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14/03/2017 | FRANCE | N°16VE00827

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 14 mars 2017, 16VE00827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme résultant de la mise en demeure du 8 octobre 2013, à due concurrence de 12 640 757 euros.

Par un jugement n° 1405769 du 21 janvier 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 13 décembre 2016, M. et MmeC..., représentés par Me Davidian, demandent

à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de l'obligation de payer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme résultant de la mise en demeure du 8 octobre 2013, à due concurrence de 12 640 757 euros.

Par un jugement n° 1405769 du 21 janvier 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 13 décembre 2016, M. et MmeC..., représentés par Me Davidian, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de l'obligation de payer sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme C...soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'en jugeant, sur le fondement de la loi du 31 décembre 1971, qu'un avocat était compétent pour reconnaître la dette de son client même en l'absence de mandat, le Tribunal a soulevé d'office un moyen de droit sans en informer les parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- alors que le point de départ de l'action en recouvrement est l'avis d'imposition du 30 septembre 2002, l'action en recouvrement a été suspendue à compter du 20 novembre 2002, date de la mise en place du nantissement et l'obtention du sursis de paiement de " l'exit tax ", et jusqu'à ce que les impositions litigieuses redeviennent exigibles, soit au 31 décembre de chacune des années 2003, 2004 et 2006 ; toutefois, une nouvelle suspension est intervenue à raison des réclamations d'assiette assorties d'une demande de sursis de paiement relatives aux impositions liées aux cessions opérées en 2003 et 2004 (réclamations des 2 avril 2004 et 6 avril 2005) et les impositions en cause sont redevenues exigibles, le 12 novembre 2009, date à laquelle le Tribunal administratif de Paris a statué sur lesdites impositions ; ainsi, dès lors qu'aucune mesure de poursuite n'est intervenue dans le délai de quatre ans, l'action en recouvrement est prescrite conformément aux dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la prescription avait été interrompue par une prétendue reconnaissance de dette du 2 novembre 2010 ; en effet, d'une part, et alors que le Tribunal ne pouvait se fonder sur la doctrine administrative commentant l'avis du Conseil d'Etat du 30 avril 1996, l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, issu de la loi du 29 décembre 2010, ne mentionne nullement la reconnaissance de dette comme cause interruptive de prescription ; d'autre part, même à supposer applicable la règle posée par l'article 2240 du code civil, le courrier du 2 novembre 2010, équivoque et dépourvu de clarté, ne peut être regardé comme une reconnaissance de dette au sens du droit civil ; au surplus, ce courrier, resté sans réponse, contestait, compte tenu de l'appel formé contre le jugement précité du Tribunal administratif de Paris, le caractère certain de la créance en cause ; enfin, ledit courrier rédigé par leur conseil qui ne disposait pas d'un mandat exprès à cette fin et qui ne comporte ni leur signature ni la mention écrite de leur main de la créance en lettres et en chiffres, ne remplit pas les conditions de forme posées par le code civil et, ainsi, ne leur est pas opposable.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- Vu la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant Me Davidian, avocat de M. et MmeC....

1. Considérant qu'à la suite du transfert de leur domicile hors de France, le 23 avril 2011, l'administration, conformément à la déclaration souscrite par M. et Mme C...en application de l'article 167 bis du code général des impôts, a, le 30 septembre 2002, mis en recouvrement l'imposition relative à la plus-value latente afférente aux droits sociaux qu'ils détenaient à la date du transfert ; que les intéressés, en application du II de l'article 167 bis, ont obtenu le sursis de paiement de cette imposition en échange du nantissement d'une partie des titres qu'il détenaient dans la société C...Group ; qu'au fur et à mesure des cessions des titres qu'ils ont pratiquées au cours des années 2001 à 2006, lesquelles ont mis fin au sursis de paiement, les contribuables ont contesté le bien-fondé des impositions redevenues exigibles, d'abord par voie de réclamation contentieuse puis, devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 12 novembre 2009, après avoir prononcé un non-lieu à hauteur de la somme totale de 1 212 055 euros, a rejeté le surplus de leurs demandes ; que, par un arrêt du 12 janvier 2012, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 29 avril 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a prononcé un non-lieu partiel à raison de dégrèvements complémentaires opérés par l'administration, et rejeté le surplus de la requête dirigée contre le jugement précité du Tribunal administratif de Paris ; que le 22 novembre 2013, M. et Mme C...ont reçu une mise en demeure de payer établie le 8 octobre précédent en vue du recouvrement des impositions restant à leur charge et non encore acquittées ; que, le 27 novembre 2013, les requérants ont formé opposition à cette mesure de poursuite, motif pris de la prescription de l'action en recouvrement ; que, par décision du 28 février 2014, le service n'a que partiellement fait droit à cette réclamation, en renonçant à poursuivre le recouvrement des impositions redevenues exigibles à la suite des cessions réalisées en 2005, mais en faisant valoir que, pour le surplus, soit la fraction de la dette fiscale correspondant aux cessions réalisées en 2003, 2004 et 2006, la prescription avait été régulièrement interrompue le 2 novembre 2010 par une reconnaissance de dette ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 21 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme résultant de la mise en demeure du 8 octobre 2013, à due concurrence des impositions restant en litige, soit 12 640 757 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour rejeter le moyen soulevé par M. et Mme C...et tiré de ce que la lettre du 2 novembre 2010 ne pouvait valoir reconnaissance dès lors qu'elle avait été signée par leur avocat qui ne justifiait pas d'un mandat à cette fin, le Tribunal a relevé qu'en vertu des dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971, les avocats ont, sauf cas particulier, qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte, et a souligné qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable au déroulement de la procédure d'imposition ne subordonnait la possibilité pour un avocat de représenter un contribuable à la justification du mandat qu'il a reçu ; que le Tribunal s'est ainsi borné à répondre au moyen sus-analysé, dont, en défense, l'administration avait d'ailleurs expressément contesté le bien-fondé, en exerçant son office sur le terrain juridiquement approprié ; qu'ainsi, alors même qu'aucune partie n'avait cité les dispositions de la loi du 31 décembre 1971, en se fondant sur ces dispositions, les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un moyen d'ordre public qu'ils auraient dû préalablement communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et n'ont, par suite, pas entaché leur jugement d'irrégularité ;

Sur l'existence de l'obligation de payer :

3. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable " ; que, sans préjudice et sous réserve de dispositions particulières, le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'impôt est interrompu dans les conditions du droit commun ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2240 du code civil : " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. " ; que la reconnaissance, par le redevable de l'impôt, de l'exigibilité de sa dette s'entend de tout acte ou de toute démarche par lesquels celui-ci admet son obligation de payer une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son titulaire ;

5. Considérant qu'en estimant que, bien que n'étant plus expressément visée par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2010, une reconnaissance de dette était au nombre des actes de nature à interrompre la prescription, l'administration, qui, en retenant une interprétation de la loi conforme à celle qui vient d'être énoncée, ne s'est pas fondée sur sa propre doctrine, n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles 4 et 6 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers, dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable au recouvrement de l'impôt ne subordonne la possibilité pour un avocat de représenter un contribuable à la justification du mandat qu'il a reçu ; que, par suite, la circonstance que le mandat donné à un avocat par le contribuable pour le représenter au cours d'une procédure de recouvrement serait irrégulier, ou celle que cet avocat aurait outrepassé le mandat ainsi donné, sont inopposables à l'administration devant laquelle cet avocat s'est présenté comme le représentant du contribuable, et ne sont pas de nature à affecter la validité des actes accomplis par celui-ci ou par l'administration dans le cadre de cette procédure ; qu'il suit de là que M. et Mme C...ne peuvent utilement soutenir que la lettre du 2 novembre 2010 signée par leur avocat ne pouvait valoir reconnaissance de dette dès lors que ce dernier, qui n'avait pas à justifier devant l'administration de l'existence ou de l'étendue de sa procuration, n'aurait pas expressément reçu mandat à cette fin ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la reconnaissance, par le redevable de l'impôt, de l'exigibilité de sa dette s'entend de tout acte ou de toute démarche par lesquels celui-ci admet son obligation de payer une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son titulaire ;

8. Considérant que la lettre susmentionnée du 2 novembre 2010 fait clairement référence au courrier du 11 octobre 2010, dont elle comportait d'ailleurs une copie, par lequel l'administration, à la suite du jugement du 12 novembre 2009 du tribunal administratif de Paris, a invité M. et Mme C...à s'acquitter de la dette fiscale restant à leur charge en leur rappelant, par année de cession, le détail des plus-value réalisées et le montant des impositions correspondantes ; qu'en outre, si dans cette lettre, les requérants, qui avaient formé appel du jugement du Tribunal, mentionnent avoir " de très bonnes chances de succès ", ils conviennent que " bien entendu, cela n'a pas de conséquence juridique sur l'exigibilité de l'impôt " et proposent, au regard de leurs difficultés financières, le versement d'une somme de 8 573 055,75 euros, en contrepartie de la levée du nantissement des actions prises en garantie ; qu'ainsi, la lettre en cause, par laquelle M. et Mme C...se sont référés clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité du créancier et dont ils ont admis l'exigibilité, doit être regardée comme une reconnaissance de dette de la part des contribuables, nonobstant leur persistance à contester en justice le bien-fondé des impositions ; qu'est sans incidence, sur la validité de cet acte et son opposabilité à l'administration, la circonstance que la lettre en cause ne répondrait pas aux conditions de forme posées par les articles 1326 et 1341 du code civil dès lors que, d'une part, ces dispositions ne concernent que les règles de preuve et que, d'autre part, dès lors qu'elle remplissait les conditions de fond d'une reconnaissance de dette, elle était opposable en tant que telle à l'administration du fait de sa signature par l'avocat des requérants ;

9. Considérant, enfin, qu'il n'est pas contesté que le délai de prescription, qui a commencé à courir le 30 septembre 2002, date de la mise en recouvrement des impositions litigieuses et qui a été suspendu en application, d'abord, du II de l'article 167 bis du code général des impôts puis, sauf en ce qui concerne les impositions afférentes aux titres cédés en 2006, de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, n'était pas expiré le 2 novembre 2010 ; que la lettre adressée à cette date à l'administration et emportant, ainsi qu'il vient d'être dit, reconnaissance de dette de la part de M. et MmeC..., a, par suite régulièrement interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de quatre ans ; que, dès lors, le 22 novembre 2013, date à laquelle les requérants ont accusé réception de la mise en demeure du 8 octobre 2013, la prescription de l'action en recouvrement ne leur était pas acquise ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

2

N° 16VE00827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00827
Date de la décision : 14/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP HARVING AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-03-14;16ve00827 ?
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