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27/04/2017 | FRANCE | N°16VE03015

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 avril 2017, 16VE03015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser la somme de 987 610,98 euros TTC correspondant au montant du préjudice que lui ont causé les difficultés d'exécution du contrat conclu avec le ministère de la défense pour la réalisation de la caserne de gendarmerie de Rose à Dugny (Seine-Saint-Denis), augmenté d'un coefficient de révision du prix et des intérêts moratoires, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 11

960 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser la somme de 987 610,98 euros TTC correspondant au montant du préjudice que lui ont causé les difficultés d'exécution du contrat conclu avec le ministère de la défense pour la réalisation de la caserne de gendarmerie de Rose à Dugny (Seine-Saint-Denis), augmenté d'un coefficient de révision du prix et des intérêts moratoires, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 11 960 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 0305329 du 6 juillet 2006, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE, d'une part, la somme de 6 267,53 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 28 février 2003, d'autre part, la somme de 26 324 euros au titre des intérêts moratoires dus en raison du retard pris dans le mandatement des acomptes lors de l'exécution du marché et, enfin, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 06VE02430 du 19 mai 2009, la Cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur la requête de la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE, a :

- en sus de la somme de 6 267,53 euros TTC qu'il a été condamné à verser à ladite société par le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 juillet 2006, condamné l'Etat à verser à ladite société la somme de 179 575 euros TTC,

- décidé que cette indemnité portera intérêts moratoires contractuels à compter du 17 mars 2003 et que les intérêts échus à la date du 9 novembre 2006 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts,

- décidé que les intérêts moratoires d'un montant de 26 324,41 euros dus à raison du retard de mandatement des acomptes lors de l'exécution du marché seront assortis de la majoration de 2 % entre la date de mandatement de chacun de ces acomptes et la date de paiement des intérêts moratoires,

- mis à la charge de l'Etat le versement à la société de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

- et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une lettre, enregistrée le 20 juin 2016, la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE, représentée par Me Caron, avocat, a saisi la Cour d'une demande d'exécution des articles 1 à 3 de l'arrêt n° 06VE02430 du 19 mai 2009.

Elle soutient que l'Etat reste redevable de la somme de 60 678,82 euros au titre des intérêts moratoires à la date d'introduction de sa demande, soit :

- la somme de 4 983,78 euros au titre des intérêts moratoires courant sur le solde du marché ;

- la somme de 1 462,61 euros au titre des intérêts moratoires dus à raison du retard de mandatement des acomptes ;

- la somme de 44 123,99 euros au titre de la majoration des intérêts moratoires restant dus à raison du retard de paiement des acomptes ;

- la somme de 8 900,31 euros, à parfaire, en raison de la majoration des intérêts moratoires restant due à la suite du paiement réalisé le 28 octobre 201 ;

- et la somme de 1 208,13 euros, à parfaire, au titre des intérêts légaux courant à la suite du paiement réalisé le 28 octobre 2010.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le code civil ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Gars,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...). " ;

2. Considérant que, par l'arrêt n° 06VE02430 du 19 mai 2009, la Cour, statuant sur requête de la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE, a notamment, d'une part, en sus de la somme de 6 267,53 euros TTC que l'Etat a été condamné à verser à ladite société par le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 juillet 2006, condamné, par l'article 1er de cet arrêt, celui-ci à verser à ladite société la somme de 179 575 euros TTC, d'autre part, décidé, par l'article 2, que cette indemnité portera intérêts moratoires contractuels à compter du 17 mars 2003 et que les intérêts échus à la date du 9 novembre 2006, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, enfin, décidé, par l'article 3, que les intérêts moratoires d'un montant de 26 324,41 euros dus à raison du retard de mandatement des acomptes lors de l'exécution du marché seront assortis de la majoration de 2 % entre la date de mandatement de chacun de ces acomptes et la date de paiement des intérêts moratoires ; que la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE soutient que les sommes mandatées le 28 octobre 2010 à raison de trois versements respectivement d'un montant de 6 267,53 euros, de 179 575 euros et, s'agissant des intérêts moratoires, de 128 387,18 euros ne suffisent pas à assurer l'exécution des articles 1 à 3 de cet arrêt ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêt dont l'exécution est poursuivie, que la Cour n'a pas décidé la capitalisation des intérêts moratoires au taux légal assortissant, à compter du 28 février 2003, la somme de 6 267,53 euros TTC, au paiement desquels l'Etat a été condamné par le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 juillet 2006 mais, seulement, la capitalisation des intérêts moratoires contractuels assortissant, à compter du 17 mars 2003, la somme de 179 575 euros TTC qu'elle a mise à la charge de l'Etat ; qu'il suit de là que la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE n'est pas fondée à soutenir que l'Etat devrait lui verser une somme à ce titre en exécution de cet arrêt ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1153-1, désormais codifié à l'article 1231-7, du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la majoration prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ne s'applique, en cas de condamnation pécuniaire, qu'au taux de l'intérêt légal, fixé en application de l'article L. 313-2 du même code, et ne s'applique pas, en revanche, au taux d'intérêt contractuel résultant de stipulations expresses ou, s'agissant d'un marché public, et en l'absence de stipulations contraires, des dispositions prises pour l'application de l'article 182 du code des marchés publics, dans sa version applicable au litige ; qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache à l'exécution rapide des décisions juridictionnelles et au paiement des dettes nées de l'exécution d'un marché public, le titulaire d'un marché public peut bénéficier, sur sa demande, à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification à son débiteur de la décision de justice condamnant celui-ci à une indemnité assortie d'intérêts moratoires contractuels, de l'application du taux d'intérêt légal majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier pour chacune des périodes pour lesquelles celle-ci s'avère plus favorable que l'application du seul taux d'intérêt contractuel ou résultant du code des marchés publics ;

5. Considérant, toutefois qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la somme de 179 575 euros et les intérêts moratoires au taux contractuel courant sur cette somme décidés par les articles 1 et 2 de l'arrêt du 19 mai 2009 ont été mandatés le 5 octobre 2010 et payés le 20 octobre 2010 ; que la société requérante n'a pas demandé à bénéficier de l'application du taux d'intérêt légal majoré prévu à l'article L. 313-3 précité du code monétaire et financier, en l'espèce plus favorable, avant cette exécution complète desdits articles mais seulement le 16 janvier 2015, soit après l'exécution par l'Etat de sa condamnation ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'Etat devrait lui verser une somme à ce titre en exécution de cet arrêt ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêt de la Cour étant devenu définitif, le ministre de la défense ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le calcul des intérêts moratoires dus à raison du retard de paiement des acomptes et fixé à la somme de 26 324,21 euros par l'article 3 dudit arrêt serait erroné, ni du refus de paiement en conséquence du comptable assignataire, pour s'exonérer de l'exécution de l'arrêt sur ce point ; que la société JEAN LEFEBVRE ILE-DE-FRANCE, qui n'a reçu de l'Etat que 24 861,80 euros à ce titre, est par suite fondée à réclamer la somme supplémentaire de 1 462, 61 euros en exécution de cet arrêt ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le ministre de la défense a versé une majoration de 18 019,75 euros sur les intérêts moratoires mentionnés au point 6 ; que la société requérante soutient que cette somme est insuffisante pour assurer l'exécution de l'article 3 de l'arrêt selon lequel les intérêts moratoires d'un montant de 26 324,41 euros dus à raison du retard de mandatement des acomptes lors de l'exécution du marché seront assortis de la majoration de 2 % entre la date de mandatement de chacun de ces acomptes et la date de paiement des intérêts moratoires ; que la Cour a statué sur le fondement du II de l'article 178 du code des marchés publics alors en vigueur et selon lequel : " ... Le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal entraîne une majoration de 2 p. 100 du montant de ces intérêts par mois de retard. Le retard auquel s'applique le pourcentage est calculé par mois entiers décomptés de quantième à quantième. Toute période inférieure à un mois entier est comptée pour un mois entier ..." ; qu'il s'ensuit que, d'une part, et contrairement à ce qu'allègue l'administration, le montant des intérêts moratoires servant de base au calcul de la majoration est de 26 324,41 euros en exécution de la chose jugée ; que, d'autre part, et contrairement à ce qu'a demandé la requérante, la date butoir pour le calcul de ladite majoration est celle du mandatement des intérêts litigieux, soit le 5 octobre 2010, et non celle de leur paiement ; qu'enfin, la majoration de 2 % est appliquée selon le nombre de mois entiers décomptés de quantième à quantième et que toute période inférieure à un mois entier est comptée pour un mois entier ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au ministre de verser le montant de la majoration restant due sur la base des éléments de calcul produits par la société après rectification du nombre de mois de retard acompte par acompte ;

8. Considérant, enfin, qu'il appartient à l'Etat de verser à la société requérante les intérêts ayant continué de courir après le 5 octobre 2010 à raison des versements insuffisants constatés aux points 6 et 7 ;

9. Considérant que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'Etat, à défaut pour le ministre de la défense de justifier de l'exécution de l'arrêt de la Cour en date du 19 mai 2009 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle l'arrêt aura reçu exécution ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société JEAN LEFEBVRE Ile-de-France de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat si le ministre de la défense ne justifie pas avoir, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté l'arrêt n° 06VE02430 du 19 mai 2009 et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le ministre de la défense communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'arrêt n° 06VE02430 mentionné à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société JEAN LEFEBVRE Ile-de-France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société JEAN LEFEBVRE Ile-de-France est rejeté.

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N° 16VE03015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03015
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07 Procédure. Jugements. Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-04-27;16ve03015 ?
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