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09/05/2017 | FRANCE | N°16VE03475

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 mai 2017, 16VE03475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2014, M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du procureur de la République du 28 octobre 2014 lui refusant l'effacement des mentions le concernant figurant au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), d'enjoindre à cette autorité de procéder à cet effacement, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordon

nance n° 1409222 du 3 octobre 2016, le président de la 1ère chambre du Tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2014, M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du procureur de la République du 28 octobre 2014 lui refusant l'effacement des mentions le concernant figurant au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), d'enjoindre à cette autorité de procéder à cet effacement, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1409222 du 3 octobre 2016, le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête comme étant portée devant une juridiction incompétente.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 décembre 2016 et le 10 avril 2017, le MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles du 3 octobre 2016;

2° de rejeter la requête présentée par M. A...B....

Il soutient que :

- en considérant que la juridiction administrative n'était pas compétente, le tribunal administratif a commis une erreur de droit : le législateur, par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, a attribué une compétence globale au juge judiciaire pour connaître des contentieux résultant de l'application des articles 230-8 et 230-9 du code de procédure pénale, mais, pour la mise en oeuvre de cette réforme il doit être faire application de l'article 112-3 du code pénal dont il résulte que, à la différence des autres lois de procédure, les lois supprimant ou modifiant les voies de recours sont inapplicables aux instances en cours, que celles-ci aient ou non donné lieu à une décision de premier ressort ; elles ne s'appliquent qu'aux recours qui sont rendus postérieurement à leur entrée en vigueur ;

- s'agissant de l'examen par la Cour dans le cadre de l'évocation, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêt de la cour européenne des droits de l'homme Brunet c/ France (n° 21010/10) ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a fait l'objet de procédures pénales pour des faits de détention et usage de stupéfiants, de violence, et d'usage de stupéfiants, commis respectivement en 2001, 2012 et 2014 ; que ces affaires ont fait l'objet de classements sans suite, du fait de la mise en oeuvre par le parquet de procédures alternatives aux poursuites ou de sanctions de nature non pénale ; que, par un courrier du 2 septembre 2014, M. B...a sollicité auprès du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Versailles l'effacement des mentions le concernant dans le fichier de traitement d'antécédents judicaires ; que, par une décision du 28 octobre 2014 sa demande a été rejetée ; que le MINISTRE DE LA JUSTICE relève appel de l'ordonnance du 3 octobre 2016 par laquelle le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Versailles, statuant en application des dispositions du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté la requête de M. B...comme étant portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 230-8 du code de procédure pénale en vigueur à la date de l'ordonnance en litige : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées. (...) Le procureur de la République se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans le délai d'un mois (...). " ; que les décisions en matière d'effacement ou de rectification, qui ont pour objet la tenue à jour du fichier de traitement des antécédents judiciaires constituent des actes de gestion administrative du fichier et sont détachables d'une procédure judiciaire ; qu'à défaut de dispositions particulières prévues par les textes, elles pouvaient, à la date de la décision attaquée comme à la date de l'introduction de la requête de M. B...au greffe du Tribunal administratif de Versailles, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant cette juridiction administrative ;

3. Considérant, toutefois, que l'article 68 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a modifié l'article 230-8 du code de procédure pénale qui dispose désormais en son deuxième alinéa que " Les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction " ; que, si le droit de former un recours contre une décision est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue, les règles qui régissent les formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, y compris celles relatives à la compétence des juridictions et aux pouvoirs des juges, ne sont pas, à la différence des voies selon lesquelles ce droit peut être exercé ainsi que des délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, des éléments constitutifs de ce droit ; que les dispositions précitées, qui ont pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'ordre de juridiction administratif et l'ordre de juridiction judiciaire, sont d'application immédiate ; que, sur ce point, si l'article L. 230-11 du code de procédure pénale tel que modifié par la loi du 3 juin 2016 prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour préciser notamment, " (...) le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès et contester les décisions prises par le procureur de la République ou le magistrat mentionné à l'article 230-9 ", ces dispositions sont sans incidence sur l'entrée en vigueur, au lendemain de la date de publication de la loi, des dispositions de celle-ci attribuant au président de la chambre de l'instruction la compétence pour connaître des décisions prises par le procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles, dispositions dont l'application n'était pas manifestement impossible sans qu'en soient prévues plus précisément par décret les modalités d'application ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article 112-3 du code de procédure pénale, concernant les recours formés contre les décisions prononcées en matière pénale, ne trouvent pas à s'appliquer aux décisions, de nature administrative, prises en matière d'effacement ou de rectification du fichier de traitement des antécédents judiciaires, qui constituent des actes de gestion administrative de celui-ci, détachables de la procédure judiciaire ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée du 3 octobre 2016, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. B...fondées sur les dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de M. A...B...tendant au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

2

N° 16VE03475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03475
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Texte applicable.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux - Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : LUCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-09;16ve03475 ?
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