La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2017 | FRANCE | N°16VE00218

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 11 mai 2017, 16VE00218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, d'autre part, d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de cette notific

ation.

Par un jugement n° 1506648 du 26 novembre 2015, le Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, d'autre part, d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de cette notification.

Par un jugement n° 1506648 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé la décision du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS en date du 26 mars 2015 et lui a enjoint de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. C...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 janvier 2016 et le 30 mars 2017, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision en litige, faute de production de l'avis du maire de la commune des Lilas ; en effet, l'avis du maire a été sollicité par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, avis qui, en application de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit en l'espèce être réputé favorable ; en outre, cet avis implicite, qui ne pouvait donc être produit en première instance, ne lie pas le préfet ; enfin, au vu des vérifications menées par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui ont relevé que la condition tenant aux ressources n'était pas remplie, l'autorité préfectorale a pu légalement refuser à M. C...le bénéfice du regroupement familial ;

- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure régulière, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant procédé aux vérifications nécessaires ;

- alors que l'intéressé, qui pourra de nouveau solliciter le bénéfice du regroupement familial lorsqu'il remplira la condition tenant aux ressources, ne justifie ni de l'état de santé dont il se prévaut, ni qu'il ne peut rejoindre son épouse, ni, enfin, que la présence de cette dernière à ses côtés revêtirait pour lui un caractère indispensable, la décision en litige ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.

1. Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 26 mars 2015 refusant à M.C..., ressortissant sénégalais né le 20 novembre 1970, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme B...A..., ressortissante malienne, et lui a enjoint de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par l'intéressé dans un délai de trois mois ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 421-2 du même code : " Pour procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources, le maire examine les pièces justificatives requises dont la liste est déterminée par décret. Des agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement, ou, à la demande du maire, des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration peuvent pénétrer dans le logement (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " A l'issue de l'instruction, le maire émet un avis motivé. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative. Le dossier est transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui peut demander à ses agents de procéder, s'ils ne l'ont déjà fait, à des vérifications sur place dans les conditions prévues à l'article L. 421-2. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Le ressortissant étranger fait sa demande auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 421-9 du même code : " Après vérification des pièces du dossier et délivrance à l'intéressé de l'attestation de dépôt de sa demande, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration transmettent une copie du dossier au maire de la commune de résidence de l'étranger ou au maire de la commune où l'étranger envisage de s'établir. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-11 du même code : " Le maire dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception du dossier pour vérifier si les conditions de ressources et de logement mentionnées à l'article L. 411-5 sont remplies (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 421-18 du même code : " A l'issue des vérifications sur les ressources et le logement, le maire de la commune où doit résider la famille transmet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le dossier accompagné des résultats de ces vérifications et de son avis motivé. En l'absence de réponse du maire à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article L. 421-3, cet avis est réputé favorable. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 421-19 du même code : " Dès réception du dossier et de l'avis motivé du maire ou, à défaut d'avis, à l'expiration du délai mentionné à l'article R. 421-18, l'Office français de l'immigration et de l'intégration : / 1° Vérifie, le cas échéant, le respect des conditions de ressources et de logement prescrites aux articles R. 411-4 et R. 411-5 ; / 2° Procède, si nécessaire, à un complément d'instruction et, s'il n'a pas déjà été saisi par le maire, à des vérifications sur place ; / 3° Transmet le dossier au préfet pour décision. " ;

3. Considérant que, pour annuler la décision du 26 mars 2015 refusant à M. C...le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que le préfet, qui n'a présenté en cours d'instance aucune observation, ni produit aucune pièce, n'a pas justifié avoir saisi le maire de la commune des Lilas en vue de recueillir son avis sur les conditions de ressources et de logement de l'intéressé ; que, cependant, en appel, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient que, ainsi que le mentionne d'ailleurs la décision attaquée, le maire de la commune des Lilas, commune de résidence de M.C..., a été saisi pour avis du dossier de l'intéressé et que cet avis doit, en l'absence de réponse du maire à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article L. 421-3 précité, être réputé favorable ; que, pour justifier de cette saisine du maire, le préfet produit une copie du dossier de M.C..., instruit par les services de la direction territoriale de Bobigny de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qui mentionne un " avis favorable implicite " du maire de la commune des Lilas ; que si, à la suite d'un supplément d'instruction ordonné par la Cour, le préfet indique, dans son mémoire susvisé enregistré le 30 mars 2017, ne pas être en mesure de justifier de cette saisine du maire par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. C... ne conteste pas pertinemment, ni n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les mentions figurant dans le dossier de l'office, attestant de la saisine du maire et de ce que son avis devait être regardé comme favorable ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision du 26 mars 2015 pour le motif rappelé ci-dessus ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif ;

5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant et ainsi qu'il a été dit au point 3, les services compétents de la direction territoriale de Bobigny de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont procédé aux vérifications des conditions de logement et de ressources de M.C... ; qu'en particulier, ces services ont estimé que si le logement de l'intéressé présentait la superficie habitable minimale requise, ses ressources, d'un montant mensuel moyen de 502 euros, revêtaient un caractère insuffisant ; que cette appréciation portée sur les conditions de ressources de M. C... a été faite au vu des pièces justificatives qu'il a produites à l'appui de sa demande ; qu'au surplus, ni en première instance, ni en appel, l'intéressé ne conteste cette appréciation portée sur l'insuffisance de ses ressources ; qu'en outre, ces vérifications ont été visées, le 19 mars 2015, par le directeur territorial de l'office ; que, par ailleurs, le moyen soulevé par M. C... et tiré de ce que ces vérifications ne seraient pas conformes aux prescriptions légales et réglementaires n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 26 mars 2015 aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute d'une vérification préalable de ses conditions de ressources et de logement par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que M. C...soutient qu'étant de nationalité sénégalaise et son épouse de nationalité malienne, il ne peut rejoindre son épouse au Mali et s'y installer durablement, étant étranger dans ce pays, alors qu'en France, titulaire d'une carte de résident, il a la garde de ses deux enfants nés en 2005 et 2007 d'une précédente union et qui sont de nationalité française ; qu'il soutient également que son état de santé nécessite la présence de son épouse auprès de lui pour l'aider à s'occuper de ses enfants en bas âge ; qu'enfin, il fait valoir qu'ayant obtenu la qualité de travailleur handicapé, il a suivi, du 2 février 2015 au 10 juillet 2015, une formation qualifiante auprès d'une association ; que, toutefois, le requérant n'apporte aucune précision ni aucun élément à l'appui de son assertion selon laquelle il ne pourrait se rendre au Mali, pays dans lequel, selon ses déclarations, il s'est marié le 21 novembre 2013, ou celle selon laquelle la présence de son épouse en France revêtirait pour lui un caractère indispensable ; qu'en particulier, l'intéressé n'établit pas que, du fait de son état de santé ou de son handicap, il ne serait pas en mesure d'exercer une activité professionnelle ou qu'il serait dans l'impossibilité de s'occuper de ses deux jeunes enfants dont la garde lui a été confiée après son divorce prononcé le 22 octobre 2013 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du caractère récent du mariage de M. C..., la décision attaquée du 26 mars 2015 ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 26 mars 2015 refusant à M. C...le bénéfice du regroupement familial et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de trois mois ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1506648 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 26 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 16VE00218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00218
Date de la décision : 11/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : VINAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-11;16ve00218 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award