Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006.
Par un jugement n° 1309262 du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 29 juin 2015, 16 décembre 2016, 17 janvier 2017 et 23 février 2017, M. C..., représenté par Me Lacazedieu, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la position du service, selon laquelle il a détourné plus de onze millions d'euros au préjudice de la société BNP Paribas Securities Services, dont il était salarié, pour les verser sur un compte ouvert au nom de M. F...I...au moyen d'une copie de son passeport personnel dans une succursale d'une banque monténégrine, est contraire au principe de présomption d'innocence, dès lors que l'instruction judiciaire ouverte en 2009 pour ces faits est toujours en cours ;
- l'administration retient la description des faits qui a été fournie par la société BNP Paribas Securities Services qui a porté plainte contre lui, mais n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des impositions ;
- les faits en cause ne peuvent pas être tenus pour établis et on ne peut aucunement déduire des éléments extraits du dossier d'instruction judiciaire, obtenus en 2011 par l'administration par l'exercice de son droit de communication, qu'il serait le bénéficiaire avéré de la somme détournée des comptes de la BNP Paribas Securities Services, qui aurait par la suite été déposée auprès de la société Luzitanos, dont il n'était pas gérant et sur les fonds de laquelle il n'aurait eu, en sa seule qualité de co-fondateur, aucun droit d'en disposer ; il démontre qu'il n'était pas présent au Monténégro à la date où les sommes de 5 et 6 millions d'euros ont été retirées du compte de la banque monténégrine, alors que la présence du titulaire du compte était nécessaire pour le retrait de ces fonds en espèces ; le principal suspect identifié par le juge judiciaire dans cette affaire est M. E... K..., assisté de MM. B...A...et J...H..., qui a nécessairement usurpé son identité pour ouvrir le compte bancaire au Monténégro et pour en retirer les fonds ; il ressort d'une commission rogatoire internationale, ayant enquêté auprès de la banque où les fonds ont été retirés, que ledit compte ne disposait d'aucun accès à distance ni de dérogation au fait que seul son propriétaire était en mesure de le mouvementer, et que ce titulaire effectuait personnellement toutes les transactions en étant physiquement sur place ;
- il a toujours nié les faits qui lui sont reprochés, et l'usurpation d'identité doit être regardée comme établie, au moyen de l'une des copies de son passeport ; il avait en effet remis des copies à des tiers, d'une part dans le cadre de son activité professionnelle à la direction des ressources humaines de la BNP Paribas Securities Services, et d'autre part, à l'étranger, dans le cadre de son activité accessoire d'agent de joueurs de football, à titre de garantie pour de jeunes joueurs de football étrangers ; une copie certifiée conforme à l'original a également été remise à la mairie de son domicile, avec ses avis d'imposition et les trois derniers relevés bancaires, pour permettre à un jeune joueur étranger d'obtenir un visa pour venir en France ; du fait de son séjour de plusieurs mois en détention provisoire et du contrôle judiciaire très strict qui a suivi, il n'a pu, depuis 2010, engager une procédure pour usurpation d'identité au Monténégro ;
- alors qu'il est soupçonné d'avoir détourné une très importante somme, l'administration fiscale n'a constaté aucune anomalie dans ses comptes bancaires, son patrimoine ou son train de vie, lors de l'examen de sa situation fiscale personnelle réalisée postérieurement à la découverte du détournement de fonds ; suite à ces procédures, sa santé s'est fortement dégradée et il est incapable d'occuper un emploi ; son seul revenu est constitué du RSA et il est hébergé par ses parents ;
- son droit à un procès équitable ainsi que les droits de la défense ont été méconnus, en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 ; en effet, l'administration a utilisé son droit de communication pour extraire tous les éléments à charge du dossier de l'instruction judiciaire ouverte en 2009 et, à ce jour en 2017, alors que cette instruction est encore en cours, l'autorité judiciaire refuse à son avocat de produire à la Cour des pièces de cette instruction pénale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., substituant Me Lacazedieu, avocat de M.C....
1. Considérant que, le 13 janvier 2012, M. D...C...s'est vu notifier une proposition de rectification par laquelle l'administration rehaussait son impôt sur le revenu de l'année 2006 par un rappel dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour le montant global en droits, intérêts de retard et majorations pour manquement délibéré, de 8 976 575 euros ; que M. C... relève appel du jugement du 18 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge conformément à cette proposition de rectification ;
2. Considérant que, pour établir les redressements en litige, l'administration, qui s'est notamment fondée sur des éléments provenant d'une instruction judiciaire ouverte en 2009, à laquelle elle a pu accéder le 16 mai 2011 après avoir exercé son droit de communication auprès du Tribunal de grande instance de Paris, fait valoir que, le 16 juin 2006, une somme de 11 088 103 euros appartenant à la BNP Paribas Securities Services, où travaillait le requérant, a été transférée illégalement sur un compte ouvert le 5 juin 2006 à la banque CKB du Monténégro, au nom de M. F...I...avec une copie d'un passeport établi au nom de M. F...I...C..., né le 10 mai 1975 ; que deux retraits en espèces ont été effectués sur ce compte bancaire les 19 et 21 juin 2006, pour des montants de cinq millions d'euros et six millions d'euros respectivement, laissant un solde de 32 662 euros sur ledit compte ; que M. C..., à l'appui de ses conclusions aux fins de décharge du supplément d'imposition précité, soutient qu'il n'a joué aucun rôle dans ces évènements, les faits constitutifs du détournement de fonds n'ayant pu être commis que par un tierce personne ayant usurpé son identité au moyen d'une copie de son passeport ; qu'il indique à cet égard qu'il avait laissé la disposition de copies de son passeport à des tiers, notamment dans le cadre de son activité accessoire d'agent de joueurs de football, et qu'un ressortissant serbe, identifié, selon les éléments recueillis par le juge d'instruction, comme le " premier suspect " des faits délictueux, aurait eu ainsi accès à l'une de ces copies de son passeport ;
3. Considérant qu'après avoir réceptionné la proposition de rectification du 13 janvier 2012, M. C...a présenté ses observations, le 30 janvier 2012, aux fins de contester les rehaussements proposés, avant l'expiration du délai de trente jours prescrit à l'article L. 57-1 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que la charge de la preuve du bien-fondé des impositions en litige incombe à l'administration ;
4. Considérant, toutefois, qu'à l'issue de l'audience du 28 février 2017, l'état des écritures et explications des parties, ainsi que les pièces versées au dossier par celles-ci, ne permettent ni d'avérer ni d'infirmer la réalité des faits litigieux, commis à Paris et au Monténégro, constitutifs selon l'administration fiscale du détournement de fonds pour lequel M. C... reste mis en examen depuis l'ouverture de l'instruction judicaire en 2009, et sur lequel l'administration fonde les impositions supplémentaires objet du présent litige ; qu'ainsi, il y a lieu d'ordonner, avant de statuer sur les conclusions de la demande de M.C..., qu'il soit procédé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à un supplément d'instruction aux fins que les deux parties au litige fassent diligence pour verser au dossier, premièrement, la copie intégrale du fax qui aurait été envoyé le 16 juin 2006 depuis l'appareil de télécopie du service " prêts-emprunts " de la société BNP Paribas Securities Services vers celui du service " money transfert " de cette société, donnant l'ordre de virer la somme de 11 088 103 euros vers un compte de la banque CKB localisée au Monténégro, deuxièmement, la copie de toutes les pages du passeport dont s'est servi M. C...pendant les années 2006 et 2007, troisièmement, la copie du passeport qui a été présenté à la succursale de la banque CKB de Budva aux fins d'ouvrir le compte litigieux dont M. C...serait titulaire sous le nom deI..., et, enfin, toutes pièces, issues ou non du dossier d'instruction judiciaire, de nature à éclairer la Cour, s'agissant notamment de la nature exacte du poste de M. C...et de ses responsabilités au sein de la société BNP Paribas Securites Services, de son emploi du temps au cours du mois de juin 2006, et des dates et modalités de ses entrées et sorties du territoire monténégrin notamment au cours de ce même mois de juin 2006 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur la demande de M.C..., il sera procédé au supplément d'instruction dont l'objet est défini au point 4 du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à M. C...ainsi qu'au ministre, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour l'exécution du supplément d'instruction prescrit à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sont expressément réservés jusqu'en fin d'instance.
N°15VE02053 4