ses employeurs auraient, à la date de la décision attaquée, souhaité continuer à l'employer s'il était admis au séjour au titre d'une activité salariée ; qu'enfin, M.A..., qui ne se prévaut d'aucune attache familiale en France, n'établit ni n'allègue sérieusement qu'il serait dépourvu de toute attache au Mali où, ainsi que l'a relevé le préfet du Val-d'Oise sans être contesté sur ce point, résident notamment ses quatre enfants et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans, de sorte qu'il y dispose d'attaches personnelles et familiales au moins aussi fortes qu'en France, ni qu'il y serait privé de tout accompagnement ou aide pour le suivi médical dont il a besoin ; qu'ainsi, il ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale dans son pays d'origine ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de l'intéressé et des liens qu'il a conservés dans son pays d'origine, la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que M. A...ait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, le préfet du Val-d'Oise ne s'est pas fondé, pour rejeter sa demande de renouvellement de titre de séjour, sur ces dispositions ; que, par suite, M. A...ne saurait utilement les invoquer à l'encontre de la décision attaquée ;

9. Considérant, enfin, que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; qu'il suit de là que M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision attaquée, des orientations générales définies par le ministre de l'intérieur dans la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'en visant, notamment, les articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en mentionnant, en particulier, que l'éloignement de M. A...à destination de son pays d'origine ne contrevient pas à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet du Val-d'Oise a suffisamment motivé la décision en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 16VE01956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01956
Date de la décision : 11/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : FORTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-11;16ve01956 ?
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