Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par l'Etat tenant à l'abandon des Harkis et de leurs familles lors de l'indépendance de l'Algérie et à leurs conditions d'accueil dans des camps de " transit " en France.
Par un jugement n° 1109251 du 10 juillet 2014, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 septembre 2014, 15 septembre 2014, 4 août 2015, 11 janvier 2016, 25 mai 2016 et 7 octobre 2016,
M. B..., représenté par Me Nunès, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1109251 du 10 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 000 000 euros ;
2° de condamner l'Etat à lui payer cette somme en réparation des préjudices subis ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu ; le tribunal administratif n'a en effet pas soumis au débat contradictoire la jurisprudence Hoffman-Glémane du Conseil d'Etat dont il a fait application ;
- pour cette raison, le jugement a aussi méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a été bénéficiaire d'aucune mesure de réparation ; les mesures prises en faveur des " pieds noirs " ne concernaient pas les Harkis et aucune mesure n'a été prise en faveur des enfants de Harkis ;
- les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont ainsi été méconnues.
Par une intervention, enregistrée le 12 septembre 2014, et un mémoire enregistré le 8 février 2016, le comité Harkis et Vérité demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n° 14VE02837.
Par une lettre en date du 10 août 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que le comité Harkis et Vérités n'aurait pas intérêt à agir pour former une intervention ;
Par un mémoire distinct, enregistré le 14 octobre 2016, M. B...demande à la Cour de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité des dispositions de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, de l'article 47 de la loi de n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999, de l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, de l'article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et de l'article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de la loi de finances pour 2016 au regard des articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Il soutient que :
- que les dispositions de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 créent une allocation viagère instituée au profit des conjoints et ex-conjoints survivants de Harkis qui constitue un deuxième dispositif indemnitaire à côté de l'allocation de reconnaissance mise en place par les textes susmentionnés ; que cette nouvelle allocation crée un traitement discriminatoire entre Harkis et veuves de Harkis et que les enfants de Harkis internés dans les camps ne sont pas bénéficiaires de ce régime juridique ; que les dispositions de la loi du 29 décembre 2015 ne sont ainsi pas conformes à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- que les dispositions susmentionnées de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 méconnaissent l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'aucun intérêt général ne justifiait que les enfants de Harkis ne relèvent pas de ce dispositif législatif de l'allocation de reconnaissance ;
- que, d'une manière générale, le dispositif législatif existant est insuffisant et créateur de discriminations injustifiées ;
Par une lettre du 30 novembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen tiré de ce que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conséquences dommageables des décisions ayant conduit l'Etat à ne pas intervenir pour mettre fin aux massacres de populations harkis en Algérie.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyens tous les ressortissants des territoires d'outre-mer ;
- la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;
- la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés sur un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;
- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
- la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;
- la loi de n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;
- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;
- la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense ;
- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;
- la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 ;
- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ;
- le décret n°2005-521 du 23 mai 2005 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;
- le décret n° 2015-772 du 29 juin 2015 relatif au versement pour la retraite ouvert à certains enfants de Harkis, Moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés ;
- l'arrêté du 1er septembre 2012 fixant le montant des aides complémentaires à la formation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public,
- les observations de Me Nunès, pour M. B...et de M.B..., frère du requérant, pour le comité Harkis et Vérité.
1. Considérant M. B...a formé le 20 juillet 2011 une demande indemnitaire préalable auprès des services du Premier ministre aux fins d'obtenir réparation du préjudice subi du fait des conditions du rapatriement et de l'accueil des Harkis en France, après l'indépendance de l'Algérie ; qu'il soutient que le gouvernement français a mené une véritable politique d'abandon des Harkis en Algérie alors même que ceux-ci étaient l'objet de massacres et exactions, et que des conditions de vie indignes leur ont été imposées en France en violation des droits fondamentaux attachés à la personne humaine, constituées notamment par les entraves posées par les autorités françaises à leur liberté d'aller et venir, le non respect de leur vie privée, la violation du secret des correspondances et la violation du principe d'égal accès aux services publics de l'enseignement ; que M. B... a ainsi demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ; que par jugement du 10 juillet 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de l'intéressé ; que M. B...forme appel de ce jugement et que le comité Harkis et Vérité forme une intervention au soutien des demandes de l'intéressé ;
Sur l'intervention du Comité Harkis et Vérité :
2. Considérant, d'une part, qu'est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; que, d'autre part,, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;
3. Considérant que par un courrier en date du 23 janvier 2017, le Comité Harkis et Vérité a produit les statuts de cette association en réponse à une demande de la Cour du 18 octobre 2016 ; que ce courrier a ainsi été produit après la clôture d'instruction fixée au 6 janvier 2017 à midi, par une ordonnance du 9 décembre 2016 ; que si cette pièce était susceptible d'établir l'objet de cette association et de permettre de vérifier qu'elle justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la requête de M.B..., eu égard à la nature et à l'objet du litige, le Comité Harkis et Vérité ne fait état d'aucun obstacle à sa production avant la clôture d'instruction ; que le Comité Harkis et Vérité n'est dès lors pas recevable, à défaut d'établir avant la clôture de l'instruction l'objet de ses statuts, et par suite son intérêt à agir, à intervenir au soutien de la requête formée par M.B... ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ;
5. Considérant, en premier lieu, que par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999, et de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 à l'exception des mentions relatives à " la nationalité française " figurant dans lesdits articles ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à demander que le Conseil Constitutionnel soit saisi d'un examen de la conformité des articles susmentionnés aux droits et libertés que la Constitution garantit, par renvoi du Conseil d'Etat ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe constitutionnel d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels, les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ;
7. Considérant que le requérant soutient que l'article 133 de la loi du
29 décembre 2015, accordant une allocation viagère au profit des conjoints et ex-conjoints survivants de Harkis, crée un dispositif d'indemnisation concurrent de celui prévoyant une allocation de reconnaissance au profit des Harkis et de leur conjoint survivant, mis en place par l'article 6 de la loi du 23 février 2005 dont les dispositions font référence, par différents renvois, à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, à l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, et à l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999, de nature à entrainer une discrimination entre les harkis et les veuves de Harkis ; qu'il ressort, toutefois, des termes du III de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 que : " La demande de bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi. " ; qu'eu égard à leur objet, il ne ressort pas des dispositions litigieuses de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 et de celles de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 qu'elles seraient de nature à entraîner une discrimination entre Harkis et veuves de Harkis dès lors qu'il ressort des travaux parlementaires, précédant l'adoption de la loi du 29 décembre 2015, que l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 133 de cette loi, a été prévue, en raison de la forclusion du dispositif législatif prévu par l'article 6 de la loi du 23 février 2005, pour instaurer une allocation au profit des conjoints et ex-conjoints survivants qui étaient mariés ou avaient conclu un pacte civil de solidarité avec d'anciens Harkis et qui n'ont pas bénéficié des dispositions de l'article 6 de la loi du 23 février 2005, ne se sont pas remariés ou n'ont pas conclu de nouveau pacte civil de solidarité ; que M. B...ne peut ainsi utilement soutenir qu'il existe depuis la loi du 29 décembre 2015 deux régimes juridiques différents pour l'indemnisation des Harkis ou de leurs conjoints survivants de nature à constituer une discrimination au sens de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que, par ailleurs, le principe d'égalité ne s'oppose pas non plus à ce que le législateur ait réglé de façon différente, d'une part, la situation des Harkis, de leurs conjoints et
ex-conjoints, et d'autre part, la situation de leurs enfants, par des dispositifs législatifs différents, prenant en compte la situation particulière de ces derniers ; que, par suite, la question de la conformité de ces dispositions au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas de caractère sérieux ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, toutefois, si le requérant soutient que les enfants de Harkis ayant vécu dans des camps tels que celui de Bias auraient dû être compris parmi les bénéficiaires des dispositions de l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015, le principe de responsabilité ne fait pas obligation à l'Etat de régler par un seul dispositif législatif des situations différentes ; qu'il lui était loisible de prendre en charge la réparation ou l'indemnisation des préjudices subis par les enfants de Harkis ayant vécu dans des camps entre 1962 et 1975 par d'autres dispositifs législatifs que ceux consacrés aux conjoints ou ex-conjoints de Harkis ; que, par suite, il ne résulte aucune violation par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2005 du principe de responsabilité devant la loi garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, que la question de constitutionnalité soulevée ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
10. Considérant, en premier lieu, qu'à l'exception des moyens d'ordre public sur lesquels la formation de jugement ne peut se fonder d'office sans avoir informé les parties préalablement à la séance du jugement, aucun texte ou principe général du droit n'impose que le tribunal informe les parties, préalablement à l'audience, des éléments de raisonnement qu'il est susceptible de retenir pour répondre aux moyens des parties ; qu'il se borne, ce faisant, à remplir son office ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué est suffisamment motivé en fait et en droit ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant " ; que si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à un telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et qu'il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier ; qu'en procédant, en l'absence de réponse du gouvernement à la mise en demeure que le tribunal administratif lui avait adressée le 12 mars 2014, à une vérification des faits exposés dans les mémoires de M. B...au regard des pièces produites, le tribunal administratif n'a aucunement entaché son jugement d'une méconnaissance de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
13. Considérant que M. B...soutient que la responsabilité de l'Etat est engagée pour avoir, en raison de l'attitude fautive des autorités françaises, abandonné les populations harkis après la proclamation du cessez-le-feu en Algérie le 18 mars 1962, date de la signature des accords d'Evian, avoir refusé d'accueillir ceux qui étaient parvenu à rejoindre la France en dehors de tout plan général de rapatriement et, pour ceux qui avaient pu être admis à rester en France, les avoir accueillis dans des conditions indignes dans des camps de transit et d'hébergement entre 1962 et 1975 ;
14. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas fin aux massacres de populations harkis en Algérie, intervenus après le cessez le feu du 18 mars 1962 ; que les choix, décisions ou compromis arrêtés ou acceptés par les autorités françaises sur la situation des populations harkis se trouvant sur le territoire algérien, après la signature des accords d'Evian, ne sont pas détachables de l'action menée par l'Etat français à l'occasion de l'accession d'un nouvel Etat à l'indépendance ; que, par suite, il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître des conséquences dommageables de ces décisions, choix ou compromis ayant conduit l'Etat français à ne pas intervenir pour mettre fin aux exactions et aux massacres des populations harkis sur le territoire algérien après la signature des accords d'Evian et de surcroît après l'accession à l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet 1962 ;
15. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant demande à la Cour de retenir que l'Etat a engagé sa responsabilité en ne permettant pas aux populations harkis de trouver refuge en France après le début des massacres ; que la question de savoir si les mesures prises par les autorités françaises, pour refuser d'accueillir en France les populations harkis qui tentaient d'échapper à des représailles ou à des massacres, sont susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique, n'implique aucunement l'examen des rapports entre l'Etat français et ce nouvel Etat accédant à l'indépendance, ni l'examen des conditions de mise en oeuvre des accords d'Evian ; qu'il résulte de l'instruction que si dans un premier temps les autorités françaises ont pris sous l'autorité du Premier ministre, dès février 1962, un ensemble de mesures destinées à permettre aux Harkis et à leurs familles d'être accueillis sur le territoire français, elles ont dans un second temps pris la décision de suspendre le rapatriement de ces populations sur le territoire français et, plus encore, à compter du mois de mai 1962 donné ordre au Haut commissaire de la République en Algérie et aux forces armées de renvoyer sur le territoire algérien les Harkis débarqués en France en dehors de tout plan général de rapatriement, comme cela ressort d'une note-télégramme du 16 mai 1962 du ministre d'Etat chargé des affaires algériennes et d'un télégramme du ministre des armées du 12 mai 1962 ; qu'il n'est pas contesté que cette politique, qui a eu pour conséquence d'interdire à des citoyens devenus français depuis la loi du 7 mai 1946 de rejoindre le territoire français, et les a exposés à des massacres et emprisonnements ; que l'administration ne conteste d'ailleurs pas la matérialité des faits exposés par le requérant ; que, dès lors, en ne mettant pas en oeuvre les mesures nécessaires pour accueillir en France ces populations, que le gouvernement français savait exposées à des risques de massacres ou de représailles, ou pire en les renvoyant sur le territoire algérien, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
16. Considérant, en troisième lieu, que le requérant se prévaut des mauvaises conditions d'accueil des familles A...dans les camps de transit et d'hébergement ouverts entre 1962 et 1975 ; qu'il résulte de l'instruction que les conditions de vie dans ces camps étaient difficiles, que l'administration contrôlait le courrier et les colis et que les prestations sociales qui étaient allouées aux familles ne leur étaient pas versées mais réaffectées par le ministère des rapatriés au financement des dépenses de fonctionnement des camps ; qu'il n'est pas non plus contesté, notamment en ce qui concerne le camp de Bias où le requérant a passé sa jeunesse, que l'administration des camps s'efforçait de limiter tout contact avec la population extérieure et que les enfants n'étaient pas inscrits à l'école du village, en méconnaissance des règles sur la scolarisation des enfants ; que cette situation, qui n'est pas contestée par l'administration, a constitué notamment une atteinte au respect de la dignité humaine et est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Etat est engagée à la fois en raison de la politique d'abandon d'une partie des populations harkis et des mauvaises conditions supportées par les familles accueillies en France ;
Sur les préjudices :
18. Considérant, toutefois, que pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les Harkis et leurs familles, l'Etat a pris une série de mesures, ayant pour objet le versement d'allocations ou d'indemnisations ; qu'ainsi, les populations harkis ont notamment pu bénéficier d'aides spécifiques au logement et d'une aide spécifique en faveur des conjoints survivants prévue par la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, du versement d'une allocation de reconnaissance prévue par la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ou encore de l'allocation viagère prévue par l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 au bénéfice des conjoints et
ex-conjoints de Harkis ;
19. Considérant que plusieurs dispositifs ont aussi été mis en place pour compenser les préjudices subis par les enfants de Harkis et notamment par ceux ayant vécu dans les camps de transit ouverts entre 1962 et 1975 ; qu'ainsi la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a prévu dans son article 10 le bénéfice d'aides pour les enfants de Harkis, éligibles aux bourses de l'éducation nationale ; que ces derniers ont par ailleurs pu bénéficier du dispositif prévu par la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense, leur ouvrant un droit à des emplois réservés ; que, par ailleurs, les enfants ayant été hébergés dans les camps de transit ont pu bénéficier des dispositions de la loi du 22 décembre 2014 et du décret du 29 juin 2015 leur permettant de voir les périodes passées dans ces camps prises en compte par le régime général d'assurance vieillesse dans la limite de quatre trimestres ;
20. Considérant que cette réparation ne s'est pas limitée aux mesures susmentionnées d'ordre financier mais a été complétée par une reconnaissance solennelle du préjudice subi collectivement par les Harkis et leur famille, que ce soit dans l'article 1er de la loi du 11 juin 1994 ou dans l'article 1er de la loi du 23 février 2005 susmentionnées ou encore à l'occasion de la reconnaissance officielle faite par le président de la République à l'occasion de son discours du 14 avril 2012 à Perpignan, de son message du 25 septembre 2012 ou encore de son discours du 25 septembre 2016, rappelant l'abandon par la France des Harkis et le caractère indigne du sort qui leur a été réservé lors de leur arrivée en France ;
21. Considérant que, par suite, l'ensemble de ces mesures doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation des préjudices d'ordre matériel ou moral subis par M.B..., en tant qu'ayant cause de Harki et en tant que fils de Harki, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, M. B...ne fait pas état, dans ses écritures et par les éléments produits, d'un préjudice spécial qu'il aurait subi à titre personnel au camp de Bias, de nature à lui ouvrir droit à réparation ;
22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices qu'il a subis ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du comité Harkis et Vérité n'est pas admise.
Article 2 : La requête M. B... est rejetée.
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N° 14VE02837